L'interview du mois 2

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Petite surprise du premier numéro, nous avons deux interviews à vous présenter. Nous avons également interviewé Jérémy Pit, un membre de l'équipe de monteurs. Nous lui avons posé quelques questions sur son métier et l'expérience Skam France.

Interview réalisée le 21 mai 2020

Pouvez-vous nous raconter en quoi consiste votre métier ?
Mon métier consiste à visionner les rushs, à en extraire les meilleures parties, et à les agencer pour former des séquences qui forment à leur tour un film. Mais monter c'est bien plus que ça. Le montage est la troisième phase d'écriture d'un film (le scénario étant la première phase et le tournage la seconde). Monter c'est avant tout raconter une histoire, sublimer la mise en scène, créer du sens et distiller de l'émotion.
C'est un peu comme en cuisine, on écrit la recette (le scénario), on va chercher les meilleures ingrédients (au tournage) puis on les cuisine (en salle de montage). Durant toutes ces phases, on cherche, on construit, on déconstruit , on fait des choix. On améliore sans cesse dans un seul et unique but : raconter l'histoire du mieux possible. Un bon montage c'est comme un bon plat, cela doit être bien assaisonné, subtile, équilibré, cohérent, joliment dressé et surtout cela doit procurer de l'émotion.

Qu'est-ce qui vous a donné envie de faire ce métier ? Quel est votre parcours ?
J'ai toujours aimé l'image : la bande dessinée, les séries américaines, le cinéma. Plus jeune, j'étais un fidèle client de mon vidéoclub.
Après un bac Arts Appliqués et un Deug Art du spectacle option cinéma (Bac +2 ndlr), je n'avais absolument aucune idée précise du métier que je voulais faire. Ma seule certitude : l'envie de travailler dans l'audiovisuel. J'ai donc suivi une formation audiovisuelle pour adulte à l'AFPA (Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes ndlr) et c'est là que le montage s'est imposé à moi comme une évidence toute naturelle. C'est en montant que je prenais le plus de plaisir. A la suite de ma formation, n'ayant aucun contact dans le cinéma et l'audiovisuel, j'ai chaussé mes baskets et pris mon courage à deux mains pour déposer en main propre mon CV dans une centaine de sociétés de productions parisiennes et j'ai envoyé environ trois cents mails à d'autres sociétés et à des monteurs. Très peu d'entre eux m'ont répondu favorablement mais c'est grâce à ça que j'ai commencé à monter des émissions de télévision et à être assistant monteur bénévole dans une dizaine de courts-métrages.
Au fil des temps, j'ai monté une vingtaine de courts-métrages (toujours bénévolement et sur mon propre matériel) et en parallèle je continuais les émissions de télévision, reportages et autres montages en tout genre pour gagner ma vie. J'ai également suivi les formations filmeditingpro.com avec lesquelles j'ai énormément appris. Depuis je ne monte que de la fiction et je suis ravi.

Quelles sont les études à faire ?
BTS audiovisuel, école de cinéma (privée ou publique), formation pour adultes. Il n'y a pas de chemin précis à suivre pour faire ce métier.

Avez-vous des conseils pour ceux qui aimeraient se lancer dans ce métier ?
     - Apprendre un logiciel de montage. Je conseille fortement de suivre une formation ou une école. Apprendre tout seul chez soi, c'est beaucoup plus dur et beaucoup plus long.
     - Débuter en devenant assistant monteur. C'est très formateur. Cela permet de comprendre la chaîne post-production, d'observer les monteurs travailler, et de faire des rencontres.
     - Monter tout ce que vous pouvez : vidéos institutionnelles, clips, pubs, courts-métrages, reportages, documentaires, etc...
     - Lire des livres techniques sur le montage, sur la narration et le scénario, mais aussi sur l'histoire de ce métier.
     - Soyez passionné, déterminé et ne perdez jamais de vue votre  objectif ; le mien était de monter de la fiction.
Sachez aussi que l'on ne devient pas monteur avec un grand M en sortant d'une formation quelle qu'elle soit. La formation est une étape et on apprend à monter toute sa vie. On devient surtout monteur en montant.

Rencontrez-vous les acteurs ?
J'ai rencontré les acteurs lors des projections. C'est très rare de les croiser en salle de montage même si cela est déjà arrivé.

Assistez-vous aux tournages ?
Non, le montage se déroulant pendant le tournage, ce n'est pas possible.

Depuis quand êtes-vous sur le projet Skam ? Et comment y êtes-vous arrivé ?
J'y suis depuis le début, j'ai fait les six saisons. Je travaille avec David depuis 12 ans maintenant, c'est lui qui m'a appelé sur ce projet.

Votre saison préférée à monter ?
Aucune, j'ai pris du plaisir sur toutes les saisons.

Pourquoi y a-t-il plusieurs monteurs ?
Nous sommes plusieurs monteurs car les délais de rendu sont très courts. Tout seul, ce serait tout simplement impossible et on est toujours plus efficace à plusieurs cerveaux.

Montez-vous clip par clip ou épisode par épisode ?
Le montage de Skam France se passe ça : Yannick Grassi, Adrien Pallatier et moi-même commençons par monter des  séquences (clips) à partir des rushs synchronisés par notre assistante monteuse Irys Persy supervisée par la directrice de post-production Jill Pardini.
Après visionnages et discussions entre monteurs, nous envoyons une première version (V1) à David Hourrègue qui est sur le tournage. Les retours de David nous permettent de travailler sur une seconde version des séquences (V2) qui est soumise à Carole Della Valle (notre productrice). Je garde ensuite ses retours au chaud pour l'assemblage des épisodes.
Lorsque nous avons suffisamment de V2 validées, je commence l'assemblage des épisodes. Pendant ce temps, Yannick et Adrien continuent le montage des séquences.
Il faut savoir que visionner une séquence seule ou dans la continuité d'un épisode n'offre pas du tout le même ressenti. En visionnant les premiers assemblages, on s'aperçoit de beaucoup de choses : plan trop court ou trop long, manque de clarté, redondance, baisse de rythme, intention de jeu pas cohérente, etc... Je modifie donc les montages existants, je lie les séquences entre elles, j'harmonise l'épisode, lui donne du rythme et j'accentue l'émotion.
Une fois la V1 de l'épisode constituée, nous la visionnons avec l'ensemble de l'équipe de post-production : David (de retour du tournage), Yannick, Adrien, Jill et Irys. On prend les impressions de chacun et avec David, on fait une V2 pour Carole et Alban Étienne (CEO de Banijays Productions France) qui nous font leurs retours. Puis nous envoyons une V3 pour validation Diffuseur à Ségolène Zaug (Responsable de programme de la fiction numérique) et SenedDhab (directeur de la fiction numérique).
Une fois le montage validé, Yris et Jill exportent l'épisode picture locked pour le monteur son (Antoine Rozan), le mixeur son (Alain Grandit) et l'étalonneur (Karim Elkarari qui travaille en étroite collaboration avec Xavier Dolléans le directeur de la photographie). Toutes ces étapes sont validées par David.
En parallèle, Marion Amen monte les préviously et bandes annonces TV et Web. Pour finir, Irys et Jill subdivisent les épisodes mixés et étalonnés en séquences (clips) et créent les PAD (Prêt A Diffuser) des clips et des épisodes complets pour les envoyer à France TV Slash.

Combien de temps vous faut-il pour monter un clip ?
Le temps de montage d'un clip dépend de la longueur de la séquence, de sa complexité et de la quantité de rushs dont on dispose. Une séquence courte (1 à 2 minutes) en simple champ/contre-champ peut prendre une matinée s'il n'y a pas trop de rushs. Une séquence longue est plus compliquée avec beaucoup de rushs comme la soirée infiltration (saison 3 épisode 3 ndlr), environ 7 minutes, c'est cinq jours de travail.

Combien de temps vous faut-il pour monter un épisode ?
Une fois toutes les séquences d'un épisode montées et validées, j'ai deux jours/deux jours et demi pour assembler et finaliser un épisode avant l'envoi de validation Diffuseur. Si l'on réunit les temps de montage des séquences et des assemblages, nous avons en moyenne neuf jours par épisode.

Pour finir, un dernier petit mot à dire pour nos lecteurs et lectrices ?
Check de gang à distance 🖐🏻

Skam France Magazine 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant