Chapitre V

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« Il y avait, à la fin des années 40, un besoin impératif pour le jeune Etat de réunir les territoires épars que lui avaient accordés les Nations unies pour en faire une entité viable. Aujourd’hui, c’est l’extrême morcellement des territoires palestiniens, sous la poussée de la colonisation israélienne, qui rend ceux-ci invivables.

Un autre élément d’injustice est le mur. Ce mur dépasse largement la seule fonction sécuritaire, avec, par exemple, de nombreux points d’eau curieusement du ‘’bon côté de la barrière’’. On occulte souvent le fait qu’il s’agit d’un mur d’encerclement et non pas de séparation. On affirme que c’est le droit des Israéliens de se protéger de leurs voisins.

En fait, on est de facto chez le voisin et, plus encore, ce voisin ne peut accéder librement à ses autres voisins, l’Egypte et la Jordanie en l’occurrence. Gaza est le symbole de cet enfermement : même l’accès aux zones de pêche y est fortement restreint. Il est possible, voire très probable, que cette ‘’ghettoïsation’’ ait été condamnée par ceux qui ont connu pendant la seconde guerre mondiale un enfermement discriminatoire.

Gaza est une prison à ciel ouvert pour plus de deux millions de personnes. Jérusalem quant à elle, est une ville qui aurait dû garder, comme cela avait été proposé en 48, son caractère universel. Annexée et colonisée sur la justification de l’Histoire, elle fait l’objet d’une appropriation discutable. » Disait le vieux qui hébergea Cahen depuis son arrivée au Moyen-Orient.

Malgré le fait que ce dernier lui ait dit qu’il était juif, ce père de famille musulman, avec sa modeste revenue, lui avait tout de même donné asile des jours durant. Celui-ci lui disait souvent qu’il était témoin du vieil Etat de Jérusalem avant 48 et que durant cette période, les arabes coexistaient d’une belle façon avec leurs voisins juifs. Ils prenaient même soin des enfants des uns et des autres.

Que durant le Kippour les femmes juives confiaient ce qu’elles avaient de plus précieux, leurs enfants, aux voisines musulmanes. Il ajoutait que tout ce qui était arrivé ces dernières décennies n’était pas le résultat d’un conflit religieux mais d’un complot sioniste.

A chaque fois qu’il disait cela à Cahen, celui-ci éprouvait une réelle envie de lui raconter les vraies raisons de sa venue en Moyen-Orient. Il ne lui avait jusque-là pas parlé de ses intentions pour ne pas qu’on le prenne pour un fou et que son hôte ne veuille plus de lui dans sa maison. Il s’était donc limité à lui dire qu’il était qu’un touriste.
   
Cela faisait maintenant des jours que Cahen était à la recherche de ce fameux ‘’dôme de la pierre’’ mais n’avait pas l’ombre d’une piste. Tout ce qu’il trouvait c’était le résultat de l’injustice qui régnait dans cette partie du monde.

Ainsi un soir, autour du feu habituel où le vieil homme lui racontait une partie de ce que son peuple a traversé, il décida de lui demander s’il connaissait un endroit que l’on appelle le dôme de la pierre.

Le vieillard lui répondit alors que du temps de son enfance, ses grands-parents lui avaient une fois raconté une histoire sur ce dôme mais qu’il ne s’en souvenait plus. Ce lieu n’était sans doute qu’une légende ajouta-t-il avant de prendre congé de son invité.

Cahen resta seul à regarder le feu s’éteindre comme était  en train de s’éteindre son rêve de toujours. Il se disait qu’il se trouvait dans une impasse. Que sans doute ces trois frères qui l’ont mené ici n’ont fait que se moquer de lui. Que tout ce qu’ils lui avaient raconté n’était que mensonges. Que peut-être, il n’avait jamais vu de prophètes ni d’anges, tout ceci n’étant que le fruit de son imagination. Qu’il n’était pas un justicier mais un ignoble tueur en série pire que ses victimes.

Couché sur le sol mouillé par ses larmes, ses paupières devinrent aussi lourdes que son cœur. Il s’endormit ainsi, avec la ferme résolution de rentrer chez lui dès les premiers rayons du soleil.

Le Meurtrier Du DiableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant