La Femme

30 2 0
                                    

I

Vous tombez. Vous sortiez tranquillement du bâtiments que votre école vous a fait visiter mais vous n'aviez pas vu la marche. Vous volez donc en avant, attendant l'impact avec le seul. Vous en avez l'habitude, vous savez être très malchanceux. La seule crotte de chien à Venise ne peut que vous attendre pour l'atterrissage. C'est toujours comme ça.
Mais pas aujourd'hui. Vous êtes tombée contre le torse d'une jeune femme belle, élégante, droite. Le vent semble avoir tourné, c'est une bourrasque de bonheur qui vous tend le torse de cette femme. Vous pensiez n'être émoustillée que par les hommes mais cette poitrine vous rassure et ce regard prévenant vous charme. L'impact avait décoiffé cette femme et quelques mèches vertes caressent votre joue.
«Tout va bien ?» demande-t-elle, doucement d'une voix suave. Mais son aura vous paralyse et vous restez muette. Sûrement pour vous rassurer, elle vous caresse délicatement les cheveux, ce qui vous fait bénir le jour où vous avez choisi l'italien en deuxième langue vivante. «Une fois, je suis tombée dans les bras d'Helium. Il n'a pas réagi.» Instinctivement, quand vous ne savez pas quoi dire, vous dîtes des blagues mais vous ne savez pas comment dire «helium» en italien alors vous priez pour que ce soit le même mot, et vous priez pour que la femme ait compris la blague, et vous priez pour que les sabliers se bloquent, que les aiguilles se figent. Malheureusement, l'astre continue sa course et la femme attrape vos épaule avec ses mains pour vous éloigner un peu. De cet angle, vous pouvez voir que son haut est un agglomérat de cravates bleues cousues entre elles. Elles formaient un décolleté (vous luttez contre vos yeux pour ne pas trop le regarder) fendu en deux par une cravate rouge portée normalement. Vous voyez aussi mieux les traits élégants la femme qui vous regarde et sourit tendrement. «Je connaissais déjà cette blague.»

II

Vous somnolez. Votre tête est penchée à gauche, sur l'épaule de la femme. Son bras entoure votre corps, le préservant de toute forme de peur. Les mouvements de sa main suivent ceux du berceau qui vous tient toutes les deux sur les canaux. «Quelle joie de t'avoir rattrapée, hier.» vous dit-elle. «Oui.» lui répondez-vous simplement. Vous sentez sa main poser quelque chose dans vos cheveux : c'est une fleur. «C'est terriblement cliché mais je trouve ça mignon.» vous dit-elle, gênée. «C'est parfait, j'adore les clichés !» criez-vous pour la rassurer. «Tu es trop mignonne.» vous dit-elle, vous serrant contre elle. Vous vous laissez faire, heureuse d'avoir à nouveau votre tête plongée dans sa poitrine. Mais sa main vient chercher votre menton pour le relever. Vous rougissez, paniquant intérieurement grâce à la proximité de son visage avec le vôtre mais vous savez déjà ce qui va suivre. Elle va délicatement poser ses lèvres, vous caresser la joue, vous amener chez elle après la balade en gondole, se déshabiller, vous déshabiller, vous prendre votre virginité et vous ramener à l'hôtel. Vous aviez raison, elle a fait tout ça.

III

C'est le dernier jour du voyage scolaire. Vous allez devoir laisser cette femme à Venise, retourner à une vie de malchance à Amiens. Mais vous êtes déterminée. Aujourd'hui, vous êtes déterminée à trouver un moyen de la recontacter ou au moins à apprendre son nom. Vous la retrouvez là où vous lui êtes tombée dans les bras, comme convenu. Ses joues sont trempées, les vôtres aussi. Vous comprenez que vous ne pouvez pas lui demander son nom, que cela détruirait les fondements de votre relation, de cet amour censé rester éphémère et pourtant éternel de par sa conclusion en accord avec toute son existence. «Tiens... Prends ça...» vous dit-elle sombrement, vous tendant une cravate. Silencieuse, vous l'acceptez et la mettez autour du cou. «Adieu.» lui dîtes-vous. «Adieu.» vous répond-elle. Cette femme anonyme était comme irréelle. Sa présence dans votre cœur était démesurée par rapport à sa présence dans votre vie. Vous croyez rêver. Et comme pour vous confirmer que ce n'est pas réel, vous la voyez s'éloigner en marchand sur l'eau. Votre tête tourne, vous vous écroulez par terre. A votre réveil, il n'y avait ni cravate ni personne. Vous êtes seule, sans rien. Mais vous vivez malgré ce rien et vous devez continuer à vivre en considérant cette histoire comme ce qu'elle est : rien.




(Ce one shot est l'origine de Jeda. Je veux dire que c'était la première fois que j'écrivais sur ce personnage et que j'ai donc du l'adapter pour Mawario. Déjà, dans Mawario, Jeda utilise l'impulsion et pas l'onde. Et il est italien. Et il est une femme. Oui, ça fait un certain nombre de différences mais... Si, si c'est à peu près le même personnage.)

Les Anecdotes de MawarioOù les histoires vivent. Découvrez maintenant