Le ciel était d'un bleu pastel étincelant, et plus ils prenaient de l'altitude, plus le bleu éclatant se transformait en une couleur sombre, sans fond. Isommée fixait l'immensité glaciale au-travers du plafond de verre. Autour d'elle, le brouhaha général des passagers et de l'équipage ne l'atteignait pas. Elle ignorait délibérément ceux qui décrivaient le paysage en contrebas, ou les voix lointaines de ses parents qui contemplaient la taille minuscule de leur maison vu d'ici.
Seul le ciel comptait. La tête renversée en arrière, ses cheveux roux qui rebiquaient, tombant dans sa nuque et son dos, et ses yeux gris qui fixaient l'immensité bleue.
Elle avait fait ses adieux, regardé une dernière fois sa maison et sa terre natale, puis elle avait définitivement détourné le regard. Elle savait qu'elle ne reviendrait pas. Elle en était certaine, et cela la rongeait de l'intérieur.
Elle n'était pas prête. À vrai dire, elle était même à l'opposé d'être prête. Elle ne voulait pas y aller. Elle ne voulait pas quitter sa vie, ses parents, l'école et ses amis. Elle avait regardé sa mère fermer la porte, sans la voir. Elle avait emprunté le chemin jusqu'au ponton des dirigeables, sans s'en rendre compte.
Ce matin-même, Isommée ne pensait pas devoir monter dans un dirigeable avant un moment. Elle n'arrivait même pas à concevoir que ce trajet-là puisse être son baptême de l'air.
« Le chemin jusqu'à Kyranne est long, avait dit son père, et malheureusement, nous n'avons que très peu de temps. Le seul moyen est le dirigeable. »
En temps normal, Isommée lui aurait demandé pourquoi le temps leur était compté. Mais cette fois-ci, elle avait décidé de ne pas vouloir savoir.
Une colère sourde et inexplicable l'envahit soudainement. Pourquoi ? Pourquoi devoir partir ? Pourquoi devoir changer quand tout allait bien ? Ouvrir une boutique dans les petites rues commerçantes de Sombrice, était-ce trop demandé ? Qui est ce que cela pourrait gêner ? Renoncer au bonheur de son métier pour un monde juste, qui après tout, ne l'était peut-être pas, c'était ça, la volonté de Kyranne ?
Elle ferma les yeux quelques instants, avec pour dernière vision le bleu de l'Univers. Non, ce n'était pas ce qu'elle voulait. Elle ne voulait pas partir, mais au fond d'elle-même, elle savait aussi qu'elle ne voulait pas devenir vendeuse à Sombrice. Elle voulait faire de belles études pour réaliser ses rêves, même si ce n'était pas ses rêves actuels.
Les gens autour d'elle regardèrent pendant longtemps les terres et la mer turquoise, inatteignable, devenir de plus en plus petits. Isommée fixait l'Univers bleu qui ne cessait de grandir au-dessus d'elle. Ils restaient attachés au passé, elle préférait se tourner vers l'avenir, même si c'était un avenir incertain, qu'elle ne choisirait pas.
Le voyage en dirigeable fut long, très long, et Isommée ne parvenait pas à l'apprécier. Elle resta assise par terre, contre une paroi de l'impressionnante machine, à fixer le ciel bleu autour d'elle. Elle gardait un regard de marbre, mais son cerveau était en ébullition. Elle pensait à tout et à n'importe quoi, au futur, au passé, à la peur, au stress qui montait, à l'inconnu.
Mais sa respiration était lente. Elle avait un sang-froid inhumain, et même lorsque le stress prenait le pouvoir et devenait le maître des lieux, sa respiration gardait son éternelle lenteur.
Au loin, le Soleil déclinait à l'horizon, éclairant les îlots de terres vertes de ses derniers rayons chatoyants. Au-travers du plafond de verre, Isommée ne voyait pas encore les premières étoiles, mais elle savait que cela ne tarderait pas.
- Tu sais, Kyranne est un très bel endroit, lui dit son père en s'asseyant à ses côtés.
Kyranne, la capitale était l'îlot central. Il y a quelques centaines d'années, lorsqu'un astéroïde frappa la Terre de plein fouet, seul quelques dizaines de personnes parvinrent à s'échapper avant le choc. Ils rejoignirent les morceaux de roche qui entrèrent en orbite autour de la planète bleue, et reconstruisirent leur vie à cet endroit.
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Il était un concours...
RandomVoici le texte pour le concours du raton-laveur, de @Oladow :)