Premières

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  Manon alluma son ordinateur, un Mac plus ou moins récent, se coucha sur son lit, et ouvrit son moteur de recherche. Elle laissa ses doigts en suspension au-dessus du clavier, avant de les faire courir rapidement, comme elle en avait l'habitude. Elle avait deux trois trucs à vérifier.

   Elle commença par taper "Lesbienne" dans le moteur de recherche; mais la majorité des résultats se composaient de site peu recommandables et d'images assez... Osées. Prise de surprise, elle ferma instinctivement la page internet, le feu aux joues et un sourire aux lèvres. Manon respira un grand coup, ferma les yeux et baissa la tête. Après s'être accordée un moment de réflexion, elle rouvrit la page, et cette fois beaucoup plus sûre d'elle, tapa dans la barre de recherche: "Suis-je homosexuelle?".

   Elle tomba d'abord sur quelques forums, où la plupart des internautes avaient trouvé drôle de poster des réponses cinglantes, péjoratives, et insultantes sur les gays. Elle continua ses recherches, faisant défiler les pages et les sites. Enfin, Manon trouva ce qu'elle cherchait. Il s'agissait d'un site assez simpliste, ne comportant que quelques articles sur le sujet. Elle les lut tous un à un, piquant des informations par-ci par-là...  Même si la plupart des articles étaient superficiels, certains lui permettaient d'avancer un peu.

   Elle découvrit qu'il n'y avait pas de "tests" à proprement parler, et que le truc, en gros, c'était de s'assumer et de s'accepter, même si aucun des écrits ne donnait une méthode particulière pour y arriver.

   Finalement, elle ne trouva rien sur ce site non plus, et elle décida d'arrêter ses recherches là. Avant de fermer son onglet, elle prit bien le soin d'effacer son historique. Elle finit par éteindre son ordinateur, et sortit une feuille sur laquelle elle marqua avec soin ce qu'elle avait obtenu; même si il s'agissait de résultats plutôt maigres. Elle porta le crayon à sa bouche et le mordilla nerveusement. Elle avait prit cette habitude depuis la primaire: ça l'aidait à destresser un peu ou à se concentrer. 

   Manon reposa finalement la mine du crayon sur la feuille et le fit glisser. Elle forma des courbes, des traits, des angles, pour finalement obtenir un ensemble confus de gribouillis emmêlés, qu'elle ratura par des gestes rapides. Elle retourna le crayon et du côté qui portait la gomme effaça tout ce qu'il y avait sur sa feuille, puis elle la froissa, la roula en boule et la jeta contre le mur. 

   Elle se laissa glisser dans son lit et se coucha. Des images défilaient devant ses yeux clos. Elle n'arrivait pas à se positionner. Elle n'arrivait pas à... Se décider. A se décider sur ce qu'elle devait être. Ou, d'ailleurs ce qu'elle était déjà. Ce qu'elle éprouvait pour... Tara... Cette chaleur... Du plus profond de son corps. Etait-ce de l'amitié? Ou... Se pouvait-il que...? 

 Elles se connaissaient depuis quelques temps déjà. Depuis une éternité plutôt, pensa Manon. Enfin... Cela ne lui était jamais encore arrivé, pour personne. Elle doutait de ses sentiments, de ses pensées, de sa nature même. Elle essayait de se convaincre qu'elle était juste comme toute les adolescentes de son âge. Bien sûr, même elle n'y croyait pas. Que disait l'article déjà? S'accepter tel que l'on est. Tu parles. Elle eut l'impression que le monde se foutait d'elle et lui faisait un énorme doigt d'honneur. Un truc bien pointé vers le ciel. Et comme pour y répondre elle ouvrit les yeux, et sans savoir à qui elle l'adressait vraiment, Dieux ou une quelconque autre surpuissance divine, ou encore le monde entier, elle brandit son majeur. Ca la fit sourire l'espace un petit instant. C'était déjà suffisant. Il fallait qu'elle aille ranger le Mac à son père avant que celui-ci ne revienne, car elle n'avait pas franchement envie de le contrarier en ce moment. Ni à aucun moment d'ailleurs.  

   Manon posa un pied à terre tout en se saisissant du portable. Elle se leva, et marcha tout droit hors de sa chambre. Elle alla au bout de l'étroit couloir et pénétra dans le salon. Là, elle mit délicatement la précieuse machine en place sur la table en verre, et en faisant ça elle ne put s'empêcher de penser à cette scène dans le premier Indiana Jones, où l'intrépide aventurier se saisit de la statue en la remplaçant par un petit sac de sable. Bien sûr, si elle ratait, ce ne serait pas une boule géante qui lui courrait après, ni une foulée de pièges tordus qu'elle devrait éviter mais son père, ce qui, en soit, était déjà probablement bien pire. 

   Elle regagna sa chambre et se recoucha sur son lit. Cette pièce lui semblait plus étroite que jamais. Elle roula sur sa gauche jusqu'à la table de chevet et ouvrit l'un des tiroirs, et en prit un de ses livres préférés. C'était Tara qui lui avait prêté. Harry Potter et le prince de sang-mêlé, de J-K Rowling. Rien que le titre et la couverture la laissaient rêveuse. Elle repris sa lecture où elle s'était arrêté. Elle l'avait presque terminé. Chaque fois qu'elle lisait un livre, elle avait l'impression de s'évader, loin, très loin de chez elle, de poser le pied sur des terres inconnues, d'être quelqu'un d'autre. Elle avait déjà essayé d'écrire plusieurs petites histoires, mais aucune ne lui plaisant, il lui arrivait souvent de déchirer la feuille. 

   Manon s'endormit rapidement sur son bouquin.

                                     ***

   Elle se réveilla couverte de sueur. Il était tard, pensa-t-elle.

Une Vie.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant