La boîte de Pandore

3. Alex

Dès que je clique sur la page et que je découvre le site, j'ai tout de suite un mauvais pressentiment.

Ça pourrait être un canular, une blague pourrie d'un lycéen en mal d'attention, mais ce n'est pas ce que je pense.

Peut-être parce que j'ai quelque chose à me reprocher.

Peut-être parce que ma plus grande hantise est que mon secret soit révélé sans que je puisse l'empêcher.

Si j'étais clean, si j'étais sans histoire comme tout le monde le pense, pas de raison de m'inquiéter.

Mais je ne suis ni clean, ni sans histoire. Au contraire, j'ai toutes les raisons de m'affoler.

****

À mon arrivée au lycée, rien ne diffère d'une matinée classique. Le hall résonne de ses bruits familiers. Ça rigole dans les couloirs, ça se chamaille.

Les filles m'attendent près des casiers. Ce qui change de l'ordinaire, c'est qu'elles ne font que parler de ce fameux site. C'est l'obsession du matin.

Mathilde a les yeux plongés dans son téléphone.

— Vous pensez que c'est une blague ?

Elle ne fait que rafraîchir la page encore et encore.

Assetou la regarde faire.

— Pourquoi tu t'acharnes ?

— Bah, il dit qu'il va faire des révélations, j'attends.

Nadia lève les yeux au ciel.

— Je suis sûre que c'est un gros canular. Tu vas attendre pour rien, Mat.

Je m'appuie contre les casiers.

— Je ne comprends pas. Moi, je n'ai pas reçu de lien.

Assetou pivote vers moi.

— Ça a l'air d'avoir été envoyé un peu au hasard. Y'a des secondes, des premières et des terminales qui l'ont reçu.

Nadia croise les bras sur sa poitrine.

— De toute façon, il suffit qu'une personne reçoive le lien et tout le monde l'aura.

Assetou acquiesce et dit :

— Il comptait sûrement là-dessus. Qu'on se l'envoie entre nous.

— « Il » ? la reprend Nadia.

— Ouais, enfin « il » ou « elle », peu importe. La personne qui a créé le site, quoi.

Mathilde relève la tête, le regard pétillant d'excitation.

— On se croirait dans une série !

— Ouais, bah on est dans la vraie vie, là, lui rétorque Nadia.

Assetou la toise.

— Rabat-joie.

Nadia hausse les épaules.

— Je suis réaliste, c'est tout.

— Ça fait très Gossip Girl, non ? continue Mathilde sur un ton toujours enthousiaste. Pretty Little Liars, aussi. Oh, moi je peux être Emily ? Elle est trop sexy.

Assetou pouffe de rire.

— Depuis quand tu es asiatique, toi ?

— Et tu es gay, donc, si tu es Emily ? j'interviens.

Mathilde fronce les sourcils, semblant réfléchir.

— OK. Bon, revenons sur Gossip Girl. Je peux être Serena. Je lui ressemble, non ?

Nadia soupire.

— Tu peux être qui tu veux, mais ça ne change rien au fait qu'on n'est pas dans une série, un film ou même un jeu vidéo ! Qu'il n'y a aucune révélation à venir sur ce site. Je sens que c'est du bluff.

Elle n'aurait pas pu se tromper davantage.

Assetou pose sa main sur l'épaule de Nadia.

— Calmos. On va pas se prendre la tête dès le matin pour un foutu site.

La cloche retentit. Les élèves s'activent autour de nous.

Alors qu'on se met en route, Mathilde se fige, les yeux de nouveau rivés sur l'écran de son portable.

— Oh, oh, il semblerait que ça commence...

On braque toutes le regard sur elle.

— Qu'est-ce qui commence ? demande Assetou.

Un sourire étire les lèvres de Mathilde.

— Le premier secret est sorti...