/3. Cheyva'/

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_ Chapitre 3:
Cheyva'_


Le temps qui s'écoule, l'ennuie. La monotonie. Les secondes plus lentes que les siècles. L'acuité des sons et des sens. Son leb bouillonnant de colère.

Twent donna un violent coup de pied dans la statue de bronze à côté du trône eurcrux. L'objet vacilla plusieurs fois avant de céder enfin à l'ébranlement. Son bronzage se mit à miroiter contre le parquet en marbres noires et froides. Leur ton sombre à réfraction scintillante revêtait les lieux d'une ambiance propre à la damnation, dans un total agglomérat confus entre folie, insanités et douleurs.

D'ailleurs comment qualifier d'autre le Sheol, endroit de tourments pour les âmes des mortels fatigués du souffle de vie. Comment visualiser un royaume où même son roi se sentait oppressé et en poids au délires ? Les enfers ne brûlaient peut-être pas de mille braises ardentes comme prédit par les saintes écritures mais habiter en son sein était similaire à une promesse de malheur. Lourde, écrasante et affreusement longue.

Le maître des lieux se relaissa tomber au creux de son siège en or massif. Dépêché au seins des plus anciennes mines du temps où l'humanité n'était encore qu'un projet flou dans la grande cervelle de son grand-père, travaillé à la main et aux sueurs de sang de ses esclaves démons, le trône du diable en personne se devait de briller pour représenter finement le caractère de son possesseur.

Twent glissa lentement sa large paume sur un accoudoir sculpté avec attention, suivant les courbes emmaillotées d'écailles d'un serpent. La partie supérieure de l'animal remontait le long du dossier pour aller rencontrer une tête de cobra jumelle à la sienne. Les deux crânes aplatis des reptiles servaient en guise d'appui pour les épaules.

Il avouait être assez satisfait du travail. Son père aussi avait dû beaucoup apprécié posséder une telle merveille pour chaise. À cette réflexion, il ne tint plus toute la rage qu'il accumulait depuis trois semaines déjà.

_ Que font ces imbéciles ? Ne sont-ils même pas foutus de me ramener un enfant ! tempêta-t-il en bondissant sur ses deux longues jambes.

Une veille femme accourut devant lui, la mine inquiète et pressée de s'enquérir du pourquoi des mauvaises humeurs de son maître afin de possiblement y remédier.

Agathe Medford, jadis humaine, morte à l'âge de soixante-deux ans. Twent connaissait leur passé sur les doigts de la main. Il n'avait d'ailleurs qu'à scruter leur essence d'âme pour en prendre connaissance. Mais Agathe avait été présente auprès de lui depuis les premières saisons de sa vie. Cette bonne veille femme était tout simplement celle qui l'avait élevé, à l'aide de l'attirail d'une vrai mère : affection, tendresse et implication. Et avec l'attirail non moins attachant de l'esclave qu'elle avait toujours été. Elle cédait à ses moindres caprices, se prosternait devant lui et le louait comme toute la maisonnée du Sheol et le peuple des démons. Il n'y avait pas deux comme elle pour comprendre ses ressentis rien qu'en l'observant ou pour attendrir son palpitant d'être satanique.

_ Andrew, que te prend-il ?


_ Le temps, Agathe ! Le temps ! Il est affreusement long et je peine à patienter.

_ Voyons, fait pas l'enfant gâté. Il en a toujours été ainsi. Tu es censé y être habitué. Pourquoi soudain, notre rythme temporel t'agace tant ?

_ J'ai du pain sur la planche et mes imbéciles de démons semblent s'y prendre gauchement.

Agathe releva légèrement les yeux, sans redresser entièrement la tête pour le fixer toutefois puisqu'il était interdit de confronter directement la vue des traits du diable. Twent frissonna sous la puissance de la défiance muette qu'il vit passer dans ses prunelles noires.

l'Antéchrist (en cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant