Si la vocation d'un hôpital est de vous soigner ou vous aider à mourir on a le sentiment que les architectes, décorateurs et cuisiniers ont été coachés dans ce sens. Rajoutons à cela des produits désinfectants qui empestent, un personnel à l'accueil revêche et les patients sont toujours aux anges lorsqu'on leur annonce le jour de leur départ.
Après avoir appris que sa tante se reposait dans la chambre 158 au 2ème étage, Salomé grimpa les marches deux par deux jusqu'à la porte. Elle frappa deux petits coups et passa la tête dans l'entrebâillement. Esther était assise bien droite dans son lit, le dossier relevé et le dos calé par de gros coussins blancs. Elle ébaucha un petit sourire fatigué à l'intention de sa nièce, elle semblait avoir perdu 15 kg et pris 10 ans. Salomé en eut le cœur serré, elle posa les sacs sur une petite chaise à coté du lit avant de s'asseoir près d'elle sur le bord du lit. Les deux femmes se sourirent avec émotion et la plus jeune passa sa main sur le front de l'autre avant de caresser sa joue.
— Tata ! Tu m'as fait drôlement peur ! Comment vas-tu ?
— Je vais bien, murmura Esther d'une voix basse et faible. Je ne peux pas parler plus fort que cela ma chérie. Comment vas-tu de ton côté ?
— Mais très bien, tout va pour le mieux de mon côté. Tu ne devineras jamais : j'ai enfin réussi à négocier une augmentation. Je suis vraiment contente. Salomé ne s'attarda pas plus sur cette nouvelle de peur de devoir dévoiler le montant de ladite augmentation.
— Oh ! Quelle belle surprise ! Tu le mérites, tu travailles tant. Je me sens bête et honteuse de te donner des soucis en plus, tu sais.
— Mais non, voyons, c'est bien normal que je sois venue. Ils t'ont donné une date de sortie ?
— Oui, oui je devrais pouvoir quitter l'hôpital demain en fin de journée.
— Formidable ! Je vais bien m'occuper de toi durant la semaine, tu verras, tu vas être sur pieds en un clin d'œil et on pourra rouvrir le salon pour le week-end prochain je pense. J'irai faire quelques courses pour tenter de le faire tourner dès jeudi même si tu veux. Je pourrais aussi...
Esther baissa les yeux, secoua la tête en laissant échapper un long soupir.
— Tu es gentille, vraiment gentille ma petite fille mais ça ne va pas se passer tout à fait ainsi. Je suis épuisée, je n'y arriverai pas. Je n'y arriverai plus. Il me faut un vrai repos.
— Mais évidemment qu'il te faut du repos ! C'est bien pour ça que je suis là et justement...
Sa tante lui pris la main avec tendresse et la regarda droit dans les yeux. Salomé compris que quelque chose dans sa vie allait changer de façon irréversible.
— Salomé, ma chérie, je ne reviendrai pas au salon de thé. Je dois me reposer et prendre soin de moi pour de vrai. Je n'ai plus l'âge pour tout ça. D'ailleurs j'ai déjà pris des renseignements, je vais partir me refaire une santé au Mont Dore, leurs cures sont réputées pour les asthmatiques comme moi. J'ai une amie qui n'habite pas loin j'en profiterai pour aller lui rendre visite avant d'entreprendre mes soins.
Salomé n'en croyait pas ses oreilles : sa tante envisageait sérieusement d'abandonner son salon de thé pendant quelques jours, voire... quelques semaines ! Comment l'affaire allait-elle tenir le choc ?
— Mais comment tu vas faire avec le restaurant ? Je veux dire il va bien falloir que ça tourne ! Tu n'envisages tout de même pas de le fermer et de le vendre ? Et ton commis est bien gentil mais il ne tiendra pas la route tout seul sur le long terme. Enfin Tata, ce salon c'est toi, c'est la mémoire de Georges et de votre histoire, c'est... c'est pas rien tout de même !
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Mille-feuille au chocolat, sauce épices et nekketsu
Chick-LitIl était une fois une jeune femme qui avait perdu de vue ce qui comptait vraiment pour elle. Arrivera-t-elle à retrouver l'essentiel au milieu d'une cuisine avec pour commis une vieille reunionnaise accro à la pipe et un commis farfelu au prénom im...