Je savais que cette journée n'allait pas du tout être bonne.
Déjà parce que je me suis réveillée en retard, c'est la première fois que ça m'arrive. Mais le retard chez Patience, qu'il soit répété ou unique, par accident ou volontaire, c'est à bannir.
Ensuite, je me suis rendue compte dans le métro - bien trop tard pour faire demi-tour - qu'un bouton de mon chemisier à motifs rouge menaçait de rompre. Le jour où je dois faire une présentation devant le grand chef, tous les dirigeants du groupe et les responsables.
Et ce n'est pas le pire. Quand je suis arrivée à mon étage et que j'ai vu Perkins adossé à l'encadrement de la porte de son bureau, comme s'il m'attendait pour me tomber dessus, j'ai cru que j'allais faire pipi dans ma culotte. Il avait l'air beaucoup trop calme. Son regard indéchiffrable a suffi pour me faire perdre tous mes moyens. J'ai baissé la tête comme un chien pris sur le vif après une grosse bêtise, traversé la salle et me suis réfugiée dans mon bureau.
Bien sûr ça aurait été trop beau si ça s'arrêtait là. Si j'ai réussi à échapper à une remontrance de mon patron - un miracle ! -, je ne pense pas pouvoir me dérober face à celle qui arrive dans quatre, trois, deux...
— Mademoiselle Barnett nous fait le plaisir de sa présence. Quelle honneur !
Le ton est sec, ironique et glaçant. Pas un bruit dans la salle de réunion ne se fait entendre hormis les martèlements de mon coeur contre ma poitrine et mon souffle court. J'ai dû courir et dévaler deux étages pour me rendre ici, où se trouve tous ceux qui étaient conviés à la présentation des responsables marketing et commerciaux. Je dois avoir une tête de folle, avec mes cheveux que je sens s'échapper de mon chignon. Et j'ai le chemisier qui me colle au dos. Il ne manque personne, pas même Tess Lewis qui m'épie de son oeil moqueur, un sourire en coin. Je lorgne la jeune femme brune, un rictus mauvais sur le visage.
Je suis sûre qu'elle l'a fait exprès. J'aurais dû vérifier l'heure de la réunion avant de me plonger à nouveau dans l'étude de marché qu'on venait de m'envoyer. Nous avons toutes les deux le même poste, rien d'étonnant vu la taille de Patience, mais au lieu de s'entraider sur les projets elle préfère me mettre des bâtons dans les roues pour me discréditer. Moi qui pensais, quand je suis arrivée dans la boîte, trouver une collègue avec qui se serrer les coudes, proposer des travaux communs. J'ai vite déchanté. Du haut de ses trente deux ans, elle s'est rapidement montrée comme une femme antipathique, compétitive et opportuniste. Tout ce que je déteste dans le monde du travail et qui n'a pas lieu d'être dans cette entreprise qui nécessite plutôt un esprit d'équipe qu'une course personnelle à la victoire.
— Asseyez-vous mademoiselle, ajoute gentiment André Perkins, le PDG.
Il est à l'opposé de son fils. Je me demande comment c'est possible d'avoir fait une progéniture aussi froide alors qu'il est si bienveillant. Si physiquement ils détiennent les mêmes traits et la même beauté légendaire - qui doit être un trait de famille - ils n'ont pas le même sens du relationnel. L'un est courtois, humble et poli, l'autre est rustre, hautain et dédaigneux.
— Veuillez m'excuser pour ce retard.
La voix chevrotante, je contourne la table ronde pour m'asseoir à côté d'Isabelle.
— Si seulement il n'y avait que celui-là, entends-je Archibald répliquer avec sarcasme.
Je ne relève pas et étale mes documents en face de moi. Je bouillonne. J'ai envie de lui hurler dessus, lui dire que c'est un sale con et qu'il traite ses employés comme des sous merdes, alors que c'est lui la grosse...
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BOSS : beau, odieux, sexy, snob [aux Éditions Addictives]
ChickLit// DIPSONIBLE AUX ÉDITIONS ADDICTIVES \\ (anciennement Le poisson d'Aprile) L'insulter ou l'embrasser ? Aprile adore sa vie : libre et sans attaches, entourée d'une sœur adorable et d'une meilleure amie loufoque, promise à une carrière passionnante...