<< T'es sûr que c'est ici ? >>, lança Anaël, essayant de paraître le moins anxieux possible.
Dan soupira, indiquant pour la troisième fois avec son index le numéro de la chambre d'hôpital de leur ami, écrit noir sur blanc en capital sur la porte.
<< Chambre 2>>, dit-il pour appuyer son propos.
Anaël ouvrit légèrement la bouche, mais s'abstint. Un silence de mort régna sur le petit groupe, lorsqu'il la rouvrit pour se justifier à sa manière :
<< C'est juste que j'ai pas envie de trouver un vieux avec un cancer en phase terminale alors que je suis venu voir mon pote...>>
Personne ne rit.
Même pas Ethel, qui était silencieuse depuis le début du trajet jusqu'à l'hôpital.
Même pas Anaël lui-même, qui était pourtant du genre à s'esclaffer de ses propres vannes.Chacun était inquiet. Chacun le manifestait de façons différentes.
Dan ne donnait plus aucune réflexion digne d'un intello du français qui faisait déjà philo avant l'heure. Il était simplement silencieux. Il refusait de laisser paraître ses émotions.
Anaël arborait ce petit air nerveux qu'on a déjà tous eu, et semblait avoir pour une fois du mal à tenir complètement ses doigts sur ses fines béquilles, comme s'ils avaient une conscience propre et désiraient absolument lâcher prise.
Ethel avait le regard perdu dans le vide. Comme si son corps était là, bien présent, mais son âme, lointaine, lointaine, dans des contrées auxquelles elle seule pouvait avoir accès, des contrées construites petits bouts par petits bouts avec les souvenirs qu'elle avait, les angoisses qu'elle dissimulait sous un beau sourire auquel il manquait une dent.
Oni avait disparu depuis hier, et, même si personne ne voulait l'admettre dans le groupe, était l'un des plus probables candidats qui pouvaient être le gamin retrouvé mort dont tout le monde parlait (il était encore trop tôt pour que des photos du corps soient diffusées et que tous les parents des alentours soient interrogés).
Eden était hospitalisé et avait apparemment fait de violentes crises d'angoisse pendant la nuit.Deux pièces de leur amitié collective étaient endommagées.
Et elles avaient le potentiel pour ne jamais se réparer.Ses deux amis n'étant pas très bavards dans l'instant, Anaël se décida à prendre la parole.
<< Alors...? On entre ?>>
Dan hocha la tête, et, pour la première fois depuis le départ, Ethel réagit enfin. Elle murmura un simple "oui" et hocha la tête. Ce n'était pas les "Allons-y !!" enjoués habituels de la jeune fille, mais c'était déjà mieux que rien, supposa Anaël en son fort intérieur.
Dan ouvrit la porte non sans un peu de réticence. Ethel n'osait pas regarder la salle, comme si cette salle représentait toutes ces émotions qu'elle voulait fuir depuis si longtemps. Anaël quant à lui, guettait la moindre parcelle de la salle qui s'offraient à eux.
Et, lorsque la porte fut complètement ouverte, la seule chose qu'ils trouvèrent fut Eden, allongé sur un lit d'hôpital, son regard bleuté perdu dans le vide.
Le vide le plus complet.
Comme si l'esprit lointain d'Ethel avait soudainement prit sa place.
Dan regarda les autres tour à tour et se décida à faire un pas dans la pièce. Puis l'autre. Puis l'autre. Puis de nouveau l'autre. Et il se retrouva à l'intérieur.
Il n'y avait pas la belle-mère d'Ethel. Il n'y avait pas de monstre représentant toutes leurs angoisses, pas d'image gore, rien de tout cela.
Il y avait Eden en train de fixer le vide. Ses yeux avaient comme aspiré ce vide.
Et en un sens...
Cette image était plus cauchemardesque que la moindre de bribe de leur passé ou de leur futur.
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Stay
General FictionCette histoire ? Oh, une histoire comme les autres. Simplement l'histoire de quatre enfants portant le poids d'un meurtre sur leurs épaules. Rien de plus, ni de moins. Je suis désolé, je ne saurais la décrire autrement. __________ Petit disclaimer...