hippolyte,
à la fenêtre j'ai les yeux au soleil,
et je peux être quelqu'un d'autre.
qu'est-ce que je fais?
j'sais pas, je divague.
je ne sais pas si je connais meilleure sensation, à ce jour, que celle divaguer,
non?
"jeu de masques", je trouve que c'est une bien belle expression, en fait. y'a ce qu'on cache,et puis ce qu'on montre, y'a tout c'qu'on fabrique et tout c'qu'on a déjà, tout ce qu'on donne et tout ce qu'on garde. y'a les secrets aussi, c'est joli comme mot, "secret". tu sais, si y'a quelque chose que j'ai toujours eu du mal à comprendre, c'est les secrets, et je crois bien que je suis incapable de te répondre, si tu me demandes de te dire un secret. je penses que j'en inventerais un. tu sais, je te dirai que les farfadets habitent dans le creux des arbres fatigués et je te dirais aussi que les nuages sont des bulles pleines de pensées qui te tombent parfois sur la tête. tu me demanderais si les cerfs-volant servent à pêcher les étoiles et je te dirais oui.
en réalité des secrets j'en ai pas, parce que je suis incapable de laisser quoique ce soit prendre la poussière sur mes étagères. j'ai besoin de faire brûler des bougies à poser à la fenêtre de mes yeux et de laisser aller et surtout repartir les avions en papier qui volent sous le plafond, comme des hirondelles. j'ai besoin d'aérer si souvent, besoin de changer les draps, de trouver des nouvelles couleurs pour les carreaux, j'ai besoin de dire ou de transformer,
pas de cacher.
j'crois que j'ai jamais eu besoin de cacher, et c'est quand même une putain de chance. non?
j'y pense face à ma plante verte en fumant ma clope, le cul à l'air, alors que je fume pas d'habitude. c'est pas très grave, ce sera encore quelque chose de nouveau. je soupire. est-ce qu'on est nombreux à avoir eu le droit de tout montrer, de tout remuer comme la tambouille de gadoue qui tachait mes bottes en caoutchouc? sommes-nous les seuls à avoir eu le droit de garder tout les cailloux au fond de nos poches à la fin des balades, quand on était gosses? les seuls à pouvoir raconter nos cauchemars et rire de nos disputes, se montrer nos différences?
t'sais mes émotions ont toujours été un peu comme des cerf-volants. je lâche pas la corde, mais je laisse aller au vent. j'aère ici bas, je m'autorise à éloigner ce qui m'encombre, à vider le grenier même si les cartons sont lourds quelquefois. et rien ne me manque jamais. il me suffit de tirer sur la corde pour tout revivre, regarder le tissu délavé qui passe sa journée dans le ciel, et poursuivre ma route.
alors ouais, peut-être que je ne pêche pas les étoiles.
à croire que je les rencontre, et c'est tellement plus vaste, de faire partie d'une constellation.
ouais, c'est gigantesque.y'a un moment, le pot en terre cuite s'est cassé. la plante verte, il lui restait le tas de terreau sur la tapis, alors j'ai rien touché. c'était une expérience, j'aime bien faire des expériences un peu absurdes.
maintenant elle grimpe le long du mur,
alors j'ai trouvé ça chouette.
affectueusement,
-tallulah
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exutoire
Poetrye x u t o i r e : c e q u i s e r t à d é v e r s e r c e q u i g ê n e , c e q u i d é r a n g e on prend les mêmes et on recommence, je crois. la conscience se déverse et en voit de toutes les couleurs les pneus crissent. les freins...