« Un type en chute libre »

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On me laissa comme ça, de longues heures dans la solitude et la peur...

J'étais toujours pieds et mains attachés. Je m'attendais à subir quelque chose de désagréable comme une pluie de coups ou de la torture. Enfin, vous savez, ce genre de truc que les méchants font dans les films pour faire cracher le morceau.  Souvent, le torturé finissait par avouer, presque en larmes et suppliant.
« Arrêtez ! Arrêtez. Je vous dirais tout. »

Mais dans mon cas, ça risquais pas. Je savais rien sur l'emplacement d'Irène. Moi même, je tentais de le découvrir.

La mère d'Irène était-elle prête à devenir un monstre pour retrouver sa fille ? Peut-être. Elle semblait déterminer à réparer sa faute.
En tout cas, c'était à cause d'elle toute cette histoire : elle avait fait fuir sa fille en premier lieu.

Lorsqu'elle avait compris qu'Irene sortait avec moi, elle essaya de briser notre couple. Sans doute, estimait-elle humiliant que sa jolie fille sorte avec un Karim « alias COCO », un dealer de drogues, un voyou de cité, un arabe. Elle ne pouvait pas accepter qu'on puisse aimer quelqu'un comme moi. Elle trouvait ça absurde.

Elle jugeait l'amour, parce qu'elle croyait connaitre sa définition.

Or, personne ne sait pourquoi quelqu'un aime quelqu'un. On peut s'attarder sur  des caractéristiques dire : » oh ! il est sympa ou beau, il cuisine bien, il est serviable, il est compétent, il est talentueux. » Ça n'explique pourtant pas, pourquoi on choisit d'aimer cette personne et pas une autre.

Je crois que c'est ce qui s'est passé entre Irène et moi.
On a eu un coup de foudre, inexplicable. Un de ces phénomènes improbables, mais qui arrive de temps à autre. Un de ces trucs où on se dit « ce n'est pas possible, et ça m'arrive à moi. »

On croit alors que ça va durer éternellement, tellement c'est beau et unique. Mais ça se finit éventuellement.

Au fond, c'est con la vie.
On s'attend toujours à ce que tout dure. Puis, on se rend compte un jour que rien ne dure vraiment. Les bonnes choses comme les mauvaises, tout s'évanouit à un moment ou à un autre.

Certes, la mère d'Irène avait essayé de nous séparer. Alors, elle avait mis la pression sur Irène pour qu'elle me largue. Puis, il s'était produit un étrange enchainement d'évènements qui m'emmena  jusqu'à ce point. Attaché dans une chambre. Sur le point d'être exécuté ou passé à tabac.

Pour l'instant, je devais arrêter de tourner en rond dans ma tête. Arrêter de me torturer avec des questions sans réponses. Il y avait trop d'inconnues, trop de X et Y pas encore résolus dans l'équation.

Et mon état était pitoyable.
J'avais soif. J'avais faim. Je mourrais d'envie de m'assoupir, mais je n'y arrivais pas. Tendue comme une corde de violon, mes nerfs subissaient une pression inimaginable.

Et personne ne venait. Qu'est-ce qu'ils mijotent ? J'entendais des bruits de pas, des conversations feutrés, à voix basse. Presque des chuchotements. Je n'avais que peu dormi et mes sens partaient dans tous les sens. Quelques fois, je croyais apercevoir une ombre au fond de la chambre, près d'un lit à baldaquin. Mon cœur alors s'accélérait.
Souffle. Respire. Ne t'empoisonne pas dans les délires de ton imagination.

Mais rien n'y faisait. Je soupçonnais mon environnement stressant. La chambre m'asphyxiait. Puis, je compris que c'était la, les signes que j'avais peur de mourir. Pour la première fois de ma vie, j'eu la nette sensation de ressentir mon âme. Comme si, il y avait quelque chose au fond de moi qui refusait l'idée de la fin. 

Au fond, ce qui me tourmentait, c'était la perspective de disparaitre sans revoir Irène, sans savoir pourquoi elle s'en était allé, pourquoi elle n'avait plus essayé de me contacter. Où était-elle maintenant ?

Je voulais savoir, je voulais connaitre la vérité. Encore plus que sa mère. Mais, j'avais peur de trouver des réponses blessantes. J'avais peur d'une hypothèse effrayante, trop effrayante.
« Et si...si elle n'était plus de ce monde ? » Cela expliquerait beaucoup de choses. Pas tout. Mais beaucoup de choses.

Et Je ne cessais de ruminer sur mon passé, essayant d'y trouver un sens ou une quelconque logique.
Irène, Paris, la banlieue, la misère, l'amour, le rêve, l'espoir, le désespoir...
Tout ce que confondait à mes yeux. Tout se mélangeait dans ma confusion. 

Et dans cette chambre étouffante, marquée par le délire érotique de bourgeois à l'aise dans leur vie, je compris que j'étais un bordel.
Un type en chute libre. Aucun parachute sur le dos, et la chute aussi vertigineuse que profonde.

Oh ! je le méritais aussi. J'avais fait des conneries. J'en payait le prix.

Quand, tout part en couille, faut s'attendre à en subir les conséquences.

Dans une vision d'un étrange netteté, m'apparaissait les images de ma mère, de mes potes et de la banlieue. Je repensais à la douceur de partager des moments avec ceux qui nous sont chers. C' était si simple à une époque. Pourquoi arrive-t-on toujours à compliquer notre destin ?

Et comme happé par mon passé, je remontais dans le temps. Je restructurais l'histoire de ma vie. Comme lorsqu'on rembobine  un film et l'on s'arrête à ses meilleurs moments, avant que le héros ne se noie dans le chagrin ou le drame.

Quelles moments étaient-ils déterminants dans mon existence ? Lesquelles m'avaient marquées à vie ? Lesquelles suscitaient en moi le souvenir du bonheur ?

Naturellement, comme si ça coulait  de source, l'histoire s'enclencha dans ma tête. J'étais le spectateur dans mon cinéma intérieur.

Pour comprendre mon histoire, il faut remonter de mes années en banlieue jusqu'à une après-midi, où paumé et triste, je rencontrais une princesse flânant au détour d'un parc public.

Une princesse portant une robe Givenchy rouge. Une princesse Givenchy, comme je l'appellerais par la suite. Ce blaze l'a toujours fait rire. Et quand elle riait, c'était comme si, j'arrivais à pardonner au monde entier.

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⏰ Dernière mise à jour : Jun 03, 2020 ⏰

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Coco et la princesse GivenchyOù les histoires vivent. Découvrez maintenant