Ce soir ou jamais

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I walk a lonely road, the only one that I have ever known. Don't know where it goes but it's home to me and I walk alone.

 *

New-York City - 13rd of December, 2018

Savoir que cela faisait environ une semaine et demie que Liam n'arrivait pas à dormir était quelque chose d'inhabituel, pour tout le staff. Liam était ce qu'on appelle un "gros dormeur". Il avait du mal à sortir de son lit, à accepter de quitter la chaleur de l'épaisse couverture, sans compter que mettre un pied dehors revenait à faire face à ce qui l'entourait en ce moment et il ne s'en sentait pas vraiment capable. Tout le monde était aux petits soins avec lui, à veiller à ce qu'il ne manque de rien et après presque un mois à supporter le silence et l'isolement, il n'était plus capable d'endurer le brouhaha qui l'enveloppait en continu. S'il avait osé, il aurait dit que Niall était le pire de tous. Déjà pénible en temps normal, parce qu'il parlait en permanence, il était passé au niveau supérieur, juste après l'entrevue avec tout le staff de la sécurité. Il ne s'arrêtait jamais, il parlait pour ne rien dire ou pire : pour poser des questions. Liam ne lui en voulait pas, Niall était encore un enfant dans sa tête, c'est pour cela qu'on le considérait comme le jeune alors qu'il s'agissait en réalité d'Harry. Il s'émerveillait pour un rien, posait des milliards de questions "pour comprendre" et faisait du bruit quand il s'ennuyait. Il était épuisant et en avait parfaitement conscience mais il refusait de changer "pour qui que ce soit". Certes. Mais toujours est-il qu'il en était chiant au possible et que Liam l'aurait volontiers accroché à un porte-manteaux si ça voulait dire avoir la paix pour les deux prochains jours.
Après l'incident de la piscine, personne n'osait laisser Liam seul. Et à la plus grande surprise de tout le monde, celui qui prenait le plus soin de lui était Louis, qui pourtant lui rappelait il y a encore deux semaines à quel point il était con en ce moment. Depuis maintenant trois jours, Louis ne lui laissait pas l'occasion de respirer seul, le suivant à la trace, n'ouvrant même pas la bouche pour lui parler. Il se contentait simplement d'être près de lui, d'être là. Et peut-être que Liam aurait pu le remercier un bon milliard de fois, rien que pour ça. Il ne posait pas de questions, il ne cherchait pas à comprendre, il voulait juste aider, apporter une présence à son cadet, lui prouver qu'il n'était plus tout seul, qu'il était là, lui, qu'il pouvait compter sur lui. Alors peut-être que c'était ce qui comptait le plus, aux yeux de Liam. Que Louis n'essaie pas de le comprendre. Parce qu'il n'avait pas envie d'en parler, pas envie de lui dire ce qui arrivait, ce qu'il ressentait. Il voulait juste qu'on le laisse tranquille, qu'on le laisse accepter qu'il était "un gros paquet d'emmerdes" et qu'il ne méritait pas une once d'affection. Peu importait le reste, Liam était resté figé sur ces quelques mots qui l'avaient détruit plus encore que ses précédentes relations. Sûrement parce qu'ils reflétaient ce que toutes ses exs avaient dû penser de lui, avant de le larguer comme la merde qu'il pensait être.
Ils étaient arrivés à New-York dans la soirée, il était trop tard pour penser à sortir sur Broadway mais trop tôt pour aller dans un club. Alors Liam avait choisi un bar, celui qu'il avait tant envie de voir depuis qu'il l'avait vu en photo dans un magazine. Ca payait pas de mine mais au moins, là-bas, personne ne viendrait l'emmerder. Il s'appelait le Gotham City Lounge, comme dans Batman et ressemblait à un décor sorti d'une bande dessinée. Pas compliqué à trouver, il était situé sur Myrtle Avenue, entre Cedar Street et Central Avenue et il aurait fallu être aveugle pour ne pas voir la fresque murale immense représentant le justicier masqué à l'entrée du bar. C'est probablement pour cela qu'il l'avait choisi. Batman avait toujours été son héros préféré et ce bar représentait alors une partie de son enfance, un endroit dans lequel il pourrait repenser à l'enfant qu'il avait été, au petit garçon qui regardait les dessins animés retraçant la vie de Gotham City, tous les dimanches soirs, en mangeant un bol de pâtes que sa mère lui avait préparé, bourré de ketchup, devant sa télé pour ne rater aucune seconde. Et il n'avait pas eu tort.
Dès qu'il y avait mis un pied, il s'y était senti chez lui. Pas besoin de plus, il s'était assis au bar, avait laissé Louis s'écraser à sa droite et Paddy à sa gauche et avait levé la main pour appeler le barman.
 
