CHAPITRE 6 – Entre les feuillages
« Ah ! demoiselle aux yeux verts, se dit Raoul, pendant que les trois mules du break, dont il entendait tinter les grelots, commençaient l'escalade des premières pentes, jolie demoiselle, vous êtes ma captive désormais. Complice d'assassin, d'escroc et de maître chanteur, meurtrière vous-même, jeune fille du monde, artiste d'opérette, pensionnaire de couvent..., qui que vous soyez, vous ne me glisserez plus entre les doigts. La confiance est une prison d'où l'on ne peut s'évader, et, si fort que vous m'en vouliez d'avoir pris vos lèvres, vous avez confiance au fond du cœur en celui qui ne se lasse pas de vous sauver, et qui se trouve toujours là quand vous êtes au bord de l'abîme. On s'attache à son terre-neuve, même s'il vous a mordu une fois.
« Demoiselle aux yeux verts, qui vous réfugiez dans un couvent pour échapper à tous ceux qui vous persécutent, jusqu'à nouvel ordre vous ne serez pas pour moi une criminelle ou une redoutable aventurière, ni même une actrice d'opérette, et je ne vous appellerai pas Léonide Balli. Je vous appellerai Aurélie. C'est un nom que j'aime, parce qu'il est suranné, honnête, et petite sœur des pauvres.
« Demoiselle aux yeux verts, je sais maintenant que vous possédez, en dehors de vos anciens complices, un secret qu'ils veulent vous arracher, et que vous gardez farouchement. Ce secret m'appartiendra un jour ou l'autre, parce que les secrets c'est mon rayon, et je découvrirai celui-là, de même que je dissiperai les ténèbres où vous vous cachez, mystérieuse et passionnante Aurélie. »
Cette petite apostrophe satisfit Raoul, qui s'endormit pour ne pas penser davantage à l'énigme troublante que lui offrait la demoiselle aux yeux verts.
La petite ville de Luz et sa voisine, Saint-Sauveur, forment une agglomération thermale où les baigneurs sont rares, en cette saison. Raoul choisit un hôtel à peu près vide où il se présenta comme un amateur de botanique et de minéralogie, et, dès cette fin d'après-midi, étudia la contrée.
Un chemin étroit, fort incommode, conduit en vingt minutes de montée à la maison des sœurs Sainte-Marie, vieux couvent aménagé en pensionnat. Au milieu d'une région âpre et tourmentée, les bâtiments et les jardins s'étendent à la pointe d'un promontoire, sur des terrasses en étage que soutiennent de puissantes murailles le long desquelles bouillonnait jadis le gave de Sainte-Marie, devenu souterrain dans cette partie de son cours. Une forêt de pins recouvre l'autre versant. Deux chemins en croix la traversent à l'usage des bûcherons. Il y a des grottes et des rochers, à silhouettes bizarres, où l'on vient en excursion le dimanche.
C'est de ce côté que Raoul se mit à l'affût. La région est déserte. La cognée des bûcherons résonnait au loin. De son poste il dominait les pelouses régulières du jardin et des lignes de tilleuls soigneusement taillés qui servent de promenades aux pensionnaires. En quelques jours, il connut les heures de récréation et les habitudes du couvent. Après le repas de midi, l'allée qui surplombe le ravin était réservée aux « grandes ».
Le quatrième jour seulement, la demoiselle aux yeux verts, que la fatigue sans doute avait retenue à l'intérieur du couvent, apparut dans cette allée. Chacune des grandes désormais sembla n'avoir d'autre but que de l'accaparer avec une jalousie manifeste qui les faisait se disputer entre elles.
Tout de suite Raoul vit qu'elle était transformée ainsi qu'un enfant qui sort de maladie et s'épanouit au soleil et à l'air plus vif de la montagne. Elle évoluait parmi les jeunes filles, vêtue comme elles, vive, allègre, aimable avec toutes, les entraînant peu à peu à jouer et à courir, et s'amusant si fort que ses éclats de rire retentissaient en échos jusqu'à la limite de l'horizon.
« Elle rit ! se disait Raoul, émerveillé, et non pas de son rire factice et presque douloureux de théâtre, mais d'un rire d'insouciance et d'oubli par où s'exprime sa vraie nature. Elle rit... Quel prodige ! »
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La Demoiselle aux yeux verts (COMPLETE)
AbenteuerAlors qu'il flâne dans les rues de Paris, Arsène Lupin se met subitement à suivre un homme filant une touriste anglaise aux cheveux blonds et aux yeux bleus... Plus tard installé dans une pâtisserie du boulevard Haussmann, il remarque à une table un...