Chapitre 3

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« La famille est une force qui cesse de l'être quand quelqu'un l'a trahie. »

Patricia Wentworth

Le soleil italien. Un ciel plus bleu que nature. Je posai un pied sur le sol en plissant les yeux vers le ciel. Je n'aimais pas l'atmosphère ambiante. Le vide qui résonnait dans ma poitrine m'assourdissait. Je tournai mon regard vers Alessandro, qui, ses lunettes de soleil sur le nez, déblatérait en mandarin depuis dix minutes au téléphone.

— Maintenant, tu vas te faire fâcher par papa pour avoir insulté sa petite princesse adorée ?

C'était plus une question qu'une provocation, mais le tueur ne l'entendit pas de cette oreille. Il raccrocha au nez de son interlocuteur en passant devant moi, et m'adressa un rictus moqueur.

— Tu te fais des idées, puttana. J'ai hâte de voir ta tête.

J'ignorai sa remarque en passant royalement devant lui, et grimpai dans le SUV noir encadré par des hommes de main. Il rigola et embarqua à son tour alors que le véhicule démarrait.

— On a deux heures de route, tu as le temps de chercher tes neurones dans ton cerveau.

Je l'ignorai une fois de plus. La boule qui m'enserrait la gorge ne faisait que grossir de seconde en seconde et j'avais à la fois peur de fermer les yeux et peur de les garder ouverts. Je ne savais pas si je voulais être là. J'étais pratiquement sûre que non. Pour une raison inconnue, je me laissai totalement faire.

Mes ongles s'enfoncèrent une fois de plus à l'intérieur de mes paumes, rouvrant les plaies que j'avais faites quelques heures plus tôt.

Puis je pris une grande inspiration pour me calmer et me raisonner.

Patience. Contrôle. Obéissance.

Ne pas penser. Ne pas rêver. Ne pas réfléchir. Suivre. Obéir. Attendre. Pour survivre.

Je passai un doigt sur le tatouage au creux de mon cou, toujours masqué par mon collier, et refermai les paupières en tentant d'oublier que j'étais là.

Le véhicule s'arrêta et mon cœur fit un arrêt. Dans quelques minutes, quelques secondes, j'allais avoir une famille. Mettre des visages sur des noms et des voix fantômes dans mon esprit. Avoir des réponses. Avoir une maison ?

Je déglutis sévèrement. Si je sortais de cette voiture, ma vie allait changer.

Mais c'était déjà le cas de toute façon n'est-ce pas ? Si je ne sortais pas, ils viendraient me chercher. Je ne pouvais pas m'enfuir. Ce serait stupide et dangereux, s'enfuir n'était jamais la bonne chose à faire quand l'ennemi n'avait pas confiance en vous.

Respirer, patienter, contrôler, obéir, fuir.

J'avais retenu ma leçon.

Ma vie allait changer, je n'avais pas le choix, il fallait que je l'accepte et que j'avance.

Alessandro redevint aussi froid que la glace et ne me jeta pas un regard en ouvrant la portière. À travers les vitres teintées, j'apercevais à peine une gigantesque façade blanche, mais quelque chose me disait qu'elle était identique à celle de mes souvenirs flous.

Alors qu'il sortait de la voiture, je sentis l'odeur de l'Italie emplir l'habitacle. L'odeur des rosiers rouges, de la mer à une centaine de mètres, le vent frais, et le soleil qui venait picoter ma peau.

En posant ma main sur la poignée de la porte, je dus prendre une grande inspiration pour parvenir à rester de marbre.

Ne jamais montrer ses faiblesses. Tu ne sais pas ce qui t'attend de l'autre côté. Prépare-toi au pire.

Envolée [DARK ROMANCE][SORTIE PAPIER LE 20 MARS]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant