Chapitre 2 : Ireda

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La soirée se poursuivit dans la salle, où boissons et plats avaient été servis dans la bonne humeur. Les Traqueurs, qui savaient jouer d'un instrument, improvisèrent les danses à la mode dans un brouhaha bon enfant. Ansfried avait vu son jeune frère s'éloigner au bras d'une cavalière, mais lui-même était peu à l'aise dans ce genre d'exercice. De son côté, Ireda avait posé son lourd casque et dansait avec une légèreté qui témoignait d'un réel apprentissage de demoiselle de bonne famille.

Le jeune homme prenait à peine conscience de la nouvelle vie qu'il allait désormais mener. Il était à présent son seul maître. Un maître bien exigeant qui cherchait sans cesse la perfection. Mais la sensation restait grisante. 

- Ça y est, gamin ! Enfin dans la cour des grands !

Luk beuglait, aussi bien pour se faire entendre que parce qu'il avait déjà un peu abusé de la boisson. Il loucha sur le verre de jus de fruits d'Ansfried mais, avant qu'il ne puisse se moquer de ce choix trop raisonnable à son goût, le nouveau Traqueur enchaîna :

- Tu n'imagines pas comme je suis heureux !

- Ça se voit à ta bouille ! Tes p'tits yeux brillent comme pas possible ! A moins que ce soit ta jolie partenaire qui t'inspire !

Ansfried préféra ne pas relever, tant la remarque lui paraissait incongrue. Quand il voyait Luk ainsi éméché, il ne pouvait que se féliciter de ses propres choix. Et puis, le lendemain, fête ou non, il comptait bien se lever à l'aube pour s'entraîner. La perfection ne tolérait pas que l'on déroge à une organisation strictement établie.

- Toutes mes félicitations, Ansfried ! 

L'interpellé sourit poliment à ses parents adoptifs, sans s'étonner de ces mots si conventionnels. Il n'avait jamais été très proche d'eux et sans doute ce sentiment était-il réciproque. S'ils s'étaient toujours occupés de son frère et lui pour subvenir à leurs besoins vitaux, aucun véritable amour ne s'était développé entre eux. Pire, aux yeux du jeune homme, sa mère et son père adoptifs se contentaient de faire leur travail sans aucun zèle, avec une médiocrité décevante. Jamais ils n'avaient pu se hisser à la hauteur du souvenir des parents défunts du petit garçon. Qu'ils lui rabâchent, sans cesse, combien la puissance de la reine était grande, ne compensait pas leur insuffisance au combat.

- Je le savais, qu'il était prometteur, cet enfant ! s'exclama dans son dos une voix chaleureuse.

Ansfried se retourna pour voir ses mentors qui se frayaient un chemin jusqu'à lui. Ceux qu'il avait accompagnés sur les routes durant son apprentissage affichaient un sourire fier. Il le leur rendit de bonne grâce :

- Merci ! C'est grâce à vous, que j'en suis là !

Pour être honnête, il ne les avait pas non plus trouvés assez perfectionnistes dans leur métier. Mais le jeune Traqueur se demandait s'il n'était pas tout simplement trop exigeant avec lui-même, comme avec les autres. Il chassa rapidement cette idée stupide et accepta de nouvelles félicitations, tout de même un peu gêné par tant d'attention. La plupart des Traqueurs venaient lui souhaiter la bienvenue officiellement dans la guilde, même s'ils le connaissaient parfois depuis sa tendre enfance.

Ansfried bavarda ensuite un moment avec Victorina et Nikalad. Préoccupé par son nouveau statut, il ne les écoutait que d'une oreille distraite. Ses camarades étaient ravis de se retrouver ensemble et avaient hâte de recevoir leur première mission pour partir sur les chemins. Ansfried aussi, même s'il anticipait davantage sa relation avec Ireda qui ne lui avait plus adressé la parole de la soirée. Il fut donc surpris, lorsqu'il fut parmi les premiers à quitter les lieux, qu'elle lui emboîte le pas à l'extérieur.

Traqueur [Début disponible seulement]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant