Recueil de Pièces de Huit

Là où le cœur repose

Défi Pièces de Huit n°2, Thème : Là où le cœur repose

/

Le jeune homme marchais, tranquille. Ses pas suivaient le chemin, ce chemin qu'il avait déjà suivi tant de fois. Ce chemin qui le menait à ce lieu si particulier pour lui, si unique.

Il marche et bientôt, il débouche dans la lumière. Il plisse les yeux un instant, avant qu'un sourire immense ne se dessine sur son visage. Visage qui a vieilli, marqué par les années passées, mais qui reste encore étrangement enfantin.

Heureux, il se jette sur la personne déjà présente, l'emprisonnant dans une étreinte d'acier. Un rire résonne à ses oreilles alors qu'il laisse échapper sa joie.

Relâchant finalement l'homme, il se tourne vers l'ouvrage de pierre, ce pourquoi il revient si souvent ici. Il rit en voyant qu'à part eux, rien n'a changé.

L'œuvre de pierre est toujours là, intemporelle. Il sourit à la voix qui retentit à ses côtés, les paroles faisant écho à ses pensées.

« Ça fait dix ans. Et ici, rien n'a changé. »

L'homme précise, car pour eux, depuis ce fameux jour, tout a changé. Et si le lieu et celui qu'il abrite reste les mêmes malgré les années, ce n'est pas leur cas. Ils ont changé, ils ont vieilli. Ils ont accompli leurs rêves, ils ont avancé malgré tout.

Le jeune homme sourit et vient s'agenouiller devant l'ouvrage de pierre. Un coup d'œil lui indique que l'homme l'a suivi.

Ils restent ainsi quelques instants, se gorgeant de la paix qui imprègne les lieux. Puis, l'homme sort de sous son manteau une bouteille de saké et trois coupes, qu'il remplit. Il en pose une devant la tombe, donne la seconde au jeune homme à genoux à ses côtés et prends la dernière.

Les deux hommes se regardent avant de trinquer sans un mot, juste un sourire et de vider leurs coupes.

Ils ont tant de choses à dire, mais ils ne le font pas. Ils savent tout deux que ce moment est pour la fratrie, pas pour l'individu. Et si le jeune homme trépigne de tout raconter, il patiente. Il sait qu'il aura son heure, comme l'homme l'a eu avant son arrivée.

Le silence s'installe, tranquille, alors que chacun se plonge dans ses pensées, dans ses souvenirs. Et c'est quand un rire résonne qu'ils relèvent les yeux. Ils croisent le regard d'une silhouette fantomatique qui leur sourit, puis les saluent avant de disparaitre.

S'entreregardant, ils ont un sourire de connivence avant que l'homme ne se lève et ne vide le reste de la bouteille sur la tombe.

Se retournant, il ébouriffe les cheveux du plus jeune, gagnant un cri indigné et récupère le chapeau haut-de-forme bleu posé près de lui.

Son chapeau à sa place sur sa tête, l'homme se détourne finalement, laissant seul le jeune homme toujours à genoux devant l'ouvrage de pierre.

Pourtant, à quelques mètres, il s'arrête, avant de se retourner à demi.

« Je suis certain que tu as plein de choses à raconter. On se revoit sur ton navire ce soir pour discuter, Kaizoku-Ō ? »

Le jeune rit, effleurant le pendentif autour de son cou, avant d'acquiescer.

« Avec plaisir, M. le Révolutionnaire. »

L'homme sourit, avant de partir pour de bon. Il n'a que le temps d'entendre une dernière phrase avant d'être hors de portée de voix : « J'ai plein de choses à te raconter, Ace ! »

Il réprime un rire, certain que le plus jeune s'est mis à babiller à une vitesse affolante sur ses exploits. Il le peut après tout, cela fait longtemps qu'ils n'étaient pas revenus.

Mais même si leurs visites sont et resteront espacées de plusieurs années, ils continueront toujours de revenir.

Revenir dans ce lieu si important pour eux.

Ce lieu où leur cœur repose.