Chapitre 1

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Quelques jours auparavant...

Joanna cliqua sur le nom de la patiente et vérifia sur l'écran du portable que tous les médicaments qu'elle avait préparés étaient les bons.

Dans cette unité de médecine gériatrique, la moyenne d'âge des patients dépassait allégrement les quatre-vingts ans. De ce fait, les patients avaient généralement une quantité impressionnante de médicaments à prendre chaque jour... Et parfois, il arrivait à la jeune femme de s'interroger sur cette débauche médicamenteuse. Elle adorait son métier d'infirmière, et chaque jour, elle remettait sa pratique, et se remettait elle-même, en question.

Cela faisait six ans qu'elle était infirmière, et plus de quatre ans qu'elle travaillait dans ce service. Elle se sentait bien auprès des personnes âgées, et adorait travailler dans cette unité. Et cela, même s'il fallait avouer par ailleurs, que la charge de travail y était conséquente. Entre la distribution des médicaments, la surveillance des constantes, les soins d'hygiène, la préparation des patients pour les différents examens, les soins spécifiques, la visite avec les médecins, et entre autres, l'accueil des nouveaux patients et des familles, la prise des rendez-vous... Les moments d'accalmie étaient rares, pour ne pas dire inexistants...

Elle arrivait dans le service bien avant six heures trente et en sortait vers dix-neuf heures trente. Et en quatre ans, les occasions de prendre sa pause du matin, et de s'asseoir plus de cinq minutes pour prendre un café et grignoter vivement quelque chose avant midi, avaient été extrêmement rares. Mais, en fait, elle aimait cela. Elle passait un maximum de temps auprès des patients, et essayait d'être à leur écoute. À cet âge, c'était surtout d'une oreille attentive, dont la plupart avaient besoin.

Oh, bien sûr, tout n'était pas rose ! Loin de là ! Par exemple, le changement d'horaire en douze heures avait été pénible les premiers mois. Mais on finit par s'habituer à tout... et elle était bien placée pour le savoir. Et finalement, à bien y réfléchir, maintenant, ces horaires lui allaient parfaitement.

Joanna verrouilla les portes de son chariot à médicaments. Et après avoir frappé à la porte, un sourire aux lèvres, elle pénétra dans la chambre individuelle de la patiente.

— Bonjour, Madame Laverdi, dit-elle avec entrain, comment allez-vous ce matin ?

Allongée dans le lit à commande électrique, la femme eut un sourire qui illumina son visage. Elle avait pourtant l'air terriblement fatiguée et avait le teint cireux, nota mentalement Joanna. Elle avait à peine soixante-quinze ans. Ce qui était relativement jeune par rapport à la moyenne d'âge des patients hospitalisés dans le service.

Cependant, aujourd'hui, elle paraissait bien dix ans de plus que son âge. Son visage ridé, entouré de très courtes boucles blanches, restait malgré tout avenant. Les pattes d'oies très profondes aux coins de ses yeux bleus étonnamment vifs et pétillants, laissaient à penser qu'elle devait sourire très souvent, ce qui était, évidemment le cas. D'ailleurs, Joanna admirait cette patiente. Quelques jours plus tôt, les médecins du dispositif d'annonce avaient eu la terrible mission d'expliquer à Madame Laverdi que son cancer récemment découvert était malheureusement incurable. Et malgré cette épreuve qui en aurait laissé plus d'un, atterré et abasourdi, Marguerite Laverdi restait toujours souriante et polie avec le personnel.

Face à une telle annonce, Joanna avait bien souvent eu l'occasion de voir des patients perdre totalement pied, d'autres entrer en phase de déni, et d'autres encore, devenir extrêmement agressifs. Souvent, face à ces derniers, afin de prendre sur soi et de garder sa maîtrise – ce qui s'avérait terriblement compliqué dans certains cas – Joanna s'efforçait de se demander comment elle-même aurait réagi face à un pronostic aussi dévastateur et définitif.

Une bouleversante rencontreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant