Ma suite

15 3 2
                                    

Lysistrata tisse, attendant son mari. Comme elle l'a tantôt conseillé à ses amies, elle se tient plus belle et attirante que jamais.

AGESILAS : Ma douce épouse, que tu m'as manqué, que tu es belle ! As-tu eu vent de mon retour pour t'apprêter ainsi ?

LYSISTRATA : Si fait mon cher époux. Je t'attendais.

Agesilas s'approche d'elle.

AGESILAS : Et pourquoi donc bel amour ?

LYSISTRATA : Cela me paraît évident. Je t'attendais pour t'accueillir comme il se doit, ainsi que toute bonne épouse devrait le faire.

AGESILAS, maintenant derrière elle, il pose une main sur son épaule : Qu'attends-tu alors pour remplir ton devoir d'épouse ?

LYSISTRATA : Quel devoir d'épouse ? Je t'ai attendu et t'ai souhaité la bienvenue, je ne vois pas ce que tu pourrais souhaiter de plus.

AGESILAS, sur un ton paternel : Allons... ne fais pas l'idiote. Bien que ces atours soient tout à ton honneur, il en existe d'autres qui te mettraient bien plus en valeur.

LYSISTRATA, se lève et lui tourne le dos, offensée : Avec tout le respect que je te dois, ruisselant de sueur et maculé de poussière comme tu es, je n'ai aucune envie de me dévêtir. Elle fait mine de bailler. Je suis épuisée de t'avoir attendu si tard, je m'en vais dormir.

AGESILAS, énervé : Tu oses ? Voilà des mois que je ne t'ai plus connue, et tu oses m'attendre ainsi apprêtée, pour ensuite me dire bonsoir et t'en aller te coucher ?

LYSISTRATA : Oui j'ose.

AGESILAS : Et pourquoi donc ? Parle femme, si tu ne veux que je te force à le faire !

LYSISTRATA : J'ose, mon cher mari, car cette guerre dure depuis trop longtemps. J'ose car je veux la paix. J'ose et les autres femmes de cette cité osent avec moi.

AGESILAS : Que veux-tu dire ?

LYSISTRATA : Je te pensais plus intelligent.

AGESILAS, l'attrape par le bras : Ne soit pas insolente. Qu'osez-vous donc faire, toi et les femmes de cette cité ?

LYSISTRATA : Nous nous abstiendrons de toute relation de chair avec les hommes, jusqu'à ce que la guerre cesse.

AGESILAS : Comment ? Il rit. Et tu penses que toutes les femmes vont suivre tes idées loufoques longtemps ? Je sais que tu es dans la même situation que moi, et toutes ses femmes aussi. Elles laisseront tomber, les unes après les autres. Trop désireuses de leurs maris. Tu finiras par abandonner, de ton plein gré, lorsqu'après des mois de guerre, je reviendrais en héros. Alors, ma douce, que la guerre continue ou non, tu voudras plus que me parler, tu voudras plus et tu cèderas.

LYSISTRATA : Je crain fort que tu nous sous-estimes, Agesilas.

AGESILAS : A oui ?

LYSISTRATA : Ah ça, oui. Un temps. Tu ne me crois pas ?

AGESILAS : Ma foi non ma tendre épouse, je ne te crois pas.

LYSISTRATA : Demain, à l'aube convoques donc tes compagnons, et interroges-les. Demande-leur comment s'est passée cette nuit. Comment se sont comportées leurs épouses. Ce qu'elles leur ont demandé. Tu verras qu'en des termes similaires aux miens, elles leur auront refusé ce que je te refuse.

AGESILAS : Nous verrons.

LYSISTRATA : Oui nous verrons, et alors vous convoquerez les magistrats et réclamerez la fin de la guerre.

AGESILAS : Tu crois ?

LYSISTRATA : Allons cesse de faire l'enfant, maintenant que tu as compris, j'aimerai dormir, où l'aube ne m'en laissera pas le temps.

Elle sort. Agesilas reste seul sur le plateau, le regard dans le vide.

AGESILAS, énervé : Les femmes sont perfides. Elles vous font miroiter monts et merveilles puis elles vous crachent leur venin à la figure. Un temps. Puis, plus calmement : Ah que ne ferais-je pour retrouver ma femme, douce et attentive à mon plaisir ! Ah... Il faut que la guerre cesse !

Il sort.

La suite inédite de Lysistrata, d'AristophaneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant