Partie 48 - « Un couple, une histoire »

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« Et pourquoi pas, me croire de mon époque et capable d'en profiter - Yasmina Khadra »

- Yûnus

Elle s'était endormie sur le chemin du retour, la tête abandonnée à la vitre. La journée avait été mouvementée pour elle, surtout qu'elle n'avait pas dormi la veille. Lui regardait la route, fixement, veillant du mieux qu'il pouvait à ne pas se laisser emporter par le sommeil, un vieux son en fond ; ses songes le rattrapèrent avant. Il repensait à son père et à sa conduite, il ne comptait plus le nombre de fois qu'il s'en était moqué. Il montait en voiture avec lui et le reste de la famille et alors qu'un silence habituel mais pas moins pesant prenait les lieux, une sorte de grincement bien vite suivi d'un gros boucan lui sortait des entrailles pour animer un peu l'ambiance mortuaire qu'installait le vieux. Il conduisait si lentement qu'une ancienne, la main appuyée sur sa béquille les aurait facilement dépassés pensait-il. Il était comme ça son père, il jouait la sécurité pour sa famille et après avoir passé son enfance à s'en moquer, Yûnus répétait les mêmes gestes aujourd'hui.

Il s'arrêtait au panneau stop, regardais à gauche à droite en plissant les yeux pour être sûr de ne faucher personne ou de ne butter sur rien qui risquerait de déranger le sommeil de sa demoiselle et, après quelques embouteillages et autres désagréments, ils arrivèrent enfin au quartier. Il n'a pas osé la réveiller tout de suite, le tableau était trop parfait pour ça ! Il se souvenait de la journée dans les moindres secondes et les moments forts lui revenaient en tête à chaque battement de cil, les alliances, son sourire, ce moment câlin dont il n'avait d'ailleurs toujours pas compris le pourquoi du comment ... Bien calé dans son siège, la tête penchée vers ce qu'à ses petits yeux de gamin frôlant la trentaine, la terre avait fait de plus gracieux, de plus envoûtant ; sa femme. Comme une irrépressible envie d'avoir sa peau sous ses doigts lui saisit les tripes, juste le temps d'une étreinte maugréa-t-il au fond de lui-même, juste le temps de se sentir être, plus que jamais un homme ; le sien.

Sûrement alertée par l'insistance du regard de son homme, Ihsâne rouvrit les yeux et il ne leurs en fallut pas plus.. Yûnus, dans un élan tout con passa sa main sur la joue de sa belle sans savoir dire de qui les frissons venaient, l'air était électrique, il aurait pu arrêter l'un de leur deux cœurs sans toutefois réussir à stopper leur élan. Le geste tout bête se transforma en caresse et la douceur enclencha le désir ; il désirait plus que jamais auparavant ce à quoi il avait finalement le droit ; rien qu'un moment dérobé à l'horloge. Bientôt son front cogna celui d'Ihsâne, suite à une approche hésitante, un recul apeuré très vite freiné par la vitre qui se trouvait là. La main qu'il avait alors mis dans sa nuque traduisait toute la pression qui le saisissait, il serrait fort sans même se rendre compte de sa force et puis leur regard se jaugèrent. Un rictus se dessina sur le visage enfantin de Yûnus et puis il n'eut plus d'yeux que pour ses lèvres.. leur souffles se confondirent si bien qu'ils ne formèrent plus qu'un et bientôt le tir toucha sa cible ! C'était le feu, l'ivresse, la fête ! Un petit truc tout doux pourtant, à-peine assumé, truc de gosse mais quel moment !

Il finit par reculer par peur de la voir imploser sous ces tendresses et sa main alors nichée dans sa nuque parcourut son visage, le pouce effleurant sa tempe, sa joue, ses lèvres puis maintenant son menton levé. Elle ne lui parut jamais aussi vulnérable. Il ne la regardait plus pour y trouver une quelconque chose, il la regardait pour qu'elle se voit à-travers lui, pour qu'elle ne cède pas à la panique ; c'était trop tard. Elle le regardait parce qu'il le fallait bien de toute façon, de sa main mise sur elle, il ne lui laissait pas vraiment le choix mais au fond d'elle, la folie avait prit tous ses droits. Il retira sa main de sa joue, comprenant qu'il ne l'aidait pas en la touchant ainsi, il embrassa son front puis soupira un sage « salam aleikoum » en retournant se prélasser dans son siège. Elle y répondit puis s'en alla. Il la regarda faire, le sourire d'un homme comblé aux lèvres et rentra à son tour chez-lui. La lune brillait drôlement fort cette nuit-là !

« Chronique d'Ihsâne : Pour le cœur d'un homme. »Où les histoires vivent. Découvrez maintenant