Une vie bien organisée

38 0 0
                                    


Nora attendait le couple en dehors de la salle de bains. Elle apprécia leur tenue d'un regard et hocha la tête, visiblement satisfaite. Elle repartit dans le couloir, talonnée par Lilian et Eryn. La jeune Aeon semblait avoir la tête ailleurs. Ils ne relevèrent pas. Elle les guida jusqu'à un cul de sac bordé de deux portes métalliques. Elle se retourna et afficha un sourire un peu forcé.

- Voilà, les gars, à droite c'est chez les femmes à gauche chez les hommes. Vos sacs sont posés au pied des lits qui vous ont été attribués. Pour le moment les dortoirs sont vides. Ne vous inquiétez pas, vous pouvez dormir tout votre soûl.

Après avoir remercié Nora, elle repartit, le cliquetis de ses bijoux se perdant dans le dédale bétonné. Lilian s'approcha et enlaça Eryn. Elle déposa un baiser dans son cou et le serra contre elle. Puis ils se séparèrent à leur tour. Eryn poussa la porte métallique et jeta un regard au dortoir. Une série de lits superposés occupait une grande pièce, semblables à toutes les autres. Son sac à dos était posé contre un des lits. Elle retira ses chaussures, attacha ses cheveux et se glissa dans les draps toute habillée. La jeune femme sombra presque instantanément dans le sommeil. Elle n'entendit pas les murmures des résidentes venues se coucher le soir venu.

Une sonnerie retentit le lendemain matin. Eryn se redressa vivement dans son lit. Le dortoir était plongé dans la pénombre mais elle pouvait voir des formes se mouvoir dans les autres lits. Celui au dessus d'elle grinça quand son occupante descendit l'échelle métallique. Eryn se frotta le visage et s'étira. Le réveil avait sonné, elle devait suivre le mouvement. Les lumières s'allumèrent peu à peu. Une trentaine de jeunes femmes étaient affairées à refaire les lits et s'habiller. Quelques murmures troublaient le silence matinal. La jeune femme regarda autour d'elle. Elle aperçut les mèches roses de Nora à quelques lits du sien. Cette dernière lui adressa un sourire et un signe de la main. Eryn répondit et se leva enfin. Une tenue de rechange était posée sur son sac. Elle l'enfila, savourant la fraîcheur des vêtements propres et s'installa sur le bord de son lit pour lacer ses chaussures. Imitant ses compagnes de chambre, elle arrangea ses draps, glissa son sac sous son lit et se dirigea vers la sortie. Les murmures se transformaient en conversations animées. A la sortie du dortoir, Lilian l'attendait, appuyé contre un mur. Un sourire illumina son visage quand il vit Eryn. Glissant sa main dans celle de son compagnon, elle lui murmura un bonjour et ils suivirent le cortège de résidents jusqu'au réfectoire. Des groupes se formèrent naturellement tandis que tous passaient par le présentoir pour remplir leurs plateaux. Eryn et Lilian ne se firent pas prier et se servirent. Avisant une table vide, ils s'y installèrent et commencèrent à manger. Lilian fixa Eryn, sa cuillère en suspens.

- Un problème ? demanda celle-ci en sirotant sa tasse de café.

- Je me demandais ce que nous allions faire maintenant... Tu veux rester ici ?

Eryn réfléchit un instant. Après une bonne nuit de sommeil, ses pensées commençaient à se clarifier.

- Je ne sais pas. Je ne sais même pas ce qu'on fait ici. On est partis si vite... Sans raison. Je n'arrive pas à savoir quoi faire maintenant. Pourquoi avons-nous fuit ainsi ?

La question sembla déranger Lilian qui fit la moue. Il pianota sur la table un instant avant de répondre.

- Pour être honnête, j'ai eu peur. Pour nous. Pour toi. Mon instinct m'a hurlé de partir. Qui sait ce qu'il se serrait passé si nous étions restés ?

- Peut être rien Lilian. C'était inconscient comme décision. On aurait pu errer dans la nature pendant encore longtemps. Cependant...

Elle pesa le poids de ses mots, comprenant que leur vie ne serait plus jamais la même.

- Cependant, je pense que nous avons bien fait. Je veux rester ici, avec eux. Fait ce qu'il te plaira mais moi, je reste. J'ai l'impression qu'ici, je pourrai être utile. Plus qu'à Patientis. Ici, nous sommes libres.

Lilian réfléchit à son tour et hocha la tête.

- Tu as raison. Nous pourrons toujours repartir si nous le désirons.

Ils échangèrent un regard complice et finirent leur déjeuner. Nora et Tobey arrivèrent dans la salle, et se dirigèrent vers le jeune couple. Tobey avait les traits tirés mais il adressa un sourire chaleureux aux deux amants.

- Salut les gars ! Bien dormi ?

Ils opinèrent et Nora s'installa à côté d'Eryn.

- Elle a dormi comme une masse la marmotte ! Bon, vous êtes d'attaque ? Aujourd'hui, je vais vous enseigner notre mode de vie. Comme je vous l'ai dit, ici chacun a sa part à faire.

Sans se consulter du regard, ils acquiescèrent et débarrassèrent leurs plateaux rapidement. Nora et Tobey échangèrent quelques mots et la jeune Aeon se redressa en sautillant, faisant signe aux deux autres de la suivre. Une fois dans le couloir, un nouvel exposé commença, bien plus complet. Nora leur montra ainsi l'infirmerie, les autres dortoirs, les différentes réserves, et les ateliers de travail. Les Aeons étaient organisés.

Depuis maintenant 2 ans, ils avaient créés une sorte de colonie souterraine. Tous avaient fuit leurs villes pour diverses raisons. Les premiers Aeons avaient trouvés des armes et du matériel dans les bunkers d'avant-guerre. Avec l'arrivée de plusieurs fugitifs, des véhicules, de l'informatique ou du matériel médical avaient été mis à disposition. Une fois la colonie implantée, les besoins primordiaux assurés et la vie commune établie, ils avaient récupérés d'autres matériaux dans des sites abandonnés ou avaient pillés d'anciennes villes de province pour assurer leur survie et leur armement. Il y avait maintenant un peu plus de 150 Aeons qui vivaient dans le réseau souterrain.

Grâce à certains nouveaux venus, ils avaient pu mettre en place des forges pour les outils et les armes blanches. Les armes à feu servaient uniquement pour la sécurité. Seuls les Gardiens avaient le droit d'en porter. Les Gardiens étaient le service de protection des Aeons, sous le commandement de Tobey. Une trentaine d'hommes entraînés qui assuraient la protection des autres résidents, le ravitaillement de matériaux et l'exploration du Grand Désert.

L'électricité était produite par une hydro-turbine placée en dessous du réseau de bunkers, dans une grande rivière souterraine et les systèmes d'aération furent remis en route. La vie pouvait commencer.

Certains bunkers avaient été équipés pour permettre la culture hydroponique et la culture sous lampe UV. Les Aeons faisaient pousser des légumes, de nombreux champignons et une grande majorité de racines de Mugo, un tubercule sur protéiné qui constituait la base de l'alimentation. Pour les protéines animales, les rebelles élevaient insectes, vers et larves comestibles. De plus, un étroit et sinueux canyon bordé de hautes falaises servait de puits de lumière à un lac souterrain alimenté par la rivière. Les Aeons y élevaient des poissons. Cet endroit était nommé le Lac de la Grande Faille. Grâce à cela, les Rebelles vivaient en autarcie, ne dépendant de l'extérieur que pour les choses impossibles à produire dans leurs forges, leurs jardins ou leurs laboratoires.

Finalement, les Aeons devinrent vite une légende, un mythe qui hantait les abords des cités idéales comme Patientis. Les Gardiens géraient à merveille la dissimulation de la colonie. Après un an, les arrivées se firent de plus en plus rares. Parfois seuls ou par petit groupe, les nouveaux arrivants étaient accueillis, nourris et soignés si besoin. S'ils voulaient rester, les Aeons les accueillaient. Les scientifiques s'occupaient d'effacer la mémoire de ceux qui voulaient repartir et les Gardiens les déposaient aux abords d'un bidonville. Là-bas, on trouvait de tout à condition d'y mettre le prix. Les gens vivants à la périphérie de ces cités étaient délaissés par le gouvernement, subsistants comme ils le pouvaient. Les trafics étaient monnaie courante. Les Gardiens pouvaient trouver tout ce dont ils avaient besoin pour s'équiper, à condition de rester discret. Ils en profitaient aussi pour réapprovisionner les 3 scientifiques qui travaillent dans des laboratoires aménagés au cœur de la cité rebelle. 

Vous avez atteint le dernier des chapitres publiés.

⏰ Dernière mise à jour : May 09, 2020 ⏰

Ajoutez cette histoire à votre Bibliothèque pour être informé des nouveaux chapitres !

PatientisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant