C H A P I T R E - D O U Z E

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Une lumière blanchâtre agresse mes pauvres yeux. J'essaie de me faufiler sous les couvertures, en vain. Il semblerait que ce ne soit pas le lever du soleil qui me joue des tours. Difficilement, j'ouvre les paupières, tombant sur le visage de Jon.

« Qu'est-ce que tu fais là ? grommelé-je.

— Sympa l'accueil.

— Hum...

— Sinon, pour répondre à ta question, tu m'as appelé hier soir après ta déception amoureuse. Nous avons beaucoup bu, enfin toi plus que moi, et je suis resté décuver ici. »

J'ai les pupilles qui me picotent, j'ai envie de me rendormir et de ne plus jamais me réveiller. La bouche pâteuse, l'alcool remonte le long de mon œsophage.

Pressée, je me relève du lit, m'emmêlant dans les draps. Je trébuche sur le sol et un liquide visqueux en recouvre une partie. C'est pas vrai !

« Beurk, t'es dégoûtante, Ellie.

— Ramène-moi une bassine, dis-je avant qu'un autre haut-le-cœur ne refasse surface. »

Mon ami part en quatrième vitesse à la recherche d'un récipient afin que j'évacue tout ce que j'ai pu ingurgiter la veille. Ça ne m'était encore jamais arrivé. D'habitude, je tiens relativement bien l'alcool. Même la plus forte des liqueurs ne me fait pas peur. Je suppose que tous les événements d'hier soir n'ont pas été anodins, certainement pas même.

« Tiens, j'ai trouvé que ça. »

Jon dépose un saladier en cristal sous mon nez, me provoquant un léger sourire. Il est incroyable.

« Tu veux peut-être que je t'aide à te relever ? Parce que là on dirait vraiment une baleine échouée sur la mer.

— T'es con. »

Il rigole et me soulève facilement. Et bien, il m'avait caché cette force.

« Il faut que je t'annonce quelque chose. »

Des nausées me prennent de nouveau et je régurgite cette fois-ci dans le joli saladier. On peut dire qu'il a été baptisé.

Une odeur nauséabonde s'en échappe, me provoquant une grimace. Je déteste vomir.

« Oui ? »

Un vilain pressentiment vient envahir mon corps entier : je tremble comme une feuille. Que peut-il m'annoncer ? A cet instant, je m'imagine mille et un scénarios, tous plus horribles les uns que les autres. Mon cœur est en train de se fissurer de plus en plus, au fur et à mesure que les secondes défilent. Il a une tête peinée, penchée sur le côté. Il se gratte la nuque à plusieurs reprises, ouvre la bouche puis la referme. Bon sang ! Il va me rendre folle.

« Dis-moi, Jon ! Je n'en peux plus d'attendre ! crié-je, tant le stress envahit chaque parcelle de ma peau blanchâtre. »

Mon ventre émet des gargouillements rocambolesques, me rappelant que je suis dans un état pitoyable. À cet instant précis, je regrette fortement de m'être bourrée la gueule plus que tout.

« Va voir par toi-même, dit-il en pointant la fenêtre du menton. »

Les jambes en coton, je me lève doucement du lit. Chaque pas que je fais me donne presque envie de faire marche arrière. J'ai peur. Et le silence de mon ami n'aide en rien. Arrivée face à l'encadrure en bois, je me penche en avant pour découvrir les sols enneigés. Une bonne épaisseur recouvre le bitume, qui encore cette nuit était grisâtre.

Je me tourne vers Jon, ne comprenant pas où il veut en venir. Pourtant, cela aurait dû m'alerter presque immédiatement.

« Je ne comprends pas, soufflé-je, perdue.

— Il neige, donc tous les vols ont été annulés jusqu'à je ne sais quand. »

Neige. Vols. Annulés. Ces mots me frappent de plein fouet, ce qui me provoque une énième répulsion.

« Je dois retourner à Los Angeles, aujourd'hui ! réponds-je, en essuyant les contours de ma bouche à l'aide de mon haut de pyjama.

— Je sais... Mais, je pense bien que ce sera impossible...

— Non ! Il y a bien une solution, continué-je, en saisissant mon cellulaire posé non loin de là. »

Des tonnes de messages venant de l'agence s'affichent sur le petit écran, tous m'incendiant. Mais, quelle merde ! Pressée, je décroche lorsque ma patronne m'appelle.

« Mademoiselle McLister, cela fait au moins une centaine de fois que j'essaie de vous contacter ! tonne-t-elle.

— Excusez-moi, je viens seulement de me réveiller..., déclaré-je, en massant mon crâne.

— Je ne veux rien savoir. Bon, vous savez la nouvelle ?

— Oui... Mais je peux trouver un moyen de rentrer quand même aujourd'hui.

— Ne dites pas de singeries, enfin ! Tout le réseau est bloqué, vous ne pourrez rien faire !

— Je suis désolée, Madame.

— Oui, c'est ça. Bref, je vous envoie le travail à faire par mail. Tâchez de me le rendre pour ce soir au plus tard, vous n'êtes déjà pas là alors je ne tolérerai aucun retard de votre part. Est-ce bien clair ?

— Oui, bien...bien sûr. »

Puis, elle coupe la discussion en me raccrochant au nez. Quel culot !

Hébétée, je regarde mon téléphone, ne sachant pas quoi faire. Qu'ai-je effectué pour mériter une chose pareille ? Il suffit que je revienne dans ma ville d'origine pour que tout parte en fumée et se dégrade.

« Ça va ? demande posément Jon.

— Je suppose que je devrais dire oui... chuchoté-je, abattue. »

Jon arpente la chambre afin de me prendre dans ses grands bras. Il m'enveloppe entièrement et me serre gentiment contre lui. Je dépose ma tête contre sa poitrine, sentant les battements de son cœur contre ma tempe. La pression, qui m'anime depuis quelque temps déjà, retombe et je pleure à chaudes larmes. Jon essaie de m'apaiser comme il peut, mais je vois bien qu'il ne sait pas comment agir. Tu parles ! Je ne suis qu'une pauvre fille, qui s'attache aux mauvaises personnes, qui a une malchance à faire pâlir même les plus poisseux, qui a la pire des patronnes...

« Arrête de pleurer, Ellie. J'aime pas te voir comme ça, gronde Jon, en me caressant le cuir chevelu.

— Ma vie n'est qu'une vaste blague. J'en ai marre ! »

Il saisit ma tête entre ses mains, me forçant à lever mes yeux humides vers lui. Son regard contrarié entre en contact avec le mien et je comprends qu'il s'inquiète véritablement pour moi.

— Ne dis plus jamais ça, d'accord ? La vie est faite de ses hauts et de ses bas, mais jamais tu ne dois penser ça. Tu es forte, tu peux très bien surmonter toutes ces petites épreuves qui semblent t'accabler. Ellie, tu es l'une des meilleures personnes que j'ai connu dans ma vie. »

Puis, il m'embrasse tendrement le front. Ces paroles revigorent mon être entier. Jon est une perle, je ne mérite pas un ami comme tel. Il essaie toujours par n'importe quel moyen de me tirer vers le haut, alors que je l'ai abandonné. Ce n'est pas moi qui devrais recevoir toutes ces éloges, mais lui. Pourtant, à ce moment, telle une égoïste, je préfère me taire et le serrer davantage entre mes petits bras.

𝙈𝙤𝙣 𝙪𝙣𝙞𝙦𝙪𝙚 𝙧𝙚𝙢𝙚̀𝙙𝙚Où les histoires vivent. Découvrez maintenant