Chapitre 4

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Les jours suivants ne furent pas mieux. Le quotidien lassant et morose était encore là, rien n'avait changé de ses dernières années. La pluie a mouillé le sol, comme le reflet de mes pensées négatives. De temps en temps, le soleil brillait fort dans le ciel. Il me réchauffait. Mes amis n'ont eux aussi pas bougé ; chacun d'entre eux travaillait dur, mangeait en silence et se reposait au dernier étage de Dynaste. Moi, je continuais de dessiner lors de mes cours. À force de m'exercer de la sorte, mes croquis deviennent meilleurs. Madame Emilia avait établi un rapport concernant mes devoirs non-complets. Le résultat se faisait bien ressentir. Monsieur Cregs, le proviseur, me tenait davantage à l'il, et de mon côté j'en profitais pour continuer à les défier. Mon père vivait sa routine, comme chaque jour. Il préparait tous les matins une tasse pour mon petit-déjeuner, et allait dormir après avoir nettoyé nos assiettes le soir. Je partais ensuite à l'association. J'avais même décalé mes heures de la semaine, afin d'espérer y revoir l'inconnu. Après être rentrée cette nuit-là, je me suis rendue compte que je ne connaissais même pas son prénom, et lui non plus. Cependant, il n'était pas présent. Ce n'était pas étonnant s'il ne venait pas tous les jours, il me l'avait dit. Peut-être que je le verrai ce soir, étant donné que le week-end s'installe.

Je me suis également rendu compte d'autres choses. Je ne l'avais pas repoussé, ni même jugé ou étais désagréable envers lui. Il n'avait pas l'air comme ses personnes qui m'entoure. Il était simple. Les sentiments qui émanaient de lui lorsqu'il chantait, me laissent penser qu'il connaît la souffrance, lui aussi. Différemment, mais douloureuse tout de même. J'avais apprécié sa compagnie comme lui avait probablement aimé la mienne, c'était ce qu'il me fallait. Il devait être le premier à parler à la vraie Élise, depuis des années.

Le ciel s'éclaire d'une nuance d'orange par la fenêtre. Les jours se rallongent désormais de plus en plus. Je mets quelques crayons et feuilles dans mon sac à dos, et y installe par la suite mon ordinateur portable. Un dernier regard vers le miroir me montre la parfaite chevelure blonde et raide que je possède. J'attrape les clés de la vieille voiture et rejoins la salle polyvalente.

Le samedi est toujours plus bondé que les autres. Elle ouvre plus tôt, les enfants peuvent venir à partir de dix-sept heures pour les activités proposées. Mon regard s'attarde sur eux. Une petite rousse rie aux éclats alors que son ami étale de la peinture verte sur sa joue. Ça m'arrache un sourire. Je me tourne vers la scène, où de nombreux musiciens jouent de la musique forte. Ils semblent tous déchaînés mais c'est ce qui rend leur performance unique. La batteuse tape frénétiquement sur les tambours, les paupières closes, connaissant sûrement son rôle par cur. Derrière le micro, une femme aux cheveux rasés sort des paroles à plein poumons. Elle semble se sentir seule dans la pièce, donnant tout, plus pour elle-même que son public.

Le brun n'était donc pas là. Du moins, ce n'était pas lui à l'affiche cette nuit. Je fouille la salle des yeux, mais les siens ne m'apparaissent nulle part. Je me dirige donc vers le buffet, prendre de quoi me nourrir. Je sors ensuite par l'issue de secours une fois de plus. La voix subtile et forte de la femme s'évapore vers le coucher de soleil. Je m'installe au sol et me penche sur mes nouveaux essaies artistique. Mon héroïne a laissé son armure pour se vêtir d'une magnifique robe de mariée. Face à elle, son prince charmant lui offre une révérence, rigolant de son propre geste.

Quand je termine le décor, la porte à mes côtés se pousse. Je suis surprise de voir l'homme du début de semaine face à moi. Je pensais qu'il n'allait pas revenir, comme si j'avais réussi à le faire fuir.

— La porte était ouverte, explique-t-il. Je me suis dit que tu étais peut-être derrière.

— En plein dans le mille, Sherlock.

Il rigole à ma référence et s'assoit à son tour, de la même manière qu'à notre rencontre.

— Tu ne chantes pas ce soir ?

Les notes vagabondesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant