LES OMBRES 1. vengeance

9. Une aide précieuse

Iliëna

Iliëna se réveilla dans une petite chambre. Il faisait nuit noire et elle distinguait mal le nouvel environnement auquel elle était confrontée. Elle porta directement son regard sur sa jambe et s'aperçut avec étonnement et soulagement que celle-ci commençait déjà à cicatriser. Son regard glissa vers la petite porte par laquelle fuyait un mince rayon de lumière. L'elfe cligna des yeux afin de s'habituer à l'obscurité et parvint à voir le reste de la pièce.

Elle était allongée dans un petit lit fait de bois. Une petite fenêtre donnait sur le ciel étoilé et illuminait faiblement la chambre d'une lumière bleutée. Une table de nuit se trouvait à côté du lit, sur laquelle était posé un tas de bandages et médicaments. La jeune elfe entendit soudain des voix provenants de l'autre côté de la porte et se leva doucement non sans une grimace de douleur pour venir s'appuyer contre celle-ci. Elle entendit quelques bribes de conversation.

- C'est trop dangereux de la garder ici, ils la recherchent partout !

- Je refuse de la laisser mourir entre les griffes des Ombres ! C'est une elfe ! Tu sais très bien comment elle va finir...

Un soupir se fit entendre et Iliëna entendit des pas s'approcher de la porte contre laquelle elle était appuyée. Celle-ci s'ouvrit avant qu'Iliëna n'ait pu reculer.

Un homme d'une trentaine d'année se trouvait devant elle et la toisa en fronçant les sourcils. Il avait les cheveux blonds et de grands yeux marrons. Il faisait bien une tête de plus qu'Iliëna mais celle-ci n'était pas intimidée. Une femme accourut derrière et posa sur l'elfe un regard inquiet. Plus mince et petite, elle avait de longs cheveux bruns qui retombaient sur ses frêles épaules et son regard noisette parcourait le visage d'Iliëna à la recherche d'un moindre signe de souffrance.

- Tu es réveillée...

- Qui êtes-vous ?

L'elfe plongea ses yeux océans dans ceux de la jeune femme qui se tortillait, peu alaise.

- Nous t'avons trouvée dans la forêt...

L'homme lui coupa la parole :

- Nous t'avons ramenée ici et soignée. Je sais même pas pourquoi, compléta-t-il en lançant un regard à la petite brune.

La jeune femme ne se laissa pas impressionner et afficha un sourire.

- Moi c'est Elia, et voici Aaron, dit-elle en pointant du doigt le garçon qui se renfrogna.

- Mary, se présenta l'elfe.

Elle préférait se méfier. Donner un faux nom. 

Le sourire d'Elia s'élargit. Iliëna les dévisagea tour à tour en tentant de deviner à quel peuple ils appartenaient. Pas d'oreilles pointues : ils ne sont pas elfes. Pas d'yeux bleus, typiques des Sirenns et pas non plus d'yeux vairons, caractéristique des sorciers. Ils n'avaient pas non plus la laideur des Gobelins.Quand aux autres espèces, elles s'éloignaient trop de l'apparence humaine pour correspondre. Il restait donc deux possibilités : des Humains ou des Ombres. L'elfe devait donc rester sur ses gardes et agir prudemment.

Une voix la coupa de toute réflexion :

- Tu as faim ? Aaron avait pris la parole et attendit la réponse patiemment.

- Evidemment qu'elle a faim idiot ! Elia enfonça son coude dans les côtes du jeune homme ce qui arracha un grognement à ce dernier.

L'elfe sourit à cette scène et s'autorisa à laisser sa vigilance de côté pour un petit moment.

- Merci. Merci beaucoup. Je vous suis redevable.

La petite brune balaya la remarque par un geste de la main et l'invita à la suivre.

La petite cuisine donnait sur un jardin, éclairé par la lune qui faisait ressortir la couleur pale des roses blanches. Un léger vent agitait les quelques buissons qui abritaient la petite maison. Quelques lucioles volaient par ci par là et rendaient le tout harmonieux. Ce jardin ressemblait au jardin royale, à la Cour Elfique...

- Vous avez un magnifique jardin, complimenta Iliëna.

Ce petit bout d'herbe semblait beaucoup compter pour eux deux. Elia et Aaron rougirent en même temps, puis ce dernier bredouilla un remerciement avant de se tourner vers un placard pour en ressortir un bol de porcelaine. Il le posa sur la table et le remplit de soupe, tout en évitant le regard curieux de l'elfe. Elia fut la première à rompre le silence :

- D'où viens-tu ?

- Je suis originaire du Royaume des Elfes, mais j'ai vécu dans beaucoup de petites villes différentes, toujours à la recherche de tranquillité et sûreté.

- Comment c'est là-bas ? Le Royaume des Elfes ?

Iliëna soupira et son regard se plongea dans la nostalgie.

- C'était magnifique à l'époque. Le palais donnait sur le Royaume entier. Les arbres dansaient au loin, tous plus beaux les uns que les autres... Je revois les petites rues typiques qui grouillaient de marchands, les tissus elfiques qu'ils tissaient eux mêmes et qu'ils vendaient à des prix très élevés. Je revois les sourires des jeunes femmes qui se faisaient tresser les cheveux avec des fils d'or ou d'argent. Je revois les rivières de cristal, le soleil qui se couchait et laissait derrière lui une traînée orange vif...

D'un coup, le regarde de l'elfe se voila et elle leva la tête vers ses hôtes.

Elia baissa les yeux sur son bol et afficha une mine triste.

- Ça avait l'air exceptionnel, murmura Aaron. Son regard se perdit dans le vide.

- Ça l'était. Ça ne l'est plus.

Un silence s'installa et seul le bruit des couverts résonnait dans la petite pièce.

- Et vous ? Que faîtes-vous aussi éloignés des villages ?

Elia hésita mais finit par avouer que les massacres des villages leur faisaient plus peur qu'autre chose et qu'ils ne voulaient surtout pas être là quand ça arriverait dans les régions voisines. Leur petite maison était éloignée de toute habitation et les soldats ne passaient que par les grandes routes. Ils n'apercevaient que de rares voyageurs et leurs venaient en aide si besoin.

- Ça nous aide à garder bonne conscience, expliqua Aaron. On a moins l'impression d'abandonner notre espèce.

L'elfe hocha la tête. La pièce était chaleureusement décorée, pourtant un froid se faisait ressentir. Iliëna frissonna.

Elia changea de sujet :

- Les troupes en provenance de Balvar faisaient demi-tour ce matin. Elles rentraient à la Capitale. Ça sent pas bon, quelque chose se prépare... Ils n'ont jamais abandonné de poursuite, surtout pas d'un elfe !

- C'est vrai, confirma le jeune homme. Ils ne renoncent jamais.

Iliëna haussa les épaules et afficha un petit sourire sincère, qui se reflétait dans ses yeux.

- Ils m'auront un jour ou l'autre...

Aaron et Elia savaient que la jeune elfe avait raison... Les Ombres ne renonceraient jamais à la capturer. Ces êtres ont une trop grande valeur à leurs yeux. Ils représentent l'espoir d'un peuple éteint. Ils représentent une menace pour le système actuel. Mais malgré tout, en détenir un montre une grande puissance. Et c'est ce qui les rendait précieux : ils étaient autant menaçants que bénéfiques. Si les Ombres voulaient la capturer, ce n'était pas pour la tuer ensuite, mais pour l'utiliser, d'une manière ou d'une autre.