Chapitre 1

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Il n'y avait aucun son dans la clairière. Pas même le chant des oiseaux, ni celui des grillons. Tout était calme. L'herbe était a présent sombre, noircie par les flammes, et surplombée par des cadavres d'hommes et de femmes de tout âge.

Nour se tenait au milieu de ce massacre, droite comme un piquet, un revolver à la main. Les yeux secs, elle scrutait les horizons à la recherche de sa dernière cible. Son patron lui avait ordonné de tuer les vingt-six membres de la secte. Elle n'en comptait seulement vingt-cinq. Un devait se cacher et l'épier, attendant le bon moment pour s'enfuir. Mais Nour ne pouvait pas se permettre une défaite, ou elle perdrait son titre de meilleure tueuse à gage du pays.

Le champ était à découvert, il y avait seulement un arbre au milieu, un tas de cendre qui était autrefois un feu de camp, et une caisse en bois qui se tenait à côté de ce dernier. La clairière était entourée d'une grande forêt, mais si quelqu'un s'était enfuit vers elle, Nour s'en serait aperçu. Il n'y avait donc pas beaucoup de possibilité, le survivant devait cacher quelque part, derrière l'arbre ou derrière la caisse. Cependant, s'il était arrivé par la forêt juste après le massacre, la tueuse était à sa merci.

Tout en marmonnant quelques jurons, Nour inspectait les lieux, à l'affût, et tournait sur elle même en tentant d'apercevoir le moindre mouvement. Si elle se dirigeait en premier vers la caisse et que le survivant se cachait derrière l'arbre, il aurait le temps de s'enfuir ou de lui tirer dessus. Et inversement si elle se dirigeait vers l'arbre mais que l'individu se cachait derrière la caisse.

Il fallait donc faire un choix, et le plus vite serait le mieux. La tueuse réfléchissait à tout allure, et, à la dernière minute, elle choisit la fuite.

«Tu n'es qu'une lâche », se répétait elle. Mais la jeune fille n'avait aucune envie de rester une minute de plus ici entouré de tous ces corps inanimés. Même si elle était une professionnelle, cet évènement hantera ces nuits jusqu'à la fin des ces jours.

La boule au ventre, Nour fit donc demi-tour, en courant le plus vite possible, les larmes lui montaient aux yeux. Évidemment, elle regrettait son geste, elle venait à nouveau d'ôter la vie à ses semblables. La tueuse savait qu'elle avait fait une énorme erreur, mais elle n'avait pas le choix, elle savait que si elle n'obéissait pas, ce serait elle qu'on tuerait.

« Peut-être qu'ils ne s'apercevront jamais qu'il manque un cadavre », essayait-elle de se rassurer. Nour avait accéléré le rythme pour rejoindre au plus vite l'entrée de la forêt quand quelqu'un hurla :

- Arrêtez-vous !

Son cœur fit un bon dans sa poitrine, elle avait sursauté si fort qu'elle avait faillit arrêté sa course. Elle espérait pourvoir échapper à son interlocuteur quand le bruit sourd d'une détonation se fit entendre. La jeune fille, instinctivement, se plaqua au sol. Malheureusement, elle avait fait tomber son arme plus loin. Elle aurait facilement pu se relever, ramasser le revolver et tirer sur son agresseur mais elle était tellement à bout qu'elle préféra rester par terre, en entendant les pas se rapprocher de plus en plus vite.

- Levez-vous doucement maintenant !

La tueuse se releva doucement et se tourna vers son assaillant. C'était un jeune garçon, qui devait avoir la majorité depuis peu, tout comme elle. Ses yeux d'un bleu glaçant étaient gonflés comme s'il avait pleuré à chaudes larmes, mais leur regard était impitoyable. Il devait être plus grand qu'elle. Il avait un air de gringalet mais dégageait une assurance hors du commun. Sur sa clavicule, un tatouage dépassait du col de son t-shirt : l'emblème de la secte. C'était le survivant. Et il pointait deux armes sur Nour, la sienne ainsi que celle que la tueuse avait fait tomber. Mais ce n'était pas ça qui avait fait rater un battement au cœur de la jeune fille. Non. C'était le fait qu'elle connaissait ce garçon.

- Eddy ? murmura-t-elle

Le regard du garçon vacilla quelques instants. Ces yeux sombres et cette chevelure crème ne pouvait appartenir qu'à une seule personne. Nour.

- Tais-toi ! Je ne veux pas entendre le son de ta voix. Débarrasse toi de toutes tes armes, ou je tire.

- Tu n'en es pas capable, répondit la jeune fille, reprenant peu à peu ses esprits.

- Tu crois ?

Il avait tiré une balle juste à côté de la tête de Nour en même temps. Ce genre d'attitude n'effrayait guère la jeune fille en temps normal, elle s'y était même habitué et savait comment gérer ce genre de situation. Mais le fait que ce soit son ami d'enfance qui possédait les deux pistolets la troublait énormément. Ainsi, elle prit le poignard qu'elle avait accroché à sa ceinture et le jeta loin, tout en regardant le survivant. Nour était à présent vulnérable. Mais il fallait qu'elle garde son calme et qu'elle se conduise en tant que professionnelle.

- Et ne crois pas que je t'ai loupé sans le faire exprès, lança-t-il froidement.

La jeune fille le regardait silencieusement. Elle commençait peu à peu à maudire la situation dans laquelle elle s'était mise. Si seulement elle avait été plus forte. Le garçon quant à lui venait de tout perdre, mais il ne ressentait rien, comme s'il était vide.

- Pourquoi tu as fais ça ? demanda-t-il froidement.

- Je n'avais pas le choix.

- Pas le choix ? Tu plaisantes j'espère ?

- Mieux vaut être le chasseur que la proie, lâcha la jeune fille.

- Pardon ? Tué ou être tué, c'est vraiment ça ta devise ?

Eddy riait jaune. Il commençait à perdre la tête et continuait de s'époumoner.

- Est-ce que ça justifie ton acte ? Étais-tu vraiment obliger de t'en prendre à eux ? Nos pratiques ne dérangeaient personne !

- Tu sais très bien que si ! Crois-tu vraiment que c'est normal d'enlever des gens la nuit pour organiser des rituels en les faisant souffrir de manière atroce ? Je viens seulement de rendre justice !

- Alors c'est ça qu'on t'a raconté ?

- Arrête ton cinéma, ce que vous avez fait est impardonnable ! Tu mérites le même sort que ces assassins !

- Ben vas-y ! Emmène-moi à l'Église, je m'agenouillerais comme un chien devant le sanctuaire de tes mensonges, cracha amèrement Eddy.

Nour n'en revenait pas. Son ancien ami qui était si doux et si gentil autrefois ne valait finalement pas mieux qu'elle. Comment pouvait-il nier tous ces crimes aussi grossièrement ?

- Je ne sais pas qui t'a raconter ça, mais tu t'es bien faite avoir ma pauvre Nour ! Nos croyances étaient parfois hors du commun, mais nous n'avons jamais fait de mal à personne !

- Je...

Nour le regardait, désemparée. Elle ne savait pas à qui faire confiance. À ceux qui lui avaient tout appris et lui avait ordonné de commettre cet assassinat, ou bien à Eddy, son ancien ami d'enfance avec lequel elle n'avait aucun secret ? La tueuse savait qu'elle avait commis un acte horrible, et même si elle en avait l'habitude elle avait toujours bronché et accepté ses toutes les tâches qu'on lui demandait. Il arrivait parfois qu'elle regrettait, mais elle avait tellement peur de finir à la place de ses victimes qu'elle se ressaisissait vite. Cependant, pour la première fois depuis longtemps, Nour avait honte, honte d'avoir été égoïste, honte d'avoir tué tous ces gens sans écouter leur version des faits. Mais il était trop tard.

- Qui est-ce qui t'emploie ? reprit Eddy.

- Euh...une agence, secrète. Elle travaille au service du gouvernement, répondit-elle, hésitante.

Agent 21Où les histoires vivent. Découvrez maintenant