L'ombre dans l'eau

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Arrogant boy, love yourself so no one has to, they're better off without you.

 *

Dallas - 2nd of December, 2018

Six jours. Six jours que Liam passait ses journées tout seul, à ne rien faire ou presque. Parfois, un des garçons venait discuter, seulement quelques minutes, pour essayer de le remettre dans le droit chemin. Harry avait tenté de le comprendre, il avait posé des questions mais en donner les réponses revenaient, selon Liam, à écorcher son armure et il n'était pas encore prêt laisser qui que ce soit trouver une brèche dans le métal pour s'y infiltrer. C'était tout ce qu'il lui restait, maintenant, et il n'était pas encore prêt à la retirer.
Alors pour combler le vide et l'absence totale de relations sous quelque forme qu'elle soit, Liam faisait du sport. Il courrait pendant des heures sur un tapis, soulevait des poids toujours plus lourds, sautait à la corde à pieds joints, à cloche-pied, en alternant les pieds, il avait même commencé à faire tourner la corde à l'envers ! Aujourd'hui ne faisait pas exception, Liam avait décidé de s'épuiser complètement pour oublier tout le reste, pour oublier qu'il était tout seul et qu'il ne gérait définitivement pas cet isolement punitif auquel il devait faire face. Il savait qu'il l'avait cherché, il savait qu'il avait déconné. Mais présenter ses excuses n'était pas dans ses plans, du moins, pas pour le moment.
 
Chaque journée avait été à l'image de la précédente. Un gouffre sans fond de solitude, de silence, de calme que Liam détestait car ils le poussaient à se poser des questions, à interroger ses pensées, à réfléchir à ce qu'il ressentait, à s'écouter tout simplement. Et Liam haïssait plus que tout sa conscience, celle qui lui pointait exactement les blessures qu'on lui avait infligées, celle qui le suppliait de désinfecter le tout, de poser des bandages pour tout réparer. Liam maudissait cette petite voix dans son esprit qui lui disait qu'il n'avait pas trouvé la bonne solution. Il ne voulait pas penser à sa douleur. Il allait beaucoup mieux quand il l'ignorait. Alors il avait simplement pris le temps de faire chaque mouvement, pour faire passer la journée « plus vite » alors qu'elles étaient toutes aussi chiantes que les autres et toutes plus compliquées à passer que les précédentes. Liam avait bien cru qu'il allait moisir à force de s'ennuyer et il en était arrivé à envoyer des SMS à ses sœurs bien plus souvent que d'habitude, dans un grand élan d'ennui qu'il ne gérait absolument pas. Tout n'était que prétexte à se plaindre et à entamer un long discours, expliquant à quel point il était entouré par des abrutis qui ne savaient pas à quel point ils étaient cons et à quel point ce qu'ils faisaient était stupide et surtout qu'il en avait marre, marre, marre de vivre comme ça, qu'il était énervé et qu'il avait besoin d'une bière mais que de toute façon, personne lui donnerait parce qu'on le considérait comme un gamin incapable de se contrôler.
 
Ce qu'il était, en un sens.
 
Les seuls moments où il était obligé de se laisser aller, c'était aux shows. Pour extérioriser sa rage, Liam dansait dans tous les sens, se dépassait niveau vocal, comme pour prouver qu'il méritait l'attention de son entourage et qu'il n'était pas moins bon qu'Harry, qui était accompagné par Paddy toute la journée, comme un pied de nez à son aîné. Il essayait de retrouver ce frisson causé par l'adrénaline chaque fois qu'il montait sur scène, il essayait de retrouver cette excitation spécifique chaque fois qu'il entendait les fans hurler à plein poumons. Pourtant, rien ne revenait, tout restait bloqué au stade de vague émotion, d'une quelconque agitation alors qu'il voyait la foule devant ses yeux devenir de plus en plus claire à mesure qu'il avançait vers la fin de la scène. Les projecteurs qui baignaient son visage de lumière l'énervaient plus qu'autre chose, le rendaient plus nerveux et plus fragile encore qu'il ne l'était, alors qu'ils mettaient l'accent sur chaque défaut et même ceux que personne n'aurait pu voir.
 
Et dans ce joyeux foutoir qu'était la vie de Liam, il y avait toujours ce point d'accroche qui revenait en permanence.
 
La fille aux cheveux roses.
 
Elle n'avait raté aucun show, en six jours. Elle avait traversé plusieurs états, avait suivi le tourbus toutes les nuits et avait fini par atterrir dans la fosse de chaque concert, se rapprochant toujours plus près de la scène. Au fur et à mesure, elle avait fini par savoir exactement quel côté de la scène était le plus avantageux pour voir Liam, le côté droit de la scène, juste au coin, parce qu'il allait régulièrement saluer les fans dans les gradins et qu'il y restait toujours un bon moment, y passant parfois plus de la moitié du concert. Son énorme appareil photo autour du cou, elle ne semblait intéressée que par lui et pour ne pas mentir, Liam se sentait un peu flatté de la voir toujours revenir vers lui, attirée comme un aimant et lui étant ... le frigidaire. Le frigidaire pas branché, par contre, parce qu'il n'y avait décemment pas la moindre lumière en lui.
Il avait pris le temps de l'observer, chaque soir, alors qu'elle s'approchait toujours plus près et avait découvert avec surprise que ses cheveux n'étaient pas que roses. Le rose barbe à papa de ses racines se transformait en un lilas virant ensuite au violet pâle avant de tirer au bleu ciel pour finir par un vert clair assez pétant. Elle avait littéralement cinq couleurs de cheveux différentes. Cette fille était définitivement tarée.
Et tous les soirs, le même cirque se répétait. Elle avançait dans la fosse, prenait une bonne centaine de photos et levait son portable dans les airs pendant la moitié du show. En plus d'être timbrée, elle gaspillait son argent bêtement. Liam avait décidé qu'il ne l'aimait pas vraiment, parce qu'elle avait les cheveux multicolores et qu'elle semblait toujours perdue lors de ses concerts. C'est vrai, elle ne chantait même pas ! Elle dansait à peine sur la musique, elle passait plus de temps à prendre des centaines de photos et le fait qu'elle soit à ce point fascinée par Liam le stressait légèrement plus que le flattait. Parce qu'un jour ou l'autre, elle saurait qui il était vraiment, à force de le photographier. Un jour, tout le mauvais de Liam reparaitrait sur ses photos et alors il serait vraiment au fond du gouffre. Sans l'amour de ses fans, il n'aurait vraiment plus rien. Sa voiture, son appart, son argent, il n'en avait rien à foutre si personne ne l'aimait. Les billets de banque n'allaient jamais, soudainement, lui déclarer leur amour, c'était stupide de le croire et si sa famille l'aimait toujours plus que tout, un jour ils sauraient eux aussi à quel point Liam était une perte de temps infinie, un moyen de gâcher l'affection qu'on pouvait porter à quelqu'un d'autre. Ce n'était qu'une question de temps. Ils finiraient tous par le savoir.
 
Et si cette fille l'effrayait, elle piquait fortement sa curiosité. Que faisait cette nana à ses shows si elle n'en avait clairement rien à carrer de sa musique ? Qui appelait-elle tous les soirs ? Pourquoi ne prenait-elle des photos que de lui ou presque ? C'était toujours la même chose, les mêmes questions qui revenaient sans cesse dans son esprit. C'étaient ces questions qu'il avait posées à Harry alors qu'ils étaient dans le tourbus et que tous les autres dormaient.
 
J'veux dire, c'est bizarre, non ?
Pas plus que ça, tu sais, sourit le bouclé. Je reconnais parfois les mêmes visages d'un soir à l'autre, c'est vrai que tu peux difficilement la rater elle, avec ses cheveux multicolores là. C'est ... intéressant, comme couleur.
On dirait qu'elle sort tout droit d'un épisode de « Mon Petit Poney », Haz, sois sérieux deux minutes !
Bah écoute, elle aime peut-être bien « Mon Petit Poney », on sait pas, ricana-t-il. Mais te prends pas la tête pour cette fille, tu as bien d'autres trucs pour lesquels t'inquiéter pour le moment. Essaye simplement de ne pas y penser et tu finiras par vraiment ne plus y penser.
Si tu l'dis. M'enfin, ça m'énerve.
J'comprends, Mate. Mais pour l'instant, le plus important, c'est que tu arrives à récupérer Paddy. Tu veux pas faire un brin d'efforts ? Pas grand-chose, juste prouver que tu as compris et que tu vas faire attention.
J'ai pas envie d'faire des efforts, Haz. J'veux juste qu'on m'foute la paix.
Bah t'es servi, là, Dude.
Arrête de m'appeler « Dude » ou « Mate », ça m'gonfle, soupira-t-il en tirant sur le rideau de son lit pour s'isoler et bloquer la vision du bouclé.
T'es relou, Liam, répondit le chanteur en insistant sur son prénom.
 
C'était pour ce genre de choses que Liam avait envie d'étriper Harry. Parce qu'Harry comprenait toujours. Tout. Il était un modèle d'indulgence. Il tolérait tout, il prenait les informations, les analysait, en tirait ce qu'il fallait en tirer et agissait toujours avec bienveillance. Si Liam lui expliquait le problème, il trouverait la solution mais pour Liam, l'idée même de laisser s'échapper ses secrets le rendait dingue. Il n'était pas digne qu'on lui trouve la solution, il était tout juste bon à rester avec ses doutes et son absence totale de confiance en soi.
 
Ce n'était pas comme Louis. Parce que Louis, lui, l'ignorait totalement. Agissant comme si le brun n'était pas présent, le natif de Doncaster prenait un malin plaisir à lui cracher dessus alors qu'il était présent. C'était régulier et le moindre mot vexait Liam comme jamais. Il avait réussi à dire que « Liam est drôlement casse-couilles en ce moment, à se demander s'il avait une paire de couilles ou un vagin » et le plus jeune avait ruminé cette réflexion toute la nuit qui avait suivi, finissant par en pleurer dans son oreiller, trop fatigué, trop irrité, trop énervé pour trouver une meilleure solution. C'était un ras-le-bol général, une nervosité toujours plus forte, une fatigue incroyable qui abattait Liam plus que de raison et s'il aurait préféré que son groupe le soutienne, force était de constater qu'ils en avaient strictement rien à battre. Niall faisait le crétin toute la journée, courant dans les couloirs, chantant des chansons débiles en boucle, sautant dans les marches comme un gamin et riant au moindre truc qu'il trouvait « amusant ». Zayn restait dans son coin, à dessiner sur son bloc-notes, comme d'habitude. Harry traînait à droite à gauche avec ses gardes du corps, sortait découvrir le paysage, la ville qui les accueillait, rencontrait du monde. Louis, lui, lui balançait ses quatre vérités indirectement, parlant de lui à la troisième personne même s'ils partageaient la même pièce et se souciait vraiment très peu d'heurter ses bons sentiments. Louis s'en foutait. Peut-être que si Liam ne s'était pas braqué, il aurait compris que Louis ne faisait cela que pour l'aider, qu'il pointait ce que Liam devrait changer pour regagner les bonnes grâces du staff. Peut-être qu'il aurait capté que Louis était méchant pour le faire réagir.
Liam ne voyait rien. Il ne voyait que lui-même et à quel point il avait mal, à quel point respirer lui paraissait difficile et comme il ne trouvait plus aucun plaisir dans son travail, dans sa vie.
 
Peut-être que Liam aurait dû essayer de faire ce que Harry lui avait conseillé de faire. Ne plus y penser. Mais dur de ne plus y penser quand l'objet de nos interrogations le suit partout. Liam aurait dû ne jamais s'arrêter mais au bout du troisième jour à la voir camper devant la porte de son hôtel, le jeune chanteur avait pensé que la laisser prendre une photo avec lui allait régler le problème. Elle était toute seule devant la porte de service, elle patientait en silence, avec un casque sur les oreilles et quand il avait débarqué, elle avait immédiatement viré ses écouteurs avant d'ouvrir la bouche.
Liam n'avait même pas envie de l'entendre. Ce serait la même chose que d'habitude, le même discours, les mêmes mots qu'il entendait en boucle à longueur de journée. « Je t'aime Liam, merci pour tout ce que tu fais, merci pour être un super gars, merci pour.. » C'est pour ça qu'il la coupa avant même qu'elle puisse placer le moindre mot.
 
Salut, je suis désolé, je vais pas pouvoir rester plus de trente secondes, je suis pressé. On prend une photo et je file, passe-moi ton portable, je vais la prendre, soupira-t-il en lui tendant la main pour qu'elle glisse l'appareil dans sa paume avant qu'il ne lance l'appareil photo pour prendre le cliché. Et voilà, souffla-t-il avec un sourire coincé avant qu'elle ne puisse ajouter quoi que ce soit. Bonne journée !
 
Et il était monté en voiture, sans se retourner, sans attendre plus longtemps qu'elle n'ouvre la bouche pour parler. Aucune envie de l'entendre débiter les mêmes conneries que les autres. Elle avait beau avoir une couleur de cheveux plutôt étonnante, Liam savait parfaitement ce qu'elle voulait et il venait de lui donner. Tout allait rentrer dans l'ordre.
 
Rien n'était revenu à la normale. Parce que cette fille avait continué à venir aux shows, à attendre à la sortie des artistes, devant l'hôtel et elle avait même réussi à entrer dans le lobby le matin-même. Ça en devenait flippant et Liam en avait plus qu'assez de ressasser les mêmes évènements en boucle.
 
C'était étrange, tout de même, cette sensation de vide qui se propageait dans son corps. Il la connaissait pourtant, mais aujourd'hui, elle était plus intense, plus forte encore que les fois précédentes. Il avait l'impression qu'on lui arrachait quelque chose, en plein milieu de sa poitrine, qu'on tirait si fort que quelque chose était en train de se déchirer en lui. C'était d'une violence sans pareille, ça lui coupait le souffle, ça le laissait pantelant et il agonisait depuis maintenant plus d'une semaine. Il pensait être au fond du gouffre et voilà qu'on venait de lui asséner un magistral coup de pied, pour l'envoyer des centaines de mètres plus bas. C'était un ravin sans fin dans lequel Liam évoluait péniblement, dans un brouillard quasi-complet. Tâtonnant, il cherchait son chemin mais se rendait bien compte qu'aucune issue ne semblait apparaître, dans le flou qu'était devenue sa vie. Il était dans le noir. Paradoxal pour quelqu'un qui évolue en permanence sous des projecteurs, n'est-ce pas ? Sa mère l'avait pourtant prévenu, l'avait supplié de faire attention à lui, de ne pas céder aux chants des sirènes mais à l'inverse d'Ulysse, les cordages qu'on avait attachés autour de lui, pour le maintenir sur le bateau, avaient lâché les uns après les autres et il n'avait pas su résister. Il avait plongé, tête baissée, dans les abysses de sa célébrité. Il avait voulu toucher à tout et il avait fini par le faire, le paquet de clopes gisant sur le sol de sa chambre en était un bon exemple.
Depuis maintenant presque une semaine, Liam n'avait plus accès à la moindre goutte d'alcool. Il avait tenté, le premier soir, d'en demander au bar, après s'être rendu compte que le minibar de sa chambre était rempli de bouteilles de Pepsi et de Sprite. Il s'était fait refoulé. Alors il avait tapé à la chambre de Zayn, qui lui avait conseillé d'aller se coucher. Harry avait refusé, Niall avait rigolé avant de secouer la tête, quant à Louis, il n'avait même pas daigné ouvrir la porte. Pour ce qui était des musiciens du groupe, tous avaient répondu la même chose « On n'a pas le droit de te donner ça, Liam. C'est pour ton bien. »
Comment pouvaient-ils prétendre vouloir son bien alors qu'ils ne savaient même pas ce qui allait mal ?!
 
Liam était en rage complète et en manque. En manque de cette brûlure dans son œsophage, en manque de cette sensation de plénitude et de légèreté qu'il ne trouvait que dans une bouteille vide de whisky. A ce point, même la vodka ou même le rhum, ça lui irait ! Du vin ferait parfaitement l'affaire. N'importe quoi, du moment qu'il y avait un pourcentage sur l'étiquette.
Au bout de trois jours, il avait compris que ses efforts seraient toujours vains, il n'obtiendrait jamais une seule goutte d'alcool. Alors il s'était vengé sur les clopes. Son paquet était vide et le même cirque se reproduisit pour le tabac : il était incapable de s'en procurer de nouveau. Tout n'était que démarche inutile et personne du staff ne lui donnait ce qu'il voulait. Sachant pertinemment l'effet de la nicotine, Zayn lui avait accordé une cigarette par jour, qu'il fumait à côté de lui, sous sa surveillance. Voilà que même son meilleur pote le considérait comme un putain d'addict, incapable de s'en sortir tout seul. Tout cela le révoltait, le rendait fou de rage, de manque, de désespoir. Il lui manquait quelque chose, la nicotine, l'alcool, le court laps de temps quotidien pendant lequel il s'échappait de sa vie et il oubliait tout, y compris la douleur omniprésente dans son esprit qui devenait si imposante qu'elle le laissait suffoquant au sol. Liam avait appris à survivre et non plus à vivre et là était toute la différence.
 
Alors, pour tenter d'oublier, Liam avait trouvé ce merveilleux substitut : le sport. Il ne s'arrêtait que pour aller se coucher ou monter sur scène, il ne s'arrêtait que lorsqu'il en était obligé. Il s'en faisait mal partout. Mais la douleur dans son corps le distrayait de celle dans sa tête et il était soulagé de pouvoir avoir une autre alternative.
Eventuellement, un jour, il trouverait le moyen de faire face aux démons qui le hantaient mais pour le moment, les ignorer était toujours moins douloureux que de leur livrer une guerre sans merci qu'il savait être compliquée et probablement infructueuse.
 
Aujourd'hui, Liam avait choisi la piscine, pour « noyer ses problèmes ». Peut-être que le chlore allait détruire les bactéries de son cerveau, peut-être qu'avec un peu de chance, il finirait par nettoyer son crâne pour de bon. Peut-être que quand il irait se coucher, ce soir, il ne pleurerait pas dans son oreiller. Peut-être qu'avec un peu de chance, il finirait par rester coincé au fond de l'eau et ne pas remonter.
Secouant la tête face à cette pensée glauque, il plongea dans l'eau turquoise et resta sous la surface une bonne dizaine de secondes avant de remonter pour récupérer de l'air. Il enchaîna quelques longueurs dans un silence devenu habituel et continu, poussant toujours plus loin ses bras alors qu'il tentait de rester la tête sous l'eau le plus longtemps possible. Le silence était moins pesant sous l'eau, il entendait quelques petits courants, causés par les mouvements qu'il faisait, il entendait son cœur battre dans ses oreilles, lui prouvant qu'il fonctionnait toujours correctement malgré les nombreuses blessures qu'on lui avait infligé. Il comprenait qu'il était toujours en vie, surtout, qu'il était toujours là et qu'il devait trouver un moyen de tout reprendre en main avant qu'il ne soit trop tard.
Le chlore lui brûlait les yeux mais il s'en foutait, ça ne changeait pas de la sensation habituelle qu'il avait en se levant le matin ou en se couchant le soir, les lits qu'il occupait dans chaque nouvelle suite qu'il habitait le temps d'une nuit étaient devenus des refuges pour toutes ses larmes, pour tous ses maux qu'il tentait de laisser partir en pleurant comme un enfant mais qui ne faisaient que glisser sous le matelas pour revenir s'infiltrer dans son esprit pendant son sommeil, comme les monstres qui l'effrayaient étant gamin et dont il était persuadé qu'ils viendraient  le manger pendant qu'il dormirait. Sous l'eau, au moins, il n'avait pas à subir la brûlure de ses joues, striées de longues traînées rosées causées par son chagrin inconsolable.
 
Alors qu'il touchait le mur face à lui, Liam remonta à la surface quelques secondes et reprit son souffle. Dans l'étendue qui lui faisait face, il pouvait distinguer ses jambes se débattre pour rester la tête hors de l'eau. Jolie représentation de ses sentiments généraux. A l'image de ce Liam en plein exercice, le Liam habituel avait l'intense sentiment que chacun de ses gestes étaient dans la même visée que ce simple battement de jambes : garder la tête hors de la vague qui s'abattait en permanence sur lui. Fermant les yeux avec conviction, il essaya de chasser ces pensées noires qui ne faisaient que revenir en permanence dans son esprit, sans jamais s'arrêter. Il essaya de les repousser comme il le faisait toujours : en vain. C'est pour cela qu'il rouvrit les yeux. C'est comme ça qu'il la vit.
 
L'ombre dans l'eau, au-dessus de sa tête. Un cri s'échappa de sa gorge irritée par son essoufflement. La personne au bord de la piscine sembla aussi effrayée et déguerpit aussi vite que possible, laissant à Liam à peine le temps de se retourner pour l'observer.
 
Une mèche de cheveux multicolores venait de passer la porte.

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