MILA - Tome 1 : Les vérités cachées

Chapitre 1 - Mila

Trouver Connor, lui demander les clés de sa voiture et fuir cette soirée mondaine où je ne me sens pas du tout à l'aise. La mission peut paraître simple, mais c'est sans compter sur la maîtresse de soirée, accessoirement ma génitrice, qui cherche à me coincer depuis que je suis arrivée une heure plus tôt. Il y a quelques minutes, alors que je me trouvais avec mon père près de la table où sont posés les petits fours, elle a profité de mon inattention pour tenter de m'hameçonner. Heureusement, j'ai réussi à m'éclipser avant qu'elle ait pu faire ou dire quoi que ce soit pour me retenir. Je la connais par cœur. Une fois que nous sommes pris dans ses filets, il est dur, voire impossible, de s'en échapper.

Cette fuite précipitée m'a conduite droit vers les toilettes pour dames où j'attends avec impatience le message de Dixie qui me permettra de quitter cette réception la conscience tranquille. Je suis une grande fille, j'aimerais décider de partir maintenant mais je ne peux pas, et cela pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, c'est que, avec le froid polaire qui règne dans les rues de la ville en cette fin de février, je ne veux pas risquer la perte de quelques orteils en attendant la venue de ma meilleure amie. Il est vrai que je pourrais patienter dans le hall mais le courant d'air qui s'y engouffre est terrible et, comme je suis du genre plutôt frileuse, ma veste en laine, plus jolie qu'épaisse, ne suffirait pas à me tenir chaud.

Ensuite, même si j'y crois de moins en moins, je dois mettre la main sur mon frère pour essayer de lui soutirer les clés de son bolide tout confort, ce qui nous éviterait, à Dixie et moi, de devoir courir dans les couloirs bondés du métro en ce vendredi soir. Je cherche Connor depuis mon arrivée et, malgré mes appels répétés, cet idiot ne daigne pas répondre à son téléphone alors qu'il est presque greffé dans sa main. Mon frère est si accro que, bien souvent, il est contraint de recharger son portable plusieurs fois dans la même journée. Pourtant, parvenir à le joindre à la première tentative relève du miracle.

Cela mène directement à la raison suivante : si, en recherchant mon frère, je tombe sur ma mère, elle va vouloir me traîner jusqu'à Joshua, le petit dernier de la famille Thompson, aussi connue comme étant l'une des familles les plus prospères de la ville après avoir fait fortune dans l'immobilier. En toute honnêteté, Joshua est loin d'être désagréable et il est plutôt mignon avec ses cheveux blonds coupés court et ses grands yeux verts expressifs. Le connaissant depuis de nombreuses années maintenant, je dois bien avouer que sa compagnie n'est pas aussi déplaisante qu'on pourrait l'imaginer en voyant la famille snob dont il est issu. J'ai beau l'apprécier, je ne le vois que comme un ami. Il n'est rien de plus à mes yeux et jamais, ô grand jamais, je n'ai dans mes projets de devenir sa petite amie comme ma mère le désire tant. Elle est si obsédée par cette idée que je suis convaincue qu'elle prie secrètement pour qu'on se marie un jour. Vraiment, pas un mois ne passe sans qu'elle essaie de nous rapprocher, mais jusqu'à aujourd'hui, toutes ses tentatives se sont soldées par de cuisants échecs.

Enfin, la dernière des raisons, la plus alambiquée de toutes, c'est que, malgré mon aversion pour les soirées réunissant tout le gratin de Manhattan et ma folle envie de quitter cet endroit à grands pas, une partie de moi se sent coupable de lâcher ma famille, et notamment ma mère, lors d'un événement aussi important à ses yeux. Contrairement à ce que l'on peut croire, un gala de charité n'est pas seulement synonyme de bulles de champagne, de verrines aussi multicolores et esthétiques que des œuvres d'art et de chèques avec plein de zéros. Tout ça, ce n'est que la partie émergée de l'iceberg. Un gala c'est aussi une organisation millimétrée qui a demandé des centaines d'heures de travail et des nuits complètes passées à régler les imprévus. Ces derniers jours, ma mère était une telle montagne de stress qu'il était tout simplement préférable de ne pas lui adresser la parole. Sans exagérer, à la moindre contrariété, elle se serait transformée en geyser de Yellowstone.