Chapitre IX

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*Mes pieds, mes mains, mon cœur et mon corps*

Il n'avait pas dormi de la nuit. Il avait regardé, à l'aube, le soleil se lever sur la peau nue d'Ode. La lumière dessinait ses os mal cachés par la chair, ses petits seins, ses vergetures, ses mains abîmées par les coups d'aiguilles, ses pieds qu'elles avaient abîmés sur le sol goudroné la nuit dernière. Il remarqua aussi une grande cicatrice sous sur sa cuisse gauche comme si on lui avait enlever une partie du muscle. Ça l'intrigua mais il ne dit rien. Il la laissa dormir tard, elle l'avait bien mérité. Il se sentait incroyablement bien, en paix.

Quand elle se réveilla, Tony n'était plus dans son lit. Elle enfila son jogging et un t-shirt trop grand. Ce ne fut seulement qu'au moment où ses yeux étaient assez réveillés qu'elle vit l'état de sa chambre. Elle était rangée, propre, méconnaissable. Abasourdie, elle se dirigea dans le salon où là aussi, tout était impeccable. Elle en resta bouche bée.

- Ah tu es enfin réveillée ! Il y a pas grand chose à manger mais je peux te faire un thé si tu veux.

Elle vit la tête de Tony sortir de la cuisine. Elle le dévisagea avec un air étrange, presque triste, toujours surprise.

- C'est toi qui a tout rangé ? demanda t-elle d'une petite voix.

- Qui d'autre ? Ça m'a pris une bonne partie de la nuit figure toi, c'était vraiment le bordel.

Tony fut surpris qu'Ode paraisse si émue pour si peu de choses. Il s'attendait à un sourire, à des applaudissements, à se qu'elle lui saute au cou de joie. Mais elle resta immobile comme un fantôme au milieu de l'appartement dans lequel elle était morte. Elle le regardait, la bouche ouverte, les larmes aux yeux.

- Pourquoi ? demanda t-elle

Désarmé par sa réaction, il essaya de garder une contenence.

- C'est ce que tu as fait, la première nuit où tu es venue chez moi. Je me suis dit que tu méritais que je te rende la pareil. Il fallait pas ? Je suis désolé si tu voulais pas que...

- Non, le coupa t-elle, c'est parfait. Je... merci.

Ode savait que ça avait dû lui prendre un temps fou. En vérité, si elle était si émue, c'était parce qu'elle ne s'était jamais attendue à ce que quelqu'un lui rende tous les efforts qu'elle avait fait. Elle ne s'attendait pas à ce qu'on lui donne en retour. Elle ne pensait pas qu'on puisse se donner du mal pour elle, c'était l'inverse d'habitude. Il y a bien longtemps que personne ne lui avait donner quelque chose en retour.

- De rien, ma chère. Ce n'était pas un endroit pour une reine comme vous, votre serviteur l'a rendu digne de vous, plaisanta Tony.

Il lui décrocha un rire. Il aurait voulu qu'elle se voit à travers ses yeux à lui. Elle était magnifique, tout juste réveillée, au milieu de chez elle, riant les yeux émus.

Il sortit son téléphone et mis une musique de jazz à fond. Il savait à quel point Ode aimait danser.

- Si vous voulez bien m'accordez cette danse, très chère.

- Je viens à peine de me réveiller !

- Quel meilleur moyen de commencer une journée ?

Il se mit à danser en faisant le malin pour la faire rire. Et elle rit. Elle se laissa entraîner quand il lui prit les mains. C'était lui qui venait la chercher, pour une fois. C'était lui qui s'était réveillé le premier, qui la faisait sourire, qui la faisait danser, qui la submergea avec sa bonne humeur. C'était elle qui se laissait prendre, qui recevait.

Dansant avec de grands airs dans le salon, ils avaient l'air stupidement heureux. Elle l'était, heureuse, vraiment. C'était aussi parce qu'elle se sentit heureuse et importante qu'elle se sentit si triste. Elle savait mieux que personne que tout se termine, elle ne voulait pas que ça se termine, elle aurait voulu que cet instant dure pour toujours.

 Ode Aux Ascenseurs Où les histoires vivent. Découvrez maintenant