Qu'est-ce que je peux faire pour toi, Superstar ?
Pas ce soir, grogna le jeune homme. Un whisky, s'il vous plait.
Ca marche, Payne. J'ai le droit de t'appeler Payne, rassure-moi ?
C'est mon nom, j'crois, haussa-t-il des épaules.
Je peux aussi bien t'appeler le Joker vu le teint blafard que t'affiches. Allez, bois un coup, ça t'redonnera des couleurs. J'vous sers quoi à vous, les deux bouffons du Joker ?
La même chose, lança Louis.
Rien pour moi. J'conduis.
Même pas un diabolo grenadine ? Tu peux pas dire non à un diabolo grenadine ...
Allez, vas-y. Diabolo menthe, si t'as.
Cool. Tu choisis la couleur des cheveux du Joker, on a un connaisseur, les gars !
J'suis là pour ça, en même temps, ronchonna le plus jeune des trois.
Nan, t'es là pour t'bourrer dans un endroit qui t'rassure, parce qu'il te semble familier. Et c'est cool. Installe-toi, fais comme chez toi, j'te sers c'que tu veux, du moment que tu m'laisses te prendre une photo pour mon wall of fame. J'accrocherais la photo dans trois mois, comme toujours. Le dis pas, mais j'ai Bruce Willis qui attend son tour, il sera juste là, pointa le barman du doigt. Et toi, j'te mettrais à côté de ... Dwayne Johnson. La classe, non ?
 
Pour la première fois, Liam esquissa un sourire. Il hocha la tête, descendit son whisky en quelques gorgées et claqua le verre contre le bar, en réclamant un nouveau. A ses côtés, Louis fit de même, sans même lui lancer un regard, comme si Liam n'était pas là. Pour ça, le plus jeune le remercia mentalement, soupirant d'aise à la vue du premier décor qui ressemblait à quelque chose qu'il connaissait. Ca faisait maintenant sept mois qu'il n'avait pas foutu un pied chez lui et son appart' lui manquait, pour être honnête. Et ne le lancez même pas sur le sujet Wolverhampton où il pourrait se mettre à sangloter en marmonnant que sa Maman lui manque. Vingt-cinq ans et Liam n'était toujours pas capable de se débrouiller sans sa mère. Il l'appelait encore pour savoir quel programme de la machine à laver il devait utiliser et combien de grammes de farine il fallait pour faire des pancakes. Être en tournée signifiait faire des sacrifices et Liam avait tiré un trait sur sa famille, le temps de parcourir le monde, de chanter devant des milliers de personnes, de découvrir des dizaines de villes différentes, de visages singuliers, de sourires si grands et de paires d'yeux émerveillées. Liam avait sacrifié ses parents, leur désir de le voir grandir, d'avoir une vie de famille enrichissante et chaleureuse, pour pouvoir vivre son rêve et pour ça, Liam s'en voulait terriblement. Il était le seul fils de la famille, le petit dernier, et son père n'avait même pas pu lui faire découvrir la moindre chose sans se sentir comme le dernier des ploucs. Au contraire, c'était Liam qui payait les billets d'avions pour leur faire visiter des villes auquel le père de famille n'aurait jamais pu penser emmener son fils et dans un sens, Liam trouvait ça profondément injuste. Ses parents avaient dû sacrifier leurs rêves pour qu'il puisse vivre le sien et jamais il n'aurait pu les remercier assez pour ça. Et ils lui manquaient atrocement, ce soir.
 
J'suis désolé, finit par larguer Louis, comme un boulet de canon, faisant voler en éclats l'armure de Liam.
T'avais raison, Louis. J'suis qu'un con.
J'voulais juste te secouer, te forcer à t'ouvrir un peu. Pas t'démolir. J'te l'jure.
J'sais, Louis. J'sais. J'suis désolé d'être un con.
T'es pas un con, putain, grogna l'aîné. T'es juste paumé et fatigué et t'as besoin qu'on t'aide et qu'on t'épaule. Et j'suis désolé d'pas avoir vu que t'avais putain d'besoin d'nous.
Il m'faut un autre verre.
Ouais, moi aussi. Hey ! Alfred Pennyworth ! Sers-nous un autre whisky steuplait !
C'que vous voulez les jeunes. Heureusement que vous avez quelqu'un pour conduire la batmobile, vous allez finir tellement bourrés que vous allez vouloir voler, bande d'abrutis. J'ai pas d'cape encore, elle arrive la s'maine prochaine alors vous vous démerdez !
 
D'un coup d'œil sur sa gauche, Louis jeta un regard amusé à son compère avant d'exploser de rire et de tendre son verre, juste heureux de pouvoir veiller sur son meilleur ami, à un moment où il avait définitivement besoin de quelqu'un pour l'épauler.
 
Le lendemain, Liam s'apprêtait à monter sur scène quand on le trouva dans les coulisses. Paddy avait un petit peu l'air paniqué et tenta de le dissimuler mais le chanteur le connaissait trop bien pour savoir qu'il s'agissait d'une façade. Un vague "Elle est de retour" suffit à Liam pour comprendre la situation. La stalkeuse. Elle était dans la salle. Et elle revenait avec son anxiété.
 
Elle était pas censée être blacklistée ?! maugréa le brun.
On peut rien faire quand elle achète des billets. Elle rentre pas dans la salle illégalement, donc c'est juste impossible qu'on puisse la foutre dehors. J'suis désolé, Lee, mais va falloir que tu essayes d'ignorer sa présence. Le meet and greet est environ une heure après ta sortie de scène, je serais toi, je préparerais des fringues en avance, histoire que tu n'ais qu'à te changer après le show et que tu puisses te reposer. Tu veux que je fasse quelque chose pendant que tu es sur scène ? Paul n'a pas besoin de moi, ce soir.
Fais c'que tu veux, Paddy. Profite-en pour te poser un peu, t'en as bien besoin. Mais si par le plus grand des hasards, tu trouves un paquet de bonbons, j'suis preneur !
Bah tiens, ça m'aurait étonné. Okay, j'te ramènerais ça. Allez file, superstar. T'as des gens qui t'attendent. Et pense que c'est le dernier show avant les vacances, on reprend que dans deux mois après, ricana le plus âgé, visiblement heureux de pouvoir rentrer chez lui prochainement.
 
Liam lui adressa un petit sourire, tentant de ne pas paraître soulagé et se concentra sur son jean qu'il était en train d'enfiler. Comme Paddy le lui avait conseillé, il prépara une tenue de rechange, la laissant sur le sofa de sa loge, prête pour sa sortie de scène. Il retrouva Louis dans le couloir qui attendait patiemment avec les divers soundsets à accrocher à leurs boucles de ceinture. Le sien était croché, celui de Liam attendait et il tenait celui de Niall dans sa main, prêt à aller l'installer lui-même, ainsi que celui d'Harry. Vingt-cinq et vingt-quatre ans et même après sept ans de carrière, ils en étaient encore à faire des nœuds avec les fils à se saucissonner comme des abrutis avec les câbles. On peut dire que pour cela, ils n'avaient pas vraiment changés. Toujours des bouffons, en soi. Liam chopa son boîtier, l'accrocha à sa ceinture et le glissa dans la poche arrière de son jean avant de dérouler le câble avec attention, le glissant dans son tee-shirt, dans son dos, afin qu'il récupère ses oreillettes et les cale dans son cou. Louis s'assura que tout était en place et lui leva un pouce en l'air, un joli sourire sur les lèvres. Il lui claqua le boîtier de Niall dans la main, laissant celui d'Harry dans la main de Paul pour qu'il le fasse lui-même. Il n'avait pas la patience pour gérer Harry et ses gaffes habituelles. Et s'ils cassaient encore une fois les oreillettes, ils allaient se faire tuer, même s'ils étaient maintenant multi-millionnaires et qu'ils étaient tous considérés comme des adultes, dans tous les pays du monde.
 
Ca va l'faire, ce soir ?
Ouais, ouais, assura le plus jeune. T'es au courant ?
Qu'elle est là ce soir ? Ouais. On l'est tous. Paul et Paddy ont fait une annonce et ils nous ont demandé d'faire gaffe à toi sur scène.
J'vais y arriver, les mecs, promit Liam. C'est la dernière avant les vacances, j'vais pas la laisser m'la pourrir par sa présence. NIALL ! Descends de ton Segway et laisse Lux tranquille, viens là que je t'accroche ton foutu boîtier. Quand est-ce que tu seras putain de capable de l'faire toi-même, Horan ?
Quand ils feront des câbles qui s'emmêlent pas, répondit le blond, en haussant les épaules.
Elle est où ta guitare ?
Prête, près de l'entrée de la scène.
- T'as assez de médiators ?
Euuuh ... J'en ai ... Trois, énuméra-t-il en fouillant dans ses poches de jean.
LOUIS ?! TROUVE-MOI DES MEDIATORS POUR HORAN !
 
Pas moins d'une minute plus tard, Liam avait un stock de médiators dans ses poches, prêt à les filer à Niall qui perdait les siens en permanence. Leurs ingénieurs son avaient beau lui en redonner à chaque performance, en coincer dans son pied de micro, ces petits triangles de plastique finissaient toujours partout sauf dans ses mains. Niall aimait particulièrement les lancer dans la foule, parce que les nanas se battaient pour le récupérer et il se sentait très Bruce tout puissant, pour être tout à fait honnête. Zayn arriva en dernier, comme toujours. Il avait besoin de calme avant de monter sur scène, de se poser, d'être seul, de faire le vide dans sa tête. Quand les quatre autres dansaient partout, lui jouait la carte de l'émotion et de la simplicité. Il donnait tout ce qu'il avait dans sa voix et c'était encore très stressant pour lui, d'être celui qu'on regardait à chaque pont pour avoir la fameuse high note qui allait faire mourir le bruit dans toute la salle, laissant l'audience scotchée et sans voix, en admiration totale. Après sept ans de carrière, Zayn était toujours aussi anxieux à l'idée de foirer une note et ça pesait sur tout son processus de préparation au show. S'il avait pris l'habitude de se rouler un joint et de l'allumer avec Louis, leurs déboires de l'année précédente les avaient radicalement calmés. La première vidéo dans le van en Amérique du Sud n'était rien comparée aux photos de soirées où on les voyait la tête à l'envers, la fumée obstruant la vue de tous. Leurs caractères avaient été altérés par la drogue et ça avait pris une rupture pour Louis et une cure de désintox forcée par les larmes de sa mère pour Zayn pour qu'ils comprennent que ça ne servait à rien d'autre qu'empirer leurs maux. Depuis, Louis avait présenté ses excuses et avait rampé devant la porte d'Eleanor pour la récupérer, promettant que ce genre de choses n'arriveraient plus jamais. Zayn avait juste trop honte d'avoir fait pleurer sa mère pour recommencer ces conneries. Depuis, il se calmait en faisant du yoga. C'était le truc le plus ridicule au monde, probablement et Harry n'osait pas lui dire qu'il avait l'air d'avoir un bambou coincé dans le cul quand il prétendait « faire la pose du lotus » mais si ça lui permettait de se détendre sans avoir recours à l'herbe, alors c'était le principal.
 
UNE MINUTE ! hurla le régisseur avant de retourner à ses boutons.
 
Comme toujours, c'est Niall qui rassembla tout le monde. Il prit Liam et Harry par les épaules et se pencha en avant, prêt à faire l'habituel discours de motivation qu'il faisait depuis un an. Depuis que Liam n'était plus capable de les faire lui-même. Mais ce soir-là était différent. Alors que le blond ouvrait la bouche, Liam le stoppa d'un geste de la main, visiblement inspiré.
 
Ok. Ca fait des siècles que j'ai pas fait ça. Excusez-moi si c'est de la merde, soupira-t-il, attirant quelques éclats de rire dans leur cercle. Hmm ... J'ai fait pas mal de conneries. J'ai été un pur con avec vous et je voulais m'excuser. Je ... J'vais avoir besoin d'vous, les mecs. J'suis pas sorti d'affaires mais j'ai envie d'foutre un pied en dehors de toute cette merde et j'ai besoin q'vous m'tiriez hors de là. Je sais q'ce soir ce sera encore compliqué vu q'l'autre tarée est encore là mais j'vais faire de mon mieux pour m'amuser. Pour de vrai. C'est la dernière avant la pause. C'est la dernière avant qu'on rentre chez nous, qu'on r'tourne chez nos parents pour les fêtes de fins d'années. Donnons aux gens ce qu'ils sont venus voir et ensuite on fera c'foutu M'n'G et on monte dans c'putain de jet pour rentrer. Ca marche ?
 
Un massif « Ouais » s'échappa de chacun, avant qu'ils mettent leurs mains au centre du cercle, dans cette habitude puérile qu'ils avaient gardé des premières années. Liam sourit, légèrement, mais assez pour que chacun se sente boosté comme pas permis. Liam voulait s'en sortir et il avait enfin demandé leur aide, c'était un miracle.
 
Hey, Lee ... Si jamais tu la vois, souris-lui. Elle fait de ta vie un enfer ? Montre-lui que tu t'en fous, souffla Harry en laçant ses bottines. Et puis, elle peut rien te faire. Si elle s'approche, je la frappe.
Toi ? Tu la frappes ? Mate, t'as autant de force qu'un chiot et t'es incapable de blesser quelqu'un, ricana le plus vieux.
Laisse-moi rêver que je suis violent, pour une fois.
- T'as raison, v'là le rêve de fou. T'es un cas, Styles.
- Je te retourne le compliment, Payno. Allez, en scène !
 
Liam ne put que secouer la tête quand il vit le plus jeune se précipiter dans les escaliers métalliques, les bras en l'air, visiblement très heureux de retrouver sa scène, son univers, le bruit, les cris, les larmes des fans. C'était ça, sa dope à lui. C'était les sourires et les gens heureux qui le rendaient super actif, qui le rendaient joyeux et motivé. C'était ce que Liam avait perdu, rassemblé en une seule personne dont la joie de vivre était toujours visible, qu'importe ce qui arrivait.
 
Les projecteurs l'aveuglaient toujours autant et la chaleur qu'ils propageaient l'étouffait toujours autant. Les cris des fans dès qu'ils voyaient leurs visages lui perçaient toujours les tympans et les sourires qu'il arrivait à distinguer étaient toujours aussi nombreux. Le monde ne s'était pas arrêté de tourner parce qu'il allait mal, il avait continuer à évoluer, à fêter les moindres joies et pleurer les moindres peines, il n'était qu'un parmi tant d'autres, pourquoi auraient-ils dû s'arrêter de vivre quand lui semblait l'avoir fait ? Liam comprenait maintenant qu'il était quelqu'un tout en étant personne et c'était compliqué à gérer. Les premières riffs de guitare de Niall résonnèrent dans la salle comme un coup de tonnerre avant que Zayn entame le premier couplet de la chanson d'introduction. Les fans ne mirent pas plus d'une seconde avant de le rejoindre et de chanter à pleins poumons, tout en hurlant pour attirer leur attention. C'était ça, la vie de Liam. C'était les milliers de gens devant lui tous les soirs, c'était les oreilles qui sifflent, c'était les cérémonies, les équipes de tournée, c'était sa famille qui l'attendait à Wolverhampton patiemment, c'était ces quatre mecs sur scène à ses côtés, qui attendaient qu'il leur tende la main pour qu'ils puissent le faire remonter à la surface. Et sa vie n'avait jamais vraiment changée. Tout était encore là. Le reste n'était qu'accessoire.
 
Pourtant, il y avait toujours cette nana, au premier rang, son portable dans une main, son appareil photo dans l'autre, le visant tout particulièrement. Ses cheveux roses étaient si clairs qu'ils détonaient dans la foule qui s'étalait devant lui, comme l'étoile du berger se différenciait des autres étoiles parce qu'elle était plus grosse et plus brillante. Liam fit un pas en arrière quand elle calibra son objectif sur lui. Il eut la vision soudaine qu'elle le visait avec un revolver et il en rata une note tout en jetant un œil à la première personne qui était près de lui : Zayn. Voyant qu'il y avait un problème, le basané pris son ami par les épaules et l'envoya de l'autre côté de la scène, prenant sa place sur la gauche de la scène. Il lança un regard à la jeune fille qui avait mis son ami dans un état pas possible et lui adressa un beau pouce en l'air et un sourire narquois, comme pour lui prouver qu'elle ne pourrait pas le déstabiliser, lui.
 
Le concert fut rythmé par les rires de Niall, les blagues toujours aussi vaseuses d'Harry et les allers et retours aux toilettes de Louis. Liam fit diversion, comme toujours, fit des discours qui, pour la première fois depuis des mois, ressemblaient à quelque chose de pertinent, empreint d'émotions comme il avait l'habitude de les faire. Les fans semblaient réaliser que Liam, leur Liam était de retour, l'ambiance était encore plus électrique que d'habitude et quand vint le moment de se séparer de la foule, Liam sentit clairement la déchirure habituelle qu'il avait oubliée depuis des mois. Il avait l'impression qu'on l'arrachait de la scène violemment et brutalement, qu'il perdait quelque chose d'important. Il n'était plus soulagé, comme il l'avait été depuis des mois et des mois. Et Liam aimait le retour de cette sensation.
 
Pourtant, il savait qu'il allait rencontrer des fans d'ici quelques minutes et c'est pour cela qu'il se contenta de poser ses mains sur les épaules de Niall qui lui barrait la route pour le pousser et rejoindre sa loge, le temps de prendre une douche rapide et de se rhabiller. Le jet d'eau chaude lui remit les idées en place et évacua la pression qu'il s'était infligée depuis plusieurs heures alors que ses muscles se détendaient progressivement et qu'il se débarrassait de la fine pellicule de sueur sur sa peau.
 
« Impeccable ». C'est ce que dit Louis quand il retrouva Liam dans la petite salle qui servirait à rencontrer les fans, chacun son tour. Tous avaient gagné un concours ou avait un parent friqué voire important pour être là et Liam soupira à l'idée de rencontrer des gens qui n'étaient pas forcément des fans comme ceux qu'ils avaient eu face à eux. Parfois il avait l'impression que ces gens ne voulaient le voir que parce qu'il était connu et ça le désolait mais avait-il réellement le choix ?
 
Des rideaux bleu foncé étaient étendus pour former une zone plus intimiste, pour que chacun ait l'occasion de pouvoir discuter quelques secondes avec le groupe et Louis et Niall s'amusaient déjà à faire les fantômes derrière le tissu. Liam secoua la tête en se souvenant que son meilleur ami aurait bientôt ving-sept ans. Un gamin de six ans coincé dans un corps de vingt-sept ans. Voilà ce qu'était Louis. Ridicule.
 
Arrêtez d'faire les cons, vous deux. Allez, la première arrive, soyez pro, tonna Paul. Pour une fois, ajouta-t-il pour lui-même, plus bas, alors qu'il retournait de l'autre côté du rideau pour superviser les fans.
 
Une, deux, quatre, dix, vingt-cinq, Liam ne les comptait plus. Ses yeux se fermaient presque tout seul. Après deux heures de show, il était crevé et ne voulait qu'une chose : se coucher. Pourtant, il était toujours souriant, il restait là, droit dans ses bottes, prenant dans ses bras les jeunes filles qui passaient et leur souhaitant une bonne nuit lorsqu'elles partaient. Il discutait avec les quelques mecs qui étaient là, parlait avec eux de musique, de leurs parcours, des études qu'ils faisaient, de leurs villes et c'était sympa de voir quelqu'un réagir normalement, de pouvoir se poser pour discuter un peu, prendre une photo avant qu'ils repartent et se dire « Wow, ce mec était plutôt cool ».
Mais plus le temps passait, plus l'agitation dans l'équipe augmentait. Il voyait les gardes du corps partir chacun leur tour, après avoir reçu un SMS sur leurs portables de fonction, les sourcils froncés et les yeux rivés sur leurs écrans. Et puis il y avait le bruit, les pas de plus en plus pressés et hargneux, qu'il entendait résonner sur le sol comme des coups de feu. Sans compter que le rideau qui les séparait du reste de la file de fans n'arrêtait pas de bouger, à cause des allers et retours du staff, qui murmurait, qui paniquait, qui ne savait pas ce qu'il se passait.
 
Ce n'est que lorsque Paddy réapparut que Liam comprit ce qu'il se passait.
La stalkeuse avait réussi à entrer dans les coulisses.
 
Pas compliqué de le comprendre, il ne le quittait pas des yeux et marmonnait dans son talkie-walkie en permanence. Tout autour de lui n'était qu'agitation, panique, murmures, stress, bruit et vitesse. Son monde tourbillonnait et tournait à cent à l'heure, le laissant étourdi et apeuré. Même Niall comprenait que quelque chose clochait.
 
Mais ce n'était rien comparé au gel de l'environnement qui eut lieu à peine quelques minutes plus tard. Liam était en train de serrer une brunette dans ses bras alors qu'elle soufflait qu'elle était vraiment heureuse de le rencontrer. Tous ses nerfs avaient lâché d'un coup alors que ses muscles s'étaient rétractés violemment sur le corps de la fan.
 
Son prénom venait de résonner dans toute la pièce, dans un cri effrayant et au moins autant suppliant en même temps.
Tout s'était arrêté et les regards paniqués de ses camarades se posèrent sur lui avec une certaine anxiété. Et Paddy venait de serrer des mâchoires. Tout cela ne présageait rien de bon.
 
Excuse-moi, finit-il par marmonner à la fan qui s'était presque faite pulvériser entre ses bras. J't'ai pas fait mal ?
- Y a pire que de mourir dans tes bras, plaisanta-t-elle. Mes épaules s'en remettront, t'en fais pas.
- Liam, faut qu'tu viennes avec moi, souffla durement Paddy en lui empoignant le biceps. Allez, grouille-toi !
 
Les autres n'eurent même pas le temps de demander ce qui arrivait que Paddy faisait passer Liam de l'autre côté du rideau et sortir de la pièce. Ils se retrouvèrent dans le couloir où tout le staff de la sécurité s'affairait à contenir la source des problèmes : la fille qui avait des cheveux multicolores.
 
- Ne la regarde pas, ne te retourne pas, on trace et on te met en sécurité, c'est capté ?
- LIAM !
- Ne te retourne pas, Lee, ne te retourne sous aucun prétexte !
- JE T'EN SUPPLIE, LIAM !
 
Le sang du jeune Payne n'avait fait qu'un tour. Excédé par les cris de la jeune fille et par les cris de la sécurité, il fit exactement ce qu'on lui avait interdit de faire. Il tourna les talons. Son cœur battait à cent à l'heure au moins et sa rage s'échappait par chaque pore de sa peau. Cette fille le provoquait, elle le poussait en permanence dans ses retranchements, elle l'empêchait de dormir parce qu'elle s'infiltrait dans les hôtels et qu'on le réveillait en pleine nuit pour qu'il change de chambre, elle le stressait, elle l'effrayait et il en avait plus que ras-le-bol de la voir retourner sa vie déjà chaotique à l'envers. Elle rendait ses proches dingues et fatigués, elle faisait tourner en bourrique son staff et ... Bordel, pour qui elle se prenait à foutre tout son fragile équilibre en l'air ?
 
Tu commences à sérieusement m'casser les couilles, toi ! hurla-t-il en lui pointant un doigt accusateur.Tu t'rends pas compte que c'tu fais c'est putain de stupide et tu gênes tout l'monde avec tes conneries alors putain, qu'est-ce que tu veux à la fin ?! J'te l'ai prise ta putain d'photo, s'énerva-t-il.T'es entrée là où t'aurais jamais dû mettre les pieds, tu fous toute notre sécurité en stress permanent et j'en peux plus, tu vois ?! Tu m'épuises ! Qu'est-ce que tu veux, bordel ?!
- Je suis désolée, je voulais juste te parler je-
- Tu voulais JUSTE me parler ?! Mais putain, tu t'rends compte qu'on pourrait t'coller une plainte au cul et que tu t'retrouverais en putain d'taule ?! J'ai pas le temps, ni l'énergie d'faire face à des tarées comme toi alors tu reprends tes cheveux de petit poney, ton appareil photo d'paparazzi et tu dégages de ma vie, c'est clair ?!
 
Si la fumée aurait pu sortir de ses narines, le couloir serait embrumé. Rouge de colère, Liam fit demi-tour après un dernier coup d'œil fusilleur, déterminé à oublier cette fille, à oublier qu'elle lui avait retourné la tête en à peine quelques jours.
 
- LIAM !!
- TA GUEULE ET FOUS-MOI LA PAIX !
- T'AS UNE FAN DE SIX ANS QUI A UN PUTAIN DE CANCER ET CROIS-MOI QUE SI TU LA LAISSES PARTIR SANS AVOIR REALISE SON PUTAIN DE RÊVE JE TE BROIES LES PUTAINS DE GENOUX, LIAM PAYNE !
 
Si Liam s'y était attendu, à celle-là.

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