Traqueur [Début disponible seulement]

Chapitre 4 : Mensonge

Le capitaine était un homme d'une cinquantaine d'années à la forte carrure, vêtu sobrement d'une chemise couleur crème et d'un pantalon noir. Malgré cette simplicité, tout dans son attitude dénotait le dirigeant. Son seul regard imposait le respect et sa prestance incitait à l'obéissance. Ansfried était fier d'avoir échangé son insigne de simple fer, contre celui d'azur, lors de la cérémonie. Mais son supérieur, lui, portait l'écusson d'argent, couleur symbolisant ses actes de bravoure. On murmurait que jamais personne ne l'avait battu en duel. Il était le chef d'une des plus importantes guildes du royaume et nul ne risquait de l'oublier en sa présence.

La pièce où il accueillit les deux jeunes Traqueurs était meublée d'un large bureau de bois massif qui trônait en son centre, flanqué d'imposants fauteuils. Une bibliothèque courait sur chacun des murs, donnant un aspect étouffant à l'endroit. Ireda laissa glisser son regard sur les ouvrages, intéressée, tandis qu'Ansfried acceptait le siège qu'on lui désignait. La jeune fille le rejoignit un instant plus tard.

- Je sais que ce n'est pas commun, commença le capitaine en se levant pour prendre une carte et l'étaler sur son bureau. Mais votre première mission débutera dès demain.

Ainsi, c'était donc vrai ! Ansfried jeta un regard à sa partenaire, mais elle resta impassible. Elle paraissait attentive. Peut-être n'en savait-elle pas tellement plus. Le capitaine poursuivait déjà d'une voix égale :

- C'est plus tôt qu'à l'accoutumée, il est vrai. Cependant, vous partirez vers la Croix, vous n'aurez donc pas besoin de beaucoup de préparation car, comme on vous l'a sans doute appris, il s'agit de la zone la plus sûre de la frontière.

En effet. Ansfried savait que cet endroit n'était gardé que par principe car, de l'autre côté, les soliens, le peuple ennemi, se faisaient rares. Les contrebandiers n'étaient pas davantage menaçants car il n'y avait tout simplement rien à monnayer sur ces terres. Malgré tout, le trajet pour rejoindre la Croix n'était pas, lui, sans danger. De l'avis du jeune homme, un bon repérage aurait été nécessaire avant de partir.

- Il faut traverser les plaines venteuses, mon capitaine, se permit-il de faire remarquer en fronçant les sourcils.

Les runds rodaient, avides de viande, même humaine. Ces grands félins carnivores pouvaient mesurer deux mètres au garrot et même les Traqueurs bien entraînés les redoutaient. Quand on abordait ces territoires, mieux valait avancer vite et bien pour éviter d'y passer trop de nuits. Ce n'était pas une promenade pour deux débutants.

- Non, coupa le capitaine patiemment en désignant un point sur la carte. Vous passerez le long des collines, par la voie royale. Ce sera beaucoup plus long, mais plus sûr. Vous porterez une missive à la Croix : il n'est pas nécessaire de faire particulièrement vite, mais il faut que ce courrier arrive au campement principal. Aussi, prenez le temps qu'il vous faudra, mais restez sur cette route, ce sera plus prudent.

Ansfried retint un soupir de dépit. Il avait voulu devenir Traqueur pour protéger la frontière. Il était prêt à se battre pour cela et avait suivi, comme les autres, un entrainement d'élite. Et, à présent, on l'envoyait se promener pour jouer les coursiers ! Ce rôle ne faisait pas partie de ses attributions !

Ireda, de son côté, était restée impassible, se contentant d'observer la carte avec attention. Tous les apprentis connaissaient ce chemin : c'était là que leurs mentors les emmenaient sur les routes pour la première fois. Ils apprenaient à bivouaquer sans risquer la rencontre de brigands ou de bêtes féroces. Ils côtoyaient les marchands et, en cas d'ennui, ce qui était peu probable, les patrouilles de la milice royale n'étaient jamais loin.

- Soyez prêts demain, à l'aube, conclut le capitaine.

Il n'avait pas pour habitude que l'on discute ses directives. Ireda salua et sortit sans un mot. Son partenaire allait faire de même lorsque le capitaine le rappela à mi-voix :