Chapitre 2 : L'hôtel abandonnée

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« Salut Alex ! J'espère que tu vas bien, aujourd'hui je vais faire de l'Urbex. Tu connais l'hôtel abandonné de Saint-Hyppolite ? Rejoins-moi là-bas. »

Ce message, je l'ai reçu ce matin-là de Jennifer, ma sœur. Elle adorait faire de l'exploration urbaine, surtout à la tombée de la nuit. Mais par-dessus tout, elle aimait visiter des lieux réputés hantés. Ce qui n'était pas mon cas, je détestais ça, je ne comprenais pas l'intérêt d'essayer de se faire peur dans des lieux sinistres, alors qu'un bon film d'horreur pouvait amplement être suffisant.

J'ai néanmoins accepté l'invitation, car laisser Jennifer y aller seule me paraissait inconcevable. Bien évidemment, j'ai convié sur les lieux une autre personne, ma femme Maria.

L'hôtel Saint-Hyppolite était situé en bord de route, et il était très sinistre à voir, ce que n'arrangeaient pas toutes les histoires de spectres qui entourent cette bâtisse. Elle était pour moi tout droit sorti d'un cauchemar. Maria et moi étions devant l'hôtel comme convenu, mais Jennifer n'était pas là ; pourtant sa voiture était bien garée à quelques mètres de là.

‒ Tu devrais l'appeler, à mon avis elle est déjà en pleine exploration, m'a dit Maria.

J'ai pris mon portable, et au même moment j'ai reçu un appel de Jennifer.

‒ Allô ! a fait la voix à l'autre bout du fil.

‒ Oui, sœurette, tu es où ?

‒ Je suis déjà à l'intérieur. Rejoins-moi au deuxième étage, tu vas voir c'est ouf ici ! a-t-elle dit avant de raccrocher.

Maria et moi, équipés de notre lampe-torche, étions en train de parcourir l'hôtel, qui était vraiment dans un état lamentable, avec des graffitis un peu partout, ainsi que des débris de toutes sortes, et plus j'avançais, plus je trouvais cet endroit de moins en moins effrayant ; cela ressemblait plus à un squat qu'à un hôtel hantée. Alors, Maria et moi avons emprunté les escaliers pour rejoindre le deuxième étage et ma femme s'est écrié :

‒ Jenn ! On est là !

Il n'y a eu aucune réponse. À la place, le silence. On a longé un couloir qui nous a amené dans une pièce avec des fenêtres et dans laquelle un arbre avait poussé, occasionnant un trou béant dans le sol mais aussi dans le plafond. Ne trouvant personne, Maria s'est tournée vers moi en me regardant d'un air interrogateur.

‒ Je vais l'appeler, ai-je fait.

Je suis cependant tombé sur sa messagerie. Au moment où j'allais retenter mon appel, ma femme qui se trouvait face à moi m'a touché le bras et m'a fait un signe de tête pour m'indiquer quelque chose derrière moi. Au bout du couloir, il semblait y avoir une personne debout dans l'ombre, fixe.

‒ Jenn ! ai-je interpelé la silhouette.

Mais on ne m'a pas répondu : la personne, qui qu'elle puisse être, n'a pas bronché. J'ai fait quelques pas en pointant mon faisceau de lumière devant moi.

‒ Jenn ? Ce n'est pas le moment de faire des blagues, surtout dans un endroit pareil.

Toujours aucune réponse. Plus je m'approchais, plus j'avais envie de quitter cet endroit. Mon faisceau a atteint l'individu, mais au lieu de trouver quelqu'un à cet emplacement, il n'y avait personne.

‒ C'est extrêmement flippant, ai-je chuchoté, toujours en fixant l'endroit où la forme était apparue.

À cet instant précis, mon portable a vibré.

‒ Bordel Jenn ! Tu es où ?

‒ Toi, tu es où, Alex ? Ça fait plusieurs minutes que je t'attends, m'a-t-elle rétorqué, agacée.

‒ Mais on est là, au deuxième étage, comme tu nous l'as demandé, ai-je expliqué, en m'éloignant de plus en plus de la pièce où se trouvait l'arbre, laissant Maria, qui n'avait toujours pas bougé.

‒ Mais il n'y a pas quatre mille étages, Alex ; si tu es là, je suis censée te voir ! Je suis dans le couloir de ce deuxième étage.

‒ Je suis actuellement moi aussi dans le couloir au deuxième, ai-je répondu, et je ne te...

Quelque chose a attiré mon attention, interrompant ma réplique : des sanglots étouffés.

‒ Et... ? a questionné ma sœur.

‒ Attends, ai-je fait.

Je suis revenu dans la pièce de l'arbre, d'où provenaient les sanglots ; il y avait quelqu'un, debout sur le bord de la fenêtre, comme prêt à sauter.

‒ Maria ? ai-je demandé, me noyant dans l'incompréhension.

Elle me regardait d'un air désolé, des larmes perlant sur son visage, et l'impensable m'a traversé l'esprit. J'ai lâché mon téléphone et j'ai couru aussi vite que je pouvais pour retenir Maria, qui comme je le craignais s'est laissée tomber dans le vide. Je la tenais à bout de bras, elle gigotait dans tous les sens comme pour lâcher prise et en même temps elle s'agrippait à moi de toutes ses forces, au point d'enfoncer ses ongles dans ma chair.

‒ Alex, qu'est-ce que tu fais ?

J'ai tourné la tête pour voir qui me posait cette question absurde, et mes yeux se sont écarquillés d'effroi : Maria se tenait là, derrière moi. Mon regard horrifié s'est posé sur la personne que j'essayais de sauver et j'ai alors vu un visage déformé par un rictus, mais surtout en pleine décomposition. J'ai poussé un cri, alors que cette chose s'agrippait à moi avec plus de force, essayant de me faire basculer avec elle. Je sentais Maