Chapitre 1

19 3 4
                                    

Le souffle de l'homme s'accéléra lorsqu'elle resserra son emprise. Il aurait voulu crier, la supplier d'arrêter ; n'importe quoi qui aurait pu mettre fin à son calvaire. Mais la main de sa ravisseuse, fermement posée sur ses lèvres, l'empêchait d'exprimer la douleur qui irradiait son être. Il la sentait, près de lui, prête à tout pour arriver à ses fins. Elle ne reculait devant rien pour pénétrer sa personne, quitte à briser au passage l'amour propre et la fierté de l'homme. Son corps tout entier se contractait pour faire face aux nouveaux assauts, ne laissant aucune ouverture à sa tortionnaire. Il avait mal, mais en ce moment précis, les larmes qui coulaient sur son visage étaient moins l'expression d'une souffrance, que celle de la honte et de la peur. Qu'avait-il bien pu faire pour se retrouver ainsi, sous le joug et la cruauté de cette femme ?

Ligoté à la chaise qui soutenait son corps, Hygs sentait les liens de chanvre lacérer sa peau endolorie. De ses poignets, comprimés par la corde, suintait un liquide écarlate. Pourtant, cette douleur paraissait bien dérisoire en comparaison de ce que sa tortionnaire lui faisait subir. La femme l'avait assommé à la sortie de sa maison et il s'était réveillé dans cet état, ficelé à un siège. Depuis, elle s'était acharnée sur lui, pénétrant son esprit à la recherche d'un secret que lui-même ignorait. Elle n'avait pas ouvert la bouche une seule fois. Elle n'en avait pas besoin. Le Souffle s'activait pour elle et Hygs ne savait même pas ce qu'elle recherchait à l'intérieur de sa tête. La seule certitude à laquelle l'homme pouvait se rattacher était qu'elle avait besoin de lui vivant. Dans le cas contraire, il serait déjà mort depuis longtemps.

Hygs était un Ceurvan(1) affecté à la sécurité du château royal. Il recevait donc ses ordres d'un général des armées qui détenait lui-même les siens du roi en personne. L'homme jouissait d'un rang assez élevé dans la hiérarchie, mais tout de même pas assez pour avoir une quelconque valeur aux yeux du monarque. Si l'objectif de cette femme était d'obtenir des informations sur les habitudes du souverain rexivien, elle allait être déçue. Le soldat n'avait que rarement rencontré la famille royale, et le peu qu'il connaissait à son sujet ne lui donnait pas envie d'en savoir plus. Le roi Artis III était surnommé l'Impétueux, en rapport à la fougue et l'exigence dont il faisait preuve pour diriger son royaume. Cependant, suite à l'assassinat de sa femme, quatre ans auparavant, la vie du monarque avait été complètement bouleversée. Il était devenu colérique et capricieux, perdant toute autorité sur son fils. Et ce dernier en profitait donc pour coucher avec toutes les femmes qu'il rencontrait. À bien y penser, même les amantes du prince devaient sûrement en savoir plus sur le roi que Hygs.

Dans un mouvement furtif, la femme approcha son visage de celui du Ceurvan. Penchée sur son otage, elle avait pris appui sur les jambes de l'homme, l'obligeant à supporter l'ensemble de son poids. Et de ses pupilles vertes, elle le forçait à soutenir son regard envoûtant. Toutefois, emportée par le déplacement de la tortionnaire, une mèche s'était détachée de sa chevelure, pour venir troubler le silencieux échange oculaire. Les cheveux rebelles brillaient d'une teinte écarlate dans la pénombre de la pièce, mais la femme ne sembla pas y prêter attention. Pour Hygs par contre, les détails de la pilosité de sa ravisseuse avaient leur importance. Dans l'incompréhension et la surprise de se réveiller en pareille situation, il n'avait pas tout de suite reconnu la femme. Pourtant, tout paraissait bien plus clair à présent. Même s'il ne l'avait jamais rencontrée personnellement, elle correspondait totalement à la description qu'on l'en lui avait faite. Une sorcière aux yeux d'émeraudes et à la crinière de feu. Sans compter, qu'elle possédait de solides compétences en enlèvement. Et pour ce qui était de l'assassinat, Hygs ne doutait pas une seconde de sa capacité à le réduire définitivement au silence.

- Vous n'êtes peut-être pas aussi incompétent que je le pensais, finalement. Mais que comptez-vous faire maintenant que vous savez qui je suis ?

Les DesAstreux - Tome 2 : La Révolution FéminineOù les histoires vivent. Découvrez maintenant