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Chapitre 2

Une épaisse atmosphère mélancolique planait dans la chambre .
Volets et portes fermés , la maison tout entière était plongée dans une lugubrité des plus intenses .
Elle se tournait et se retournait dans son lit , un oreiller au-dessus de la tête , les yeux fermés mais détrompez-vous , Morphée ne l'avait plus jamais accueillie dans ses bras depuis le départ de Kenneth . Des cernes immenses s'étaient formés sous ses yeux rouges au-dessus de ses pommettes saillantes .

Puis elle se redressa , cambra sa posture pour allumer sa lampe de chevet en hissant une cordelette . De ses doigts , elle fit relever un cadre photo qui avait longtemps fait face à la surface plane de sa table de nuit . Très vite , elle comprit pourquoi elle n'avait plus songé à poser ses yeux dessus ; ce cliché lui rappelait des souvenirs tranchants qu'aujourd'hui elle affrontait , non , sans peur .

Elle scrutait chaque visage sur lequel elle mit un nom instantanément . Papa et maman . Des images défilèrent dans son esprit avant de reconstituer entièrement ce jour qui hantera à jamais ses nuits .

— Un morceau de sucre un ! , chuchota Ayssé aux fourmis qu'elle ravitaillait à l'insu de ses parents .

Dans les poches de sa salopette trainait encore un autre carré qu'elle saisit avec ses doigts potelés  . Elle déposa délicatement le morceau au milieu des insectes qu'elle considérait comme des amis .

« Les amis ne pourront pas survivre avec ça » conclut-elle finalement . elle se leva du sol puis traça une rapide trajectoire vers la maison

— Une vraie petite sauvage , dit Mary avec un sourire en coin en remarquant sa fille faire son entrée dans la cuisine . Il ne restait plus qu'une masse de cheveux en boule -comparable à un gribouillis- du chignon qu'elle lui avait fait ce matin-là ; ses bras et ses vêtements tâchés de boue   , Ayssé ! Tu es toute sale , s'était -elle plainte .

Aussitôt , elle reporte son attention sur le chili qu'elle avait mis au feu . La petite fille profita du petit moment d'inattention pour s'emparer de la petite boîte en carton qu'elle cacha derrière elle avant que sa mère ne lui accorde un regard .
Ses sourcils fournis se froncèrent légèrement et ses lèvres s'étirèrent , suspicieuse , elle demande :

— Que caches-tu ?

— Rien , marmonne la gamine peinant à étouffer un rire en mauvaise menteuse qu'elle est .

— Vraiment ?

Elle ne peut plus ouvrir la bouche au risque d'exploser de rire . Elle opina donc de la tête , la lèvre tirée entre les dents .

Mary tenta de s'approcher mais elle prit la fuite sans pour autant sortir de la cuisine car sans issus , sa mère est de l'autre côté barrant la sortie . la petite fille crut s'étouffer en laissant échapper un rire purement enfantin qui heurta chaque meuble de la cuisine pour créer une sorte de résonance . Mary se risqua à la deuxième tentative mais sa fille l'echappa pour de bon et la fit tourner en rond . Ce geste était brusque ... et bien trop dangereux pour que ni elle ni sa fille ne s'en rendent compte . Son coude avait accidentellement allumé le four qui rapidement avait pris feu sans qu'une seule fois , elle ne le constate . Le feu consuma la maison et emporta avec lui les deux parents qui vaquaient sans inquiétude à leurs occupations respectives .

Ayssé ignorait et ignore la cause de cette incendie mais ne peut s'empêcher de le revivre comme il y a  quelques années auparavant dans les yeux de cette petite fille qui s'efforce à comprendre la situation et que son frère ne peut consoler car lui-même inconsolable .

Le bruit du verre qui explosait sous la température résonnait dans les parois de son crâne . L'image tournait en boucle ;  La fumée noir ... Les flammes qui se dévoilent ... Ses pleures d'enfants qui recouvrent le tout .

𝗔𝗬𝗦𝗦𝗘Où les histoires vivent. Découvrez maintenant