Sans un bruit.

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Ma vision est troublée par les larmes envahissants mes yeux. Je fixe mes mains plaquées contre l'herbe que je sers faiblement de mes petits poings. Poings qui d'ailleurs ont cessés de produire ces éclairs miniatures.
Je refuse de lever la tête, je refuse d'affronter son regard. Il doit être si déçus, car lui même me tourne le dos.
Seul le bruit de nos ridicules capes fouettées par le vent pénètre dans mes oreilles. 
Pourtant je l'entends se retourner et marcher vers moi. La grande distance qui nous séparait s'efface à la lenteur de ses pas majestueux et remplis de sagesse.
Il s'accroupit et sans un mot, il m'attrape vivement le menton de ses doigts pour me faire lever la tête vers lui.
Mes larmes sont silencieuses, elles se le sont depuis bien longtemps. J'ai cessé d'hurler mes sanglots depuis un an maintenant. Je ne sais pas si on peut appeler ça de la force, ou si ça fait juste peine à voir...
Alors elles coulent à flot, se libérant du monstre que je suis. Je sens comme mes yeux sont gonflés. Je sens comme mes joues sont rouges sang. Je sens comme les lèvres ont enflées. Je sens comme mon corps tout entier est à vif, parcouru par des centaines de décharges électriques.
Sans un bruit, il glisse sa main le long de mon dos et l'autre sous mes genoux. Ce simple contact décuple ces décharges qui me font frissonner au point d'en contracter tous mes muscles, au point de me raidir sous son immensité. Et c'est avec une facilité déconcertante qu'il nous lève tous les deux, me tenant fermement contre lui.
Je n'ose toujours pas lever les yeux, mais je sers sa cape, je m'agrippe à lui comme on s'accroche à la vie. J'enfuis mon visage contre son torse et murmure mes plus plates excuses pour l'atrocité que je viens de commettre.

La seconde qui suit, je me sens flotter, je suis transportée dans ce vide blanc et je me rends compte que cette fois je me suis contrôlée. Cette fois ma porte était fermée, cette fois c'est lui qui a provoqué notre «téléportation». Aurai-je déjà évolué ? Ou alors c'est cette autre monde qui me donne suffisamment de force pour me contrôler ?
Tant de mystères flottent encore.

Lorsque la lumière s'efface, je retrouve la chaleur de son corps. Je suis encore dans ses bras, je sens l'odeur de son appartement et ce que je sens aussi, c'est son torse. Son torse nu sous ma main plaquée contre lui. J'ouvre subitement les yeux et la retire, gênée.
Nous sommes au milieu de son salon. Je remarque que l'aiguille sur l'horloge vient à peine de bouger. Seulement 1 minute, une toute petite minute vient de s'écouler. Une toute petite minute depuis le moment où il m'a attrapé les mains et que j'ai appris à contrôler ce que mon corps renferme.
Comment est-ce possible ?
Ce monde étrange fonctionnerait-il plus lentement que la Terre que nous connaissons. Toutes mes bases reliées au temps se bouleversent.
C'est trop, encore une fois. J'ai l'impression de craquer, je suis à bout de nerfs. Le manque de sommeil, l'adrénaline et cette chose en moi qui vient de me vider de mes forces...
Je ne peux plus résister plus longtemps à l'appelle de Morphée. Et c'est alors que je sens mon corps traverser la pièce dans les bras de John, que je sombre dans un long et paisible sommeil.

Je ne sais pas trop quelle heure il est, 6h ? 8h ? ou même 11h du matin, peu importe. Là, tout de suite, je me sens bien. Je me sens amoureuse. Nos éclats de rire me réchauffe le coeur. Nous sommes dans notre lit douillé, à peine réveillés, je l'assomme déjà de bisous et de chatouilles. Comme ces moments sont précieux, comme son amour vaut de l'or, comme notre relation est un diamant. Son visage tout rouge, son large sourire, ses petites faussettes... il est adorable, incroyablement beau... il est... à moi. Comme j'adore quand il se tortille sous moi, quand il est à bout de souffle, me suppliant d'arrêter ce supplice. Car oui, il est chatouilleux et moi, j'adore le torturer avec ça.
Seul un regard, un sourire, un éclat de rire suffit à me faire tomber folle amoureuse de lui une fois de plus...

Mais les rires s'éloignent petit à petit et viennent les larmes, mes larmes. Je me réveille en sanglots, j'ai revé d'un beau souvenir qui est si douloureux aujourd'hui. Un souvenir qui suffit pour me briser alors que je suis déjà en miettes.
Je tremble, je suis boulversé, je pleure encore et encore. Si je pouvais, j'hurlerai mes larmes tant la douleur est immense. Mais je ne peux pas, car je ne suis pas chez moi.
D'un coup, le fait d'être dans le lit d'un autre homme me fait tellement culpabiliser. J'ai honte de moi, car j'ai promis que je l'aimerai pour l'éternité. Je me hais d'avoir pu ressentir de l'attirance pour un autre, pour John.
Je carresse tendrement ce tatouage que j'ai fais en sa mémoire : une bouteille en verre laissant s'échapper des étoiles, qui bien sûr sont censées rejoindre le ciel.
Je serre dans mon point le coussin trempé par ce liquide qui s'échappe de mes yeux. J'essaye tant bien que mal d'atténuer ma douleur. 1 an déjà, 1 an qu'il n'est plus là et pourtant cette douleur, ce vide qui me crève est toujours aussi vif, aussi blessant.

999Où les histoires vivent. Découvrez maintenant