Chapitre 3

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— J'ai une nouvelle que tu vas adorer ! annonça Tasha. Ne me demande pas comment, mais j'ai découvert en avant-première qui sera notre prof référent : Daren Thompson. Tu imagines la chance ? C'est le plus brillant des chercheurs actuels, il va nous permettre de... Carly tu m'écoutes ?

— Hmm ?

Je relevai la tête de ma lecture. Avec nos deux verres de limonade, nos lunettes de soleil et nos ordinateurs portables posés sur la table, jambes croisées, nous aurions pu passer pour des jumelles.

Enfin, là s'arrêtait la comparaison. Tasha ressemblait à un top model avec sa silhouette fine et élancée, et sa peau brune qui lui venait de ses origines des Philippines. Moi, je bronzais à peine – la cause étant que je me tartinais de crème solaire pour éviter de tourner au rouge écrevisse – et mes cheveux châtains étaient la définition de l'indiscipline.

Comme je n'avais pas réagi à sa dernière remarque, Tasha se pencha sur mon écran.

— ..."inhibe l'activation des cellules T induite par la plupart des stimuli en bloquant la transduction des signaux intracellulaires...". Tu as décidé de laisser tomber la biologie marine pour faire médecine ?

Je refermai l'ordinateur.

— Je ne peux pas m'en empêcher.

— Ta mère a de la chance de t'avoir.

Les notices de médicaments et leur mécanisme d'action bataillaient dans ma tête dans une valse infernale, cherchant à entamer un duo avec le myriophylle. Mais personne ne dansait sur le même rythme.

J'avais douze ans lorsque ma mère avait fait un pneumothorax. Je l'avais vue s'enfoncer les ongles dans la poitrine, saisie par une douleur brutale, comme cherchant à s'ouvrir la peau pour respirer. Perdue et impuissante, j'avais appelé Jared sur son portable en résumant la situation avec ces mots terribles « je crois que maman est en train de mourir ». Il avait quitté le lycée en catastrophe et m'avait demandé de rester auprès d'elle pendant qu'il joignait les urgences.

J'avais cru la perdre ce jour-là. Nous y avions cru tous les deux.

Pas de père au tableau ; il était parti depuis suffisamment longtemps pour que je perde l'habitude de penser à ce quatrième membre de la famille, censé incarner la protection et la sécurité. Je n'avais pensé à lui que lorsque les secours étaient arrivés et avaient demandé s'il fallait le prévenir.

Je lui en avais voulu pour son absence, plus encore que d'habitude. Puis j'avais refusé de penser à nouveau à lui.

J'avais commencé à lire des articles sur la maladie de ma mère, ses symptômes, les traitements qu'elle prenait et qui lui causaient des effets secondaires plus ou moins graves : un jour c'était de la fièvre et une anémie prononcée, un autre c'était des saignements cutanés et des ecchymoses qui apparaissaient sur l'ensemble de son corps comme si on l'avait rouée de coups. Le traitement était à prendre à vie. Un sursis, voilà ce qu'elle gagnait, jusqu'où jour où la transplantation deviendrait l'ultime recours.

Je me refusais à cette idée. Il devait bien exister quelque part une alternative, un traitement qui lui apporterait les bénéfices sans les désavantages.

C'est là que j'étais tombée sur le myriophylle austral. Les recherches menées sur cette plante, unique en Océanie, avaient prouvé sa capacité à bloquer les effets secondaires ; bien sûr nous n'avions qu'une compréhension partielle de son fonctionnement, nous manquions d'essais cliniques, mais les preuves étaient encourageantes.

Et cette plante, j'avais été à deux doigts de l'avoir entre mes mains.

— Tu es sûre que ça va ?

Le SirénienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant