C H A P I T R E - D I X S E P T

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Seul le bruit de mes talons sur le gravier comble le silence. Nous marchons, côte à côte, parcourant les allées désertes du cimetière. Dans ce lieu, tout me semble en suspend. Les visages expressifs des défunts sur les tombeaux me rappellent des souvenirs passés en la compagnie de mon ange.

Jon est venu aussi vite qu'il a pu. Il a eu la chance de découvrir dans quel état pitoyable je me trouvais, simplement à cause d'un mec. Le pire c'est qu'il ne m'a même pas fait la morale. Mon ami m'a juste prise dans ses bras réconfortants afin de me calmer.

J'aurais aimé qu'il parle. J'aurais aimé qu'il me crie dessus. J'aurais aimé qu'il trouve les mots pour apaiser cette douleur lancinante dans ma poitrine. Mais, pour autant, je ne peux pas lui en vouloir. Depuis que je suis ici, il essaye de réparer les pots cassés. Je l'appelle tout le temps dans les mauvais moments, n'assumant pour ainsi dire aucun de mes actes.

En fait, je suis lâche. Égoïste. Fille à papa. Je n'ai qu'à claquer des doigts pour que quelqu'un vienne à mon secours. Quel genre de fille suis-je ?

Je ne mérite pas d'être aimée, chouchoutée, épaulée, rassurée... Je ne mérite tout simplement pas ces gens formidables qui m'entourent. Et ça fait mal.

Nous nous rapprochons du lieu où repose notre Heather, petit à petit. Une boule vient se loger au creux de ma gorge, les yeux me piquent. Je n'y suis plus retournée depuis ses funérailles. C'était déjà trop douloureux à l'époque pour que je réitère l'opération. Et pourtant, j'aurais dû le faire. Non seulement pour essayer de tourner la page, mais aussi pour ma meilleure amie.

Je lui ai toujours dit que je serais là quoiqu'il advienne, même si le plus grave se produisait. Et j'ai dérogé à cette promesse datant de l'époque des bacs à sable.

Nous nous arrêtons devant sa tombe marbrée, recouverte de marguerites. Sa fleur préférée. Une larme s'échappe, puis une autre, avant qu'un torrent ne dévale mes joues. Elle me manque.

Doucement, je m'assois à même le sol, enlevant ces échasses qui me ruinent les pieds. Jon reste debout, droit comme un piquet. Je pose délicatement ma main sur la pierre et une décharge me traverse tout le corps. De longs frissons parcourent mon dos : elle est là.

Un sourire fin vient prendre possession de mes lèvres. Nous ne devrions pas être là à une heure pareille, mais j'en ai besoin. J'ai trop attendu avant de venir la voir.

Un mouvement se produit à ma droite : Jon vient de s'asseoir sur les cailloux. Il essuie le contour de ses yeux, tout aussi rougis que les miens. Ça nous fait du bien.

« Coucou, toi. J'espère que tu pètes la forme de là où tu es. Bon, on peut pas en dire autant de nous. De toute façon, tu dois bien voir dans quel état on se trouve, ris-je. »

Mon meilleur ami prend délicatement ma main dans la sienne, m'incitant à poursuivre mon discours.

Mes pensées s'emmêlent, je voudrais lui dire tant de choses.

Flashback

Nous dégustons de délicieux pop-corn devant notre film préféré : Dirty Dancing. Bien que je ne sois pas aussi friande des histoires d'amour, il faut dire que celui-ci fait rêver.

« Oh, putain ! C'est ma scène préférée, s'extasie mon amie. »

Je glousse doucement et dépose mon regard sur sa personne. Ses cheveux d'ordinaire soyeux sont devenus ternes, son minois est pâle mais la brillance de ses yeux me rappelle qu'elle adore la vie. Elle aime vivre, oui. Et pourtant, on ne l'épargne pas. Ça fait maintenant un mois qu'elle enchaîne examens sur examens, fatiguant de plus en plus.

𝙈𝙤𝙣 𝙪𝙣𝙞𝙦𝙪𝙚 𝙧𝙚𝙢𝙚̀𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant