Recueil de Textes

~ Le temps d'un instant ~

Il ère dans la nuit, l'âme en peine. Il pleut. Ses larmes se confondent avec les gouttelettes qui ruissellent sur son visage. Son cœur se serre, l'obligeant à s'arrêter et à se replier sur lui meme, la main posée sur la poitrine, serrant son tee-shirt, impuissante. Cette douleur sans nom l'agresse de toutes parts. Elle lui cisaille le cœur, le prend entre ses mains crochues et sert de toutes ses forces, le malmène comme s'il n'avait aucune valeur. Elle est invisible et pourtant si pesante, il la ressent dans tout son être. Impossible de l'arrêter. Elle se traîne jusqu'à son esprit et lui susurre de dangereuses paroles, lui fait remonter de vils souvenirs, obscurcit la moindre de ses pensées. Il ne peut que se rappeler, subir, affronter cette peine refusant de laisser le temps faire son effet, effet pourtant tant attendu. Il est là sous la pluie et il a mal.

Elle se morfond dans son lit, son dernier message laissé sans réponse. Elle relit ses plaintes en boucle, tente de comprendre pour pouvoir mieux l'aider. Elle veut le retrouver tel qu'il était, ne supportant pas de le voir se perdre dans les pleurs et les regrets, souffrant de l'imaginer si désemparé et si triste. Elle se sent coupable, coupable de n'avoir rien vu, coupable de n'avoir rien fait. Elle se lève, fait les cent pas. Son message reste toujours sans réponse. L'inquiétude prend le dessus, elle sort en courant dans la rue. Elle veut le rejoindre, l'aider à se relever. Elle veut le voir et être à ses cotés. Alors elle court vers lui, sous cette pluie, et elle a mal.

Elle s'arrête soudain et un frisson la parcourt. Il est la. Il est la, recroquevillé sur lui-même, le corps secoué de sanglots sous cette pluie persistante. Elle s'avance doucement, s'accroupit à coté de celui sans qui elle n'est rien, et pose délicatement sa main sur son bras. Il sursaute, surpris, et relève la tête en vitesse. Leur regards se croisent et toute la detresse qu'elle lit dans le sien lui déchire le cœur. Il écarquille les yeux, entrouvre la bouche comme s'il s'apprêtait à parler mais seul un long sanglot finit par lui échapper. Il s'abandonne alors dans ses bras, reconnaissant de la voir la, elle qui parvient si bien à illuminer son cœur assombri. Sans un mot, elle le sert contre elle, les larmes coulant doucement de ses yeux clos. Elle le sert contre elle car elle sait que les paroles ne sont plus utiles. Elle le sert contre elle pour enfin pouvoir le réconforter, s'excuser, lui montrer qu'il n'est plus seul, qu'elle est la. Ils sont là, tous les deux, sous la pluie, et ils ont mal, certes, mais ce mal semble s'estomper, au moins le temps d'un instant...

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