L'étrange Bastian Picker

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J'avais dix-neuf ans lorsque j'ai rencontré Bastian Picker. À l'époque, j'étais étudiant en médecine à l'université de Namur. Dès le premier jour, j'ai su qu'il y avait quelque chose d'anormal chez lui. Tout respirait l'étrange, le bizarre, à commencer par son apparence.
Tout d'abord, il avait les cheveux rouge écarlate, en bataille. Ensuite, il avait des yeux noirs comme le charbon. Je sais, je sais ; normalement, les yeux noirs n'existent pas. Mais ce que je vous dis est vrai. Ses iris étaient tellement noirs qu'on ne voyait même pas sa pupille. À chaque fois qu'il vous regardait dans les yeux, c'était comme si votre corps était plongé dans quelque chose de glacial, très glacial. Même sa voix faisait flipper. Elle était étrangement rauque, presque animale. Enfin, il portait toujours des vêtements sombres, comme s'il se rendait à un enterrement.
Croyez-moi, pour rien au monde vous n'auriez voulu vous retrouver face à Bastian Picker.

J'avais déjà fait une année d'étude lorsqu'il est arrivé. Bien qu'il fasse ving-cinq ans, le jeune homme n'en avait en réalité que dix-huit, donc un an de moins que moi.

La première fois que je lui ai parlé, c'était un mardi de début septembre, à midi, à la cafétéria de l'université. Il était installé à une petite table, seul. Mon plateau en main, j'étais allé m'asseoir en face de lui.

- Salut, lui avais-je lancé.

Il avait levé les yeux vers moi et javais eu l'impression de plonger dans un bain d'eau glacée. Sans répondre, il avait reporté son attention sur sa nourriture. Ce qu'il mangeait était vraiment bizarre, d'ailleurs. Ça ressemblait à de la purée mais c'était rouge sang. Avec ça, il y avait une sorte de salade aussi rouge que la purée. Aucun de ses aliments n'étaient proposés à la cafet'. Où avait-il pu acheter ça ? Et qu'est-ce que c'était, d'abord ?

- Alors comme ça, tu es nouveau ? avais-je dit.

- Oui, avait alors répondu l'inconnu de sa voix qui m'avait donné des frissons.

- Et tu t'appelles comment ? avais-je demandé.

- Bastian Picker.

Il avait hésité puis avait dit :

- Et toi ?

Avec un sourire, j'avais répondu :

- Je m'appelle Emilio Fellini.

- Italien, n'est-ce pas ?

- Oui. Et toi?

- Anglais.

J'avais hoché la tête en silence, puis, n'en pouvant plus, j'avais lâché :

- Qu'est-ce que tu manges ?

Bastian avait planté ses iris noirs dans les miens couleur émeraude et avait dit :

- Ça se voit, non ?

- C'est... de la salade ?

- Oui.

- Et de la purée ? avais-je dit, suspicieux.

- Bah ouais.

- Et pourquoi c'est rouge ? Excuse-moi mais ce n'est pas très courant de voir de la purée rouge !

Le nouveau avait alors froncé un sourcil.

- Tu poses trop de questions, Fellini.

- Je vois... Tu gardes tes petits secrets rien que pour toi, c'est ça ?

𝐑𝐞𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥 𝐝𝐞 𝐧𝐨𝐮𝐯𝐞𝐥𝐥𝐞𝐬Où les histoires vivent. Découvrez maintenant