Chapitre III

33 3 0
                                    

Cahen arriva à Londres le soir. Il se disait, à la sortie de l’aéroport, qu’il ressentait encore plus d’ondes négatives que là d’où il venait. Dans l’avion, en apercevant le paysage, il regrettait un peu de n’avoir pas assez profité de cette magnifique création divine.

Il avait passé sa vie entière à combattre le mal, sans jamais faire de pause. Il se disait qu’il aurait pu avant de quitter la France, visiter entre autres la grotte et cascade de Seythenex, le domaine de Lindre, les mystères de Farges, la grotte de Clamouse, la dune de Pilat etc.

Cela lui aurait permis de mieux ressentir la présence de Dieu dans le monde le motivant encore plus à aller au bout de sa quête. Mais bon, lorsque j’en aurai fini, je passerai le reste de ma vie à profiter de tout ça, se rassura-t-il.  

Le lieu que lui avait indiqué le vieux se trouvait, d’après ses informations, à l’autre bout de la ville. Il s’installa comme d’habitude dans un hôtel en attendant le lendemain. Il n’arrêtait pas de se demander s’il oserait retourner à Paris au cas où le vieux se serait moqué de lui.

Il ne lui restait qu’à espérer qu’il était sur la bonne piste. Il se mit à repenser à son parcours, tous ces malfaiteurs qu’il avait réussis à éliminer. Il pensait que le monde s’en porterait mieux mais il s’était récemment rendu compte que son travail accompli jusque-là était comparable à une goutte d’eau prélevée de la mer, tellement insignifiant par rapport à ce qui restait.

Après des heures de route, il était maintenant devant la structure que lui indiquait l’adresse. C’était cette fois-ci une maison modeste mais avec au sommet de celle-ci, un dôme argenté. Ses murs étaient recouverts de motifs en damier en forme de bande menant jusqu’au dôme. Elle dégageait une énergie négative que l’on ressentait de loin.

Cahen se disait qu’il n’avait pas fait tout ce trajet pour s’arrêter là. Il irait au bout de sa quête qu’importent les dangers qu’elle comportait. Il  avança lentement vers la porte. Derrière celle-ci se trouvait un décor bien plus sinistre encore, huit piliers formant un octogone soutenaient le toit sur lequel se trouvait la représentation d’un œil.

Assis sur une chaise en bois, un vieillard qui ressemblait beaucoup à celui qu’il avait rencontré à Paris, le fixait sans cligner des yeux. Il avait le regard bien plus sombre que l’autre et la barbe bien plus longue.

_Que me vaut l’honneur de votre visite cher inconnu ?, lui dit-il d’un ton menaçant.

_Je souhaiterai voir Ram, je suis ici de la part de son frère.

_Lequel de mes frères parlez-vous ?

_Euh, celui qui se trouve à Paris, répondit Cahen un peu confus.

_Humm, cela fait longtemps que je n’ai plus eu de ses nouvelles. Vous devez être là pour quelque chose d’important vu tout le trajet que vous avez fait.

_Vous avez effectivement raison. Il m’a demandé de venir auprès de vous pour que vous me disiez où trouver le maitre. 

_Il vous a dit cela ? Et pourquoi devrai-je vous conduire au maitre ?

Cahen ne savait pas exactement quoi lui répondre et ne pouvait pas se permettre de l’intimider sans savoir s’il y’avait ou non d’autres personnes dans les environs. Il décida alors d’improviser.

_Euh, je suis l’un des meilleurs disciples de votre frère. Il a dit qu’il fera de moi un parrain si je parviens à voir le diable en chair et en os. C’est pour cette raison que je suis ici.

Il disait tout ça en espérant que l’autre vieux n’avait pas prévenu son frère de son arrivée.

_Drôle de défi que voici, mais ça ne m’étonne pas de mon fou de frère. Et qu’est-ce qu’il vous a dit d’autre avant que vous ne veniez ?

Soulagé que son petit tour ait marché, Cahen lui raconta exactement ce que son frère lui avait dit à propos du parchemin.

_Humm je vois, reprit le vieil homme. Malheureusement pour vous, vous êtes venus des siècles en retard. Lorsque le maitre vivait son jour comme une année, la Grande-Bretagne était en effet son quartier général.

Lorsqu’il était là, l’Angleterre dirigeait le monde et le livre sterling était la monnaie internationale. Ceci dura mille ans. Pour mieux comprendre la suite je vais un peu retourner en arrière car je vois que mon frère ne vous a pas tout dit.

Nos loges secrètes étaient ouvertes pour les membres de l’armée française. Les officiers hauts gradés et les généraux ont été endoctrinés à notre façon de penser. Avec le peuple, les politiciens et militaires de France sous notre contrôle, nous pouvions finalement frapper. Nous avions travaillé d’une manière secrète mais constante pour préparer la révolution française.

Quand les soi-disants pères fondateurs de l’Amérique ont débarqué à Plymouth Rock, ils ont non seulement amené avec eux des français mais ils ont également apporté les éléments de notre secte. Les injustices de l’Europe auxquelles les Pères de l’Amérique échappaient, se retrouveraient sur cette nouvelle terre, sous la forme du régime britannique tyrannique.

De manière à obtenir une domination complète sur le nouvel état, nous avons utilisé les mêmes méthodes que pour prendre contrôle de la France. Pour la monarchie Britannique que nous dirigions, la guerre américaine de l’indépendance était une action nécessaire.

Le 4 Juillet 1776, la déclaration d’indépendance a été rédigée. Le 7 Octobre 1781, les britanniques ont finalement été battus et ont rendu les colonies aux américains, et le premier état au monde entièrement dirigé par notre secte venait de voir le jour.

Notre signe est pleinement visible sur les billets américains avec cette image de l’œil qui voit tout. En 1917 l’Amérique entra officiellement dans la guerre mondiale et c’est l’étape qui l’établit en tant que la nouvelle grande puissance globale ce qui traduit le déménagement de notre maitre là-bas pour y vivre son jour comme un mois.

_ Alors il se trouve en Amérique ? Laissa subitement échapper Caen.

_ Je ne saurai le dire, reprit le vieux. Je ne sais pas s’il est toujours là-bas ou s’il est parti ailleurs pour y vivre son jour comme une semaine. Tout de même j’ai un autre frère, Rim, à Los Angeles. Je peux te dire où tu pourras le trouver exactement. Il t’éclairera sur ce que tu veux savoir car il en sait bien plus que moi.

Cahen se sentait un peu déçu de devoir encore faire un long voyage mais il n’avait aucun autre moyen de le retrouver. Il accepta alors l’aide du vieillard. Celui-ci lui remit l’adresse de son frère et lui souhaita bonne chance.

Au moment où il franchissait la porte, Cahen entendit le vieux dire « Il ne peut y avoir d’agneau sans tigre ». Il se retourna mais le même scénario que la dernière fois se reproduit. La peur le gagna et il s’empressa de s’en aller. A partir de l’hôtel, il réserva un autre vol pour le lendemain, avec la ferme conviction d’aller jusqu’au bout de son objectif.

Le Meurtrier Du DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant