Chapitre I

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Je me réveille en sursaut. Encore une fois. Ce maudit cauchemar. La seule différence avec ceux des autres, c'est que mes cauchemars sont ma réalité. Je repoussais mes couvertures. L'envie de dormir m'avait quittée bien avant cela.

Mes cheveux et mes habits trempés de sueur collaient à ma peau.

Je me dirigeai vers la fenêtre, que j'ouvris en grand. Le souffle glacé de la nuit d'hiver pénétra ma chambre en m'ébouriffant les cheveux.

Dieu, ce que ça faisait du bien !

Je ferme les yeux et respire un grand coup pour me calmer.

Inspire. Expire. Inspire. Expire.

Je rouvris les yeux.

Je jetai un œil en bas de ma fenêtre. Il n'était que quatre heures du matin, le quartier misérable ne s'était pas encore éveillé, mais déjà quelques types en habits trop grands se passaient des sachets en plastique remplis d'herbe.

C'était dans ce quartier minable qu'on s'est installées avec ma mère et son connard de mec, Ben. Sans doute un diminutif de Benjamin. Je n'avais jamais cherché à savoir.

Je me rappelle qu'un jour, ma mère avait reçu un avis d'expulsion. Les propriétaires vendaient et souhaitaient détruire tout le lotissement pour construire à la place, de grandes et belles maisons couleur crème, que ma mère ne pouvait évidemment pas se payer. On avait donc pris le peu qu'on avait et on nous a jeté à la rue. C'est là que Ben intervint. Ma mère me le présenta comme son "ami" et on s'installa chez lui dans son appartement sale au papier peint fané.

Lorsqu'on me conduisit à ma chambre je me souviens bien que je me retenais de pleurer en voyant où j'allais vivre. Un vieux matelas gris et nauséabond posé à même le sol, faisait office de lit. Je me souviens que lorsque je me suis assise dessus une odeur acide m'avait prise aux narines, et je soupçonne encore fortement quelqu'un de s'être lâché dessus. Les murs étaient d'une couleur qui rappelait la grisaille et la pollution de la ville. Ma mère et moi avions repeint les murs en blanc dans une tentative d'insuffler un peu de fraîcheur, en vain. Le seul meuble de la pièce était une vieille commode aux tiroirs défoncés placée à côté de la fenêtre.

Après le rapide coup d'œil que j'avais jeté à ma nouvelle chambre j'avais demandé à ma mère d'un ton dégoûté :

- Maman, c'est ici qu'on va vivre ?

- Ce ne sera pas pour longtemps, ma chérie, juste le temps de rebondir, m'avait-elle répondu avec un sourire triste.

Nous n'avions toujours pas rebondit je crois.

Pour ce qui était de notre hôte, je me suis vite rendue compte que Ben n'était pas l'exemple à suivre. Ivrogne et fumeur invétéré, il ne bougeait jamais le petit doigt. À croire que le métier de femme de ménage était compris dans la notion "d'amie".

Un jour, alors que j'avais à peine treize ans, il m'avait demandé si je voulais essayer sa "poudre magique".

Cela fait déjà trois ans qu'on est là. C'était trois ans de trop.

Je referme la fenêtre d'un coup sec.

En fouillant parmi les habits qui traînaient par terre, je dénichais un jean et un sweat noir et m'habillais. Où était mon couteau ? Je ne sortais jamais sans, le quartier est l'endroit le moins sûr de la ville. Je le trouvais finalement sous une pile de livres et  je le rangeais dans ma poche en sortant. L'air frais. Voilà ce qu'il me fallait. Le vent balayait mes incertitudes de ses douces mains. Je partis en direction de la forêt, mon coin à moi, le seul endroit où je n'étais jamais dérangée. Je passais en accéléré devant les types aux vêtements trop grands, dont un que je reconnaissais comme étant Murphy - un pourri de la pire espèce - en ignorant leurs sifflements.

Les larmes noiresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant