Chapitre 2

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Les vagues se retiraient. Mon corps était plus lourd. Plus stable aussi. À moins que ce ne soit l'océan qui se calmait ? S'était-il lassé de moi comme d'un jouet cassé ?

Un grondement sonore me fit ouvrir les yeux. Le ciel sombre me jugeait de son œil sévère.

Et quelqu'un était penché sur moi.

Une respiration qui ressemblait à un sifflement. Deux yeux qui me fixaient, immenses et intenses. D'un bleu aussi profond que celui de l'océan dans lequel j'étais en train de me noyer.

De me noyer ?

D'un coup, mes poumons se gonflèrent d'oxygène. J'ouvris la bouche pour pousser un râle en expirant et je toussai.

Celui qui se trouvait à côté de moi s'écarta dans un bruit.

Ploc, ploc !

Encore du bleu. Une nageoire. Un dauphin peut-être ? Ou quelque chose de plus gros ?

Ma toux redoubla, se transformant en quinte. Respirer faisait mal. Ma gorge et ma cage thoracique se contractaient, j'eus un haut-le-cœur, prête à rendre le surplus d'eau à l'océan.

Je crachai, l'air entra enfin normalement dans mes poumons et je clignai des yeux. J'étais trempée, allongée sur des rochers pleins d'algues. Les vagues venaient timidement se briser à mes pieds, aussi dociles et innocentes qu'un loup noir dans une bergerie.

Ma main agrippa un pan de rocher, mes cheveux me tombèrent devant les yeux en un paquet de nœuds informe, mes jambes vacillèrent un peu, mais je me tins debout.

Il commença à pleuvoir.

Mon Dieu, Jared.

Je scrutai l'océan. Pas de bateau en vue. Pendant combien de temps étais-je restée inconsciente ? Où était mon frère ?

Je grimpai parmi les rochers pour prendre de l'altitude. Rien. Je grimpai encore, m'écorchant les paumes, le genou gauche et la plante du pied droit.

J'arrivai après quelques minutes, essoufflée, au bord d'une route. Un point de repère. Je distinguai le port, à plusieurs centaines de mètres sur ma droite.

Je longeai la côte, cherchant à presser le pas malgré mes jambes tremblantes. La pluie combinée au vent me faisait grelotter. La tête me tournait et mon cœur frappait fort dans ma poitrine, toutes mes pensées focalisées sur l'idée de retrouver Jared.

Enfin, je dépassai les premières maisons de la ville portuaire de Lyttelton.

En temps normal, je connaissais les lieux comme ma poche, mais j'avais du mal à m'orienter. Comme une zombie revenue de l'autre-monde, je titubais le long du quai à la recherche du chalutier.

— S'il vous plait, dis-je à un passant, mon frère... Le bateau... Revenir...

Passants et promeneurs me regardaient sans comprendre ; certains – visiblement des non-locaux – m'évitaient avec gêne. Je cherchais, j'appelais, je réclamais mon frère.

— Jared ? répéta alors un marin.

— Oui, Jared... Il faut lui dire...

— Vous êtes sa sœur ?

Les voix commencèrent à retentirent, comme en écho.

— Elle est là !

— Prévenez Jared, par ici !

On me parlait de toute part, mais je ne savais plus vers où me diriger. Je trébuchai. Quelqu'un me rattrapa par le bras, d'une main ferme, puis m'orienta.

Le SirénienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant