Le Meurtrier Du Diable

Prologue

« Tigre ! Tigre ! Feu et flamme
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main ou quel œil immortel,
Put façonner ton effroyable symétrie ?

Dans quels abîmes, quels cieux lointains
Brûla le feu de tes prunelles ?
Quelle aile osa y aspirer ?
Quelle main osa saisir ce feu ?

Quelle épaule, quel savoir-faire tordirent les fibres de ton cœur ?
Et quand ce cœur se mit à battre, quelle terrible main ?
Quels terribles pieds ?
Quel fut le marteau ? Quelle fut la chaîne ?

Dans quel brasier fut ton cerveau ?
Sur quelle enclume ?
Et quelle terrible étreinte
Osa enclore ses mortelles terreurs

Quand les étoiles jetèrent leurs lances
Et baignèrent le ciel de leurs larmes,
A-t-il souri à la vue de son œuvre ?
Celui qui fit l'Agneau, est-ce celui qui te fit ?

Tigre ! Tigre ! Feu et flamme
Dans les forêts de la nuit,
Quelle main, quel œil immortel
Osèrent façonner ton effroyable symétrie ? »

Le Tigre de William Blake traduit par A.Z. Foreman

Plus qu'un poème, cette versification était devenue sa prière quotidienne. Pour une première fois Cahen finissait de le réciter sans pour autant s'endormir. D'habitude il ne terminait jamais les dix premiers vers. Mais cette fois-ci sa nouvelle victime faisait trop de bruits. Il voulait attendre à son réveil pour terminer le travail mais les gémissements commençaient à vraiment l'énerver.

Il se leva donc, ouvrit sa boite à outils, et choisit avec délicatesse la lame qu'il allait utiliser. Il y en avait une centaine. Ceci fait, il descendit les marches une par une, en chuchotant les effrayants mots de Blake.

Plus elle l'entendait se rapprocher, plus sa victime éclatait en sanglots. Sa réputation avait dépassé l'outre-mer. Chacun savait que quiconque tombait entre les mains du DAP, le surnom que ce célèbre tueur en série s'était donné, ne reverrait plus jamais la lumière du jour. Il ne choisissait que les criminels les plus recherchés.

Ceux que la police avait perdu l'espoir de mettre derrière les barreaux à cause de leur pouvoir ou de leur influence, il les kidnappait et leur faisait subir une mort atroce. Ce soir-là il avait entre les mains, la femme la plus salope de la région. Malgré son jeune âge elle était à la tête de la plus grande et la plus organisée mafia de tout le continent.

Il n'était plus qu'à deux pas de la fille. Comme de coutume, avant de passer à l'acte, il prenait le soin de réciter pour sa proie son poème préféré. En même temps qu'il soufflait ces mots angoissants à l'oreille de sa victime, il déchirait délicatement ses habits, d'abord le haut, puis le dessous.

Il adorait ressentir cette peau humide de sueur contre la sienne, ces articulations qui claquaient de peur, tout en secouant ces deux boules de graisse au centre de sa poitrine. Il voulait qu'elle ressente toute la terreur que des milliers d'innocents avaient ressentie à cause d'elle.

Ayant passé des minutes et des minutes à la torturer, il décida de s'amuser un peu avec elle. Il enleva son pantalon de kaki rouge qu'il portait toujours en ces circonstances, puis la pénétra avec une violence extrême. Sa prisonnière n'en pouvait plus, cela faisait des heures qu'elle pleurait d'effroi, elle laissa échapper quelques gémissements au début puis se laissa faire.

Il lui tirait les cheveux en se permettant de la mettre dans les positions les plus mal aisées qui soient. Lorsque sa liqueur de vie arrosa les cuisses qui lui servaient de distraction, DAP se leva, enleva le bandeau qui recouvrait les yeux de sa victime et lui demanda de le fixer.

Veux-tu savoir pourquoi on m'appelle DAP et pourquoi je fais tout ça ? Demanda-t-il à la fille. Celle-ci secoua la tête de haut en bas en guise de réponse. Elle n'avait plus la force de parler, mais elle se disait qu'elle gagnerait du temps en laissant son bourreau jacasser, par chance quelqu'un pourrait peut-être voler à son secours.

Très bien, reprit-il en tournant autour d'elle, quand j'étais qu'un petit garçon, j'ai reçu la visite des anges et des prophètes. Tu sais ils ne sont pas comme on les imagine. Ils sont bien plus beaux et bien plus rayonnants. Ils ont fait de moi leur messager et m'ont nommé ainsi.

Ils m'ont doté de la plus haute des missions, débarrasser le monde des personnes immondes et ignobles comme vous. J'ai donc passé toute ma jeunesse à étudier la psychologie des meurtriers, à apprendre l'art du crime bien organisé, et le plus important, à essayer de savoir comment infiltrer n'importe quel système informatique qui soit.

J'ai désormais accès à toutes les informations en temps réel de la police, de la CIA et bien plus, ce qui explique comment j'ai pu t'avoir si facilement. Bref étant donné que tu es ma neuf-cent-quatre-vingt-dix-neuvième victime, je te fais l'honneur de te dévoiler là mes stratèges.

D'un côté je vous comprends. Vous êtes sous l'emprise d'une force qui vous dépasse et qui vous chuchote de faire toutes ces atrocités. Ce que je vous reproche tout de même c'est que vous avez la possibilité de refuser et de ne pas tomber sous la tentation, mais vous choisissez d'obéir au mal. Il fait de vous des tigres affamés de sang et de règne. Ne voyez-vous pas comme la vie de l'agneau est paisible et agréable ?

Me diras-tu sans doute qu'il est fragile et peut être dévoré à tout moment ! Ceci n'est vrai que s'il existe des prédateurs. S'il n'y a que des agneaux dans le monde, qui pourra déstabiliser la paix qui régnera ? Mon rôle est donc d'éliminer tous les tigres, ainsi la douceur des agneaux parfumera le monde.

Après son petit discours, digne d'un fou selon sa prisonnière, il lui remit le bandeau et scotcha sa bouche. Il l'étala sur sa table de travail, saisit sa lame, puis traça minutieusement une ligne joignant les deux extrémités de son cou. Il hurlait de plaisir pendant que sa victime criait de douleur. Il s'éloigna de deux pas d'elle, pour mieux voir le sang ruisselé sur la table.

Quel magnifique spectacle, murmura-t-il, je viens de débarrasser le monde d'une autre souillure. Et pourtant les gens ne me voient pas comme un héros. Ils me recherchent sans répit pour m'exécuter au lieu de me féliciter. Que j'aurais aimé un jour leur montrer mon vrai visage, comme ils seraient surpris !

Après avoir découpé le corps en petits morceaux et l'avoir broyé à l'aide d'une machine, il en nourrit ses chiens. Il prit le soin de nettoyer sa scène de crime, se doucha et put enfin fermer les yeux quelques heures avant le début de ses prières. Eh oui, il était DAP la nuit et le rabbin de la plus grande synagogue de la ville durant le jour.

Il se disait avant de s'endormir que ce sera sans doute la dernière prière qu'il allait diriger car les recherches qu'il menait depuis des années allaient bientôt tirer à leur fin. Il savait maintenant où trouver sa plus grande victime pour finalement pouvoir prendre sa retraite. Il avait comme ultime objectif, de débarrasser le monde du diable.