•Chapitre 9.1•

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Avec un sourire toujours bien imprimé sur ses traits, le Prêtre se leva de sa chaise et s'approcha des deux jeunes gens. Il déposa ses mains sur leurs épaules d'un geste paternel. Toutes les terminaisons nerveuses des adolescents étaient hérissées vers cette intrusion nouvelle dans leur espace personnel. Ce contact se révéla cependant bien plus revigorant que ce qu'ils avaient imaginé. Une douce chaleur se propageait depuis la main de l'homme et semblait réveiller chacune de leurs cellules.

— Je ne peux pas vous dire mon nom.

Il parlait d'une voix douce, comme on parle à des enfants tristes.

— Pas tout de suite du moins. Vous finirez par l'apprendre un jour ou l'autre, mais ce temps n'est pas encore venu. Si vous ne voulez plus m'appeler "monsieur" ou "Prêtre" appelez-moi Gueïlan. Ne le faites que lorsque vous êtes absolument certains que nous sommes entre nous, lePrêtre n'a pas de nom.

Ils hochèrent la tête et il leur sourit en retour. Il relâcha la pression de ses paumes. Aliéna et Tion se détournèrent pour quitter le Bureau. Un pic de malice en provenance de son cerveau s'insinua dans mon esprit. Il pouvait être si... idiot parfois.

— Une dernière chose, jeunes gens.

Les deux étudiants se stoppèrent dans leur élan, attentifs.

— Si jamais il vous prenait l'envie d'essayer de vous introduire ici derrière mon dos, je vous le déconseille fortement. Cerbère veille au grain.

Interloqués, ils suivirent du regard la direction que pointait le Prêtre. Il leur montrait un chat tout en finesse, son pelage argenté fait de la lumière du clair de Lune sur le lit d'une rivière. Il était enroulé sur lui-même et somnolait sur le haut d'une des bibliothèques. Ils jetèrent un dernier regard à l'homme, sceptiques à propos de ses derniers mots, puis ils quittèrent cet endroit en refermant derrière eux.

Pendant qu'ils traversaient le couloir en silence, sans se préoccuper le moins du monde l'un de l'autre, je sortis de ma cachette.

Gueïlan effleurait doucement le dos d'un volume coincé dans une des immenses bibliothèques. Je m'approchai doucement de lui et effleurai son épaule. Il se tourna vers moi avec un sourire nostalgique.

— Ils me font un peu penser à nous.

Il avait détourné son regard de moi en prononçant ces mots, pour le déposer à nouveau sur la tranche usée par les nombreuses manipulations.

Nous demeurâmes ainsi quelques instants, contemplant cet ouvrage perdu au milieu de tous les autres. Soudainement, Gueïlan sembla s'extirper de ses souvenirs et repartit d'un bon pas vers son bureau.

— Ils ont franchi la porte, je peux me reposer.

Ses épaules se relâchèrent brusquement alors qu'il s'asseyait.

— Ce vieux caillou dans lequel nous nous trouvons devient caractériel avec le temps. Tu crois qu'il ne me supporte plus ?

Il me sourit de toutes ses dents. J'adorais ce sourire. Je ne trouvais rien à lui répondre alors je m'assis là où Aliéna était placée quelques minutes auparavant.

— Je ne pense pas qu'ils parlent de tout ça autour d'eux, mais il vaut mieux s'en assurer par tous les moyens possibles.

Son regard entendu me fit comprendre que c'était à moi de jouer. Après m'être connectée à leurs esprits durant quelques instants, je revins à mon corps dans le Bureau. Notre secret était bien gardé. Je hochais la tête face à l'interrogation silencieuse de la figure masculine face à moi.

— Tu peux continuer à les observer ? Il nous faut le maximum d'informations sur leur famille, leurs amis, leurs activités, tout.

J'acquiesçai silencieusement. Un pli inquiet barrait son front.

Le Pouvoir des Mots |Tome 1 : Aliénation|Où les histoires vivent. Découvrez maintenant