texte 2: A Kind of Magic - From Skye to London

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Le 2 septembre 1998, île de Skye, Ecosse

Je m'appelle Maureen Mackenzie, je vis aux abords de Broadford, un petit village situé sur l'île de Skye. Je n'ai jamais connu que cette île aux mille couleurs et la mer qui l’entoure. Mon père est hôtelier, pêcheur, aventurier, conteur. Cette île, il la parcourt les yeux fermés, il la chante, la dessine, il la connaît par cœur. De tous les gens que je connais – et qui se résument au millier d'habitants de Broadford – c'est mon père qui en parle le mieux. Son île, il la surnomme le paradis, c'est dire. 

L'île de Skye, c'est un peu le bout du monde. Une terre sauvage qui craque sous le vent, qui surgit des mers sombres. C'est vrai que c'est beau. Les touristes adorent, alors mon père raconte, encore et encore. Les faits se mêlent aux mystères, les légendes prennent vie entre deux verres de scotch. Ça fait trente ans que ça dure, trente ans qu'il conte l'Ecosse, ses highlanders, son whisky et ses tartans. C'est comme ça qu'il a séduit ma mère, parait-il. C'était une touriste, elle aussi. Elle avait pris une chambre dans son hôtel, il l'avait amenée sur son petit voilier, ils avaient fait le tour de l'île à la marche, en bateau, à vélo, jusqu'à ce que les vacances se terminent. Elle était repartie et n'était revenue que neuf mois plus tard, un bébé dans les bras. Ce bébé, vous l'aurez compris, c'était moi. Et cette histoire, personne ne la conte jamais. Ni ma mère, ni mon père. C'est le vieux Murtagh qui m'a raconté. Comment je suis arrivée sur l'île de Skye et comment ma mère en est repartie. Elle disait qu'elle devait s'organiser, qu'elle ne pouvait pas quitter son travail tout de suite, que son patron comptait sur elle. Mon père et moi on a attendu. Mais elle n'est jamais venue. 

- Maureen !

- J'arrive, 'pa !

Maureen, c'est tout ce qui me reste de ma mère. C'est elle qui a tout choisi. De me garder, de m'appeler Maureen, de me confier à papa et de repartir. 

- Pourquoi tu es encore en pyjama ?

- C'est mon anniversaire.

- Tu vas arriver en retard à l'école.

- C'est mon anniversaire.

- Bon. D'accord.

Papa se gratte l'oreille droite. Il fait toujours ça quand il ne sait pas comment réagir. Des fois je l'entends ruminer que « ta mère aurait pu me filer le mode d'emploi quand même ». Il me jette un coup d’œil un peu méfiant puis regarde l'horloge et il lâche un soupir. Je l'entends s'activer dans la cuisine et un parfum sucré me fait sourire. Papa adore me préparer mon petit-déjeuner.

- Des scones tous chauds ! Cool !

- Ne mange pas tout, hein ? On attend des touristes.

- Et mon cadeau ? 

- Tu l'auras ce soir. Murtagh vient diner.

- Cool.

Je dis « cool » mais c'est plus pour faire plaisir à papa. Ils sont ma seule famille, le vieux Murtagh et lui.

- Arrête de dire « cool » tout le temps.

- Oh, ça va. 

Papa marmonne et j'entame mon troisième scone. Il ne les réussit jamais aussi bien que le jour de mon anniversaire. Je l'entends qui ouvre toutes les fenêtres, pour que l'odeur de son île adorée soit présente dans chaque pièce, et je repère un volatile posé sur le cadre le plus proche. 

- Papa ?

- Quoi ?

Sa voix est lointaine, il doit être dans la quatrième chambre. 

Recueil de textes des écrivains en herbesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant