Prologue (NC)

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Dès l'instant que ses pensées devinrent cohérentes, Philomène réalisa que le temps lui était compté. Et peu importe si derrière elle, Mia lui criait d'attendre. Parce qu'elle savait désormais ce qu'il lui restait à faire.

Sur le trottoir, la jeune femme zigzagua, portable à la main, tout en priant pour que le destinataire réponde à ses appels. Ses talons martelaient le sol, sa respiration accélérait, ses joues se coloraient doucement, mais rien de tout cela n'était véritablement important à côté de l'écran de son cellulaire.

Durant le trajet en métro (trajet durant lequel elle perdit définitivement sa meilleure amie qui n'avait pas autant d'endurance qu'elle), Philomène pesta contre l'homme qui ignorait ses messages. Des gens la regardèrent de la tête aux pieds, se demandant probablement si cette jolie blonde, un peu brute et habillée étrangement, était équilibrée mentalement.

Elle était à peine sortie du métro lorsque Philomène se remit à courir. Et elle courut, jusqu'à ce qu'elle voie une scène. La scène de l'horreur. Là, les jambes de la jeune femme se stoppèrent, peut-être en même temps que son cœur qui explosa.

Tout en portant la main à son palpitant, la jeune femme se rendit compte qu'autour d'elle, tout était devenu silencieux. Et ce fut à cet instant qu'elle comprit vraiment qu'elle venait de perdre la plus partie la plus importante de sa vie.

Était-ce pour cette raison que Mia lui avait dit d'attendre ? Pourquoi ne l'avait-elle pas écoutée ? Pourquoi faisait-elle toujours les mêmes erreurs ?

Tout en ravalant sa salive, Philo ressentit le besoin de s'asseoir. Le petit banc à quelques mètres d'elle l'appela et elle se dirigea calmement vers celui-ci. De loin, on aurait pu croire à une scène banale : une jeune femme qui allait se poser pour apprécier la nature... Pourtant, c'était bien loin d'être le cas

Lorsque Mia arriva, quatre minutes plus tard, Philomène était encore assise, les yeux humides.

— J'ai essayé de te prévenir, souffla son amie en prenant place à côté de Philomène. Mais tu n'as pas voulu m'écouter. Enfin, tu ne m'as pas laissé le temps de parler.

C'était du Philomène tout craché, toujours à vouloir faire vite et réfléchir après.

— J'aurais voulu t'éviter ça.

Mia l'avait murmuré, car elle savait que sa phrase n'allait faire qu'ajouter du pathos à la situation. Mais Philo l'avait tout de même entendue.

— Tu n'y es pour rien Mia, répondit la blonde en relevant la tête. C'est moi qui ai merdé, pas toi.

La main de son amie se posa sur son épaule et Philomène ravala ses larmes. Depuis combien de temps n'avait-elle pas pleuré ? L'annonce de sa mère concernant son cancer ? Non, depuis l'annonce de Lloyd... Cela lui semblait faire une éternité. Le temps passait vite finalement.

— Tu peux me dire pourquoi on n'a jamais songé à devenir lesbienne toi et moi ? demanda subitement la blonde en tournant la tête vers Mia.

La châtaine lâcha un sourire puis pinça la joue de son amie. Philomène était toujours adepte des plaisanteries lorsque les situations étaient dures.

— C'est ce que tu me demandes tous les quatre matins dernièrement.

— Mais je suis sérieuse tu sais ? On ferait un couple super mignon et on ferait fantasmer tous les mecs du coin.

Philomène eut envie de rajouter qu'elle au moins ne la ferait pas souffrir comme Simon, mais se tut. Car au fond d'elle, elle savait qu'elle avait déjà blessé sa meilleure amie et plus d'une fois. D'ailleurs, il ne se passait pas un jour sans qu'elle s'en veuille.

— Philo, ce n'est pas pour remuer le couteau dans la plaie mais... enfin c'est cool la plaisanterie mais...

La jeune femme soupira. Mia avait raison. L'heure était grave. Car l'homme qu'elle aimait vraiment, peut-être depuis la première fois qu'elle l'avait rencontré, venait de lui échapper.

— Je crois que l'amour est allergique à moi.

Comme elle venait de dire cela en fixant la jeune femme au loin qui souriait et ramenait sa mèche de cheveux derrière l'oreille, Mia se mordit les lèvres.

— Je ne pense pas que l'amour soit allergique à toi...

— Non, tu as raison. C'est moi qui le fuis alors que je pense le poursuivre. Comment je fais ? Comment j'arrive à faire ça ?

Mia n'avait pas la réponse et elle était malheureuse de voir son amie faire cet exploit depuis des années.

— Il a l'air heureux, souffla Philo en regardant l'homme, qu'on venait de lui voler, sourire.

— Il essaie de l'être, la corrigea Mia avec sagesse et tristesse.

— De toute façon, je ne le méritais pas, continua la blonde en s'essuyant les joues.

Mia eut envie de prendre son amie dans les bras mais elle comprit que Philomène avait besoin d'espace pour enfiler son masque d'insensible.

Autrefois, ce genre de comportement était inné chez elle, ou plus exactement : elle avait fini par le rendre naturel avec le temps. Mais avec tous les événements qu'elle avait vécus ces derniers mois, voire cette dernière année, Philo avait changé. Et désormais, ce visage qu'elle avait autrefois détesté car il l'avait rendue confuse à propos de sa véritable identité, elle le regrettait.

— Pourquoi il faut toujours que je merde tout ?

Cette question fit mal à Mia, car elle savait qu'en ce moment, Philomène pensait vraiment tout foirer. Pourtant, la châtaine savait que ce n'était pas le cas. Elle avait des amies, un appartement, un boulot, une famille. Elle avait réussi pas mal de choses. Elle ne pouvait pas résumer sa vie avec cette simple phrase.

—  Philomène ?

Cette voix masculine brisa un peu plus le cœur de Philomène. Surprise, la jeune femme releva la tête et son souffle se coupa.

Il était là, à un mètre d'elle, la chanceuse accrochée à son bras. Celui qui avait décidé de continuer sa route sans elle semblait surpris de la voir sur ce banc. La gorge nouée, Philo planta son regard bleu dans celui du nouvel arrivant.

Comment en étaient-ils arrivés là déjà ?

Durant une seconde, la jeune femme ferma les yeux et essaya de se souvenir, des mois auparavant...

Quel phénomène cette Philomène 2 (En pause)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant