Oublie-moi

Prologue

1402

La nuit était tombée depuis un bon moment maintenant. Une tempête commençait à se rapprocher dangereusement. Exténuée, je m'arrête un instant dans ma course.

Dos à cet homme qui m'a fait renaître, je me sens obligée de me défendre.

-    Tu ne me donnes pas l'impression de comprendre réellement les dangers qui peuvent arriver si je reste ici ! Il faut que je parte. S'il te plaît, ne commence pas à n'en faire qu'à ta tête. Ce n'est pas le moment !

-    C'est toi qui ne comprends pas. Si tu pars, seule de surcroît, nous serons finis, tous les deux. C'est trop tard maintenant, beaucoup trop de personnes sont mortes, ça doit maintenant cesser.

Des frissons me parcourent le corps de part en part. Il ne sait pas tout et cela me rassure presque. Je mets ma fierté de côté quelques secondes, les épaules tremblantes, je lui dis :

-    Tu as encore une chance de survivre.

Je sens ma colère remonter petit à petit et je souffle, pleine de remords.

-    Je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit. Peux-tu le comprendre au moins ?

Mes mains se mettent à bouillir, je tremble, l'orage se met à gronder un peu plus fort. Il faut que je me calme, évitons tout dégât... De toute façon, je n'ai presque plus de forces... Concentre-toi, garde le contrôle. Il me prend la main et je me calme du mieux que je peux. Je continue :

-    Si elle te trouve, tout ceci n'aura servi à rien.

-    Écoute-moi. Me dit-il calmement. Je sais parfaitement ce que tu essaies de faire. Mais je t'ai fait une promesse. Laisse-moi-la tenir jusqu'au bout. J'ai cherché et j'ai essayé de trouver une solution de mon côté. Il fait une pause et continue.
- Je sais que tu ne voulais pas que je m'immisce dans cette histoire. Il hausse le ton, il se contient, mais je sens qu'il a du mal.
- Je n'ai trouvé aucune échappatoire, je suis le principal intéressé, non ? Laisse-moi t'aider.

-    Je sais, et c'est justement pour cette raison que nous sommes dans cette impasse. On ne trouvera rien ici.

Je fuis volontairement sa dernière requête, et j'amène mes mains à mon visage pour y essuyer les larmes qui s'y déversent. Je suis à bout d'haleine, je lui fais face. Il laisse s'échapper quelques secondes pour inspirer profondément avant de me dire.

-    Sans toi, je ne suis plus rien... Je le sais maintenant, je n'étais rien avant toi. Essaie de faire un effort pour me comprendre, s'il te plaît. Je sais que c'est dur pour toi. Ça l'est pour moi aussi. Il a fallu du temps pour qu'on en arrive là où l'on en est maintenant. Mais nous y sommes. Alors, ne laissons pas cette affaire tout mettre à sac.

Il tique, je sais que c'est dur pour lui de m'avouer ce fait. Mon bien-aimé... Il est devenu bien plus fort qu'avant. Je ne peux pas la laisser te prendre à moi. Il dégage les cheveux de mon visage qui s'y sont collés maladroitement à cause de la pluie. Elle nous tombe dessus depuis un long moment déjà. Il met une de mes mèches bouclées derrière mon oreille.

Sa main se fraie un passage vers ma joue et, délicatement, il la caresse. Elle est chaude et douce. Comme toujours, comme lui. L'exact opposé du temps qui nous tombe dessus. Il sait que cela me détend et que je perds trop vite patience, sans sa présence je perdrais pied. C'est sûr. Tu es ma raison de vivre... Me dis-je, pour moi-même. J'inspire profondément et je profite de chaque seconde de cet instant qui n'appartient qu'à nous.