11. Jon - Au delà du Mur

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Jon se tenait au centre du camp, l'air grave. Après une discussion houleuse avec Tormund, ils avaient fini par s'arrêter sur une décision commune.

« Nous avons survécu à de nombreuses choses, clama le jeune homme d'une voix forte et assurée. Aux dragons, à des armées, des marcheurs blancs. Mais il semblerait qu'une étrange menace pèse sur le Nord. Du moins ici. Certains des nôtres ont mystérieusement disparu, et dans des conditions tout aussi étranges. Tormund et moi jugeons que nous ne sommes désormais plus en sécurité au-delà du Mur. Nous allons nous rendre près du Mur, où nous serons protégés par la Garde de Nuit. »

Mais au lieu de protestations, comme s'y attendait Jon, il aperçut des mines renfrognées, certaines reconnaissantes.

« Nous partons demain, aux premières lueurs du jour. Et hors de question que quiconque quitte sa hutte cette nuit, compris ? Lança Tormund.

Tous acquiescèrent en guise de réponse.

Jon redouta la nuit qui vint, n'osant fermant l'œil. De nombreux scénarios d'horreurs tournaient dans sa tête et sa tête semblait sur le point d'imploser.

Il décida de focaliser son esprit sur un souvenir joyeux et la jeune bouille d'Arya lui apparut. Il se revit lui tendre délicatement Aiguille puis la serrer fort dans ses bras. Une boule de regret se forma dans sa gorge, Arya était de loin celle qui lui manquait le plus. Où était – elle en ce moment ? Toujours sur le navire à grimper dans les cordages ? Ou bien à terre dans un magnifique palais, ou encore sur la route ? Il se glissa sur le flanc, l'âme abîmée par le parcours de sa dure vie. Il avait la désagréable impression de n'avoir vécu que pour de mauvaises choses. Le doux sourire de Daenerys surgit dans ses pensées. Une envie folle d'en découdre prit le pas sur toutes ses pensées rationnelles. D'un bond il se redressa, puis s'empressa d'enfiler sa côté de maille sous sa lourde pelisse en fourrure. Il enrubanna ses pieds de tissus qu'il glissa dans ses grosses chaussures fourrées.

Après avoir glissé son épée dans le fourreau qu'il avait mis à sa taille, il se faufila dehors sans un bruit.

Il allait venger son peuple.

La nuit était claire, la pleine lune brillant dans la voûte céleste comme un soleil nocturne. Des yeux jaunes le scrutèrent sous le couvert des arbres et il dut serrer sa mâchoire pour empêcher ses dents de claquer.

Jon perdit bien vite tout notion de temps, il ne sut s'il s'était écoulé une dizaine de minute ou une heure entière.

Le seul bruit perçant la nuit était le crissement de ses pas dans la neige fraîche.

Une fois qu'il s'estima assez éloigné, il avisa des traces de pas dans la neige. Aussi vif qu'une ombre il se fondit dans la pénombre, se cachant derrière un arbre au tronc large.

Il coula un regard vers la clairière derrière lui. Un homme s'y tenait, engoncé dans une grande quantité de fourrure. Il l'identifia tout de suite à la description que lui avait faite la femme quelques jours auparavant. Il faisait partie de cet étrange groupe de vagabonds qui s'en prenaient à eux.

Il s'approcha lentement, prenant garde à ne pas faire de bruit et bientôt parvenu à sa hauteur, bondit hors de sa cachette et appuya avec ravir son épée contre la gorge de l'intrus. Ce dernier ne fit pas le moindre bruit et resta statique.

« Qu'avez-vous fait des gens de mon peuple ? Gronda Jon d'une voix sourde.

- Lâche moi et je te dirais, répliqua l'homme.

Sur ses gardes, Jon retira lentement son épée. L'homme pivota lentement pour faire face à Jon qui dut réprimer un cri de stupeur.

Ce n'était autre qu'Orryn, le disparu jusqu'à ce jour.

Ses yeux miroitèrent alors sous la lumière de la lune et Jon laissa échapper un juron.

- Que t'ont – ils fait ? Chuchota t-il en se perdant dans son regard bleuté.

- La meilleure chose qui me soit jamais arrivée, rétorqua Orryn. Il m'ont intégré dans leurs rangs.

- Mais de qui parles-tu, par tous les Dieux ! Fulmina Jon.

- Les Hybrides.

- Les quoi ? Balbutia le jeune homme, dans la plus totale des incompréhension.

- Rejoins-nous, répondit simplement Orryn.

Sur ces mots, il se saisit d'un poignard à la lame argentée qu'il agita dangereusement devant le visage de Jon. Avec un mouvement de recul, il manqua trébucher sur une pierre derrière lui.

« Il l'ont complètement rendu cinglé », pensa t-il en s'enfuyant à travers les bois. De retour dans sa hutte, il se prit la tête entre les mains, abasourdis. Il avait peine à croire qu'Orryn s'était transformé en une étrange entité aux yeux bleus. Finalement Jon se rendit compte qu'il aurait préféré cet homme mort plutôt qu'en temps qu'ennemi. Le vent avait calmé ses hardeurs mais pourtant il frissonna longuement après s'être enroulé dans sa fourrure. Ces yeux bleus représentaient pour lui une hantise qu'il n'était pas près d'oublier. Le danger pouvait se présenter désormais derrière chaque arbre de cette forêt. Il était primordial de se rapprocher du Mur, Jon ne pouvait se permettre de perdre encore un autre Sauvageon. Il se rappela la mine désemparée de la petite fille qui était sûrement orpheline maintenant et une colère froide lui serra le cœur. L'humanité avait déjà assez souffert avec toutes ses guerres, dragons, marcheurs blancs.

« Les Sept dieux n'en ont que faire de nos prières », se surprit-il à penser. « Sans quoi ils nous auraient prévenu de cette nouvelle menace et nous n'aurions pas à souffrir encore. »

Jon avait conscience que toute cette rancœur le détruisait de l'intérieur, mais le seul moyen d'extérioriser ce sentiment, était la guerre. Sa soif de sang s'était ravivée, comme une flamme. Il détruirait avec un plaisir sournois quiconque oserait s'en prendre à eux.

Quand le jour se leva sur la forêt hantée, certains termes accaparaient l'esprit de Jon, en une répétition migraineuse : « Les Hybrides, rejoins nous, leurs rangs ». Orryn en avait parlé comme d'une secte, ou une...

- Armée, finit-il à haute voix.

Il hésita longuement à en parler à Tormund, oscillant sans cesse entre le oui, et le non.

Décidant que la sécurité de son peuple passait avant, il se jura de révéler son étrange rencontre avec Orryn dès qu'ils seraient arrivés à proximité du Mur. L'ascension jusqu'à ce dernier fut plus rapide qu'espéré. Un sentiment familier s'empara du jeune homme lorsque ses yeux caressèrent la surface immaculée du Mur. Il se demandait qui pouvait bien être à la tête de la Garde de nuit désormais. Il repensa au rictus moqueur de Ser Alliser et son expression se fit maussade. Tout en inspectant les alentours, il remarqua que Fort Levant était encore en travaux. « La neige doit rendre la tâche plus ardue, » songea t-il.

Jon se détacha du groupe pour s'approcher de la porte qui venait de s'ouvrir.

- Je vais seulement les prévenir de notre présence ici, ne faites rien qui puisse être en notre défaveur, leur intima t-il. Puis il se dirigea vers le long couloir dont la fin représentait peut-être leur dernière chance de survivre.

Rising FlamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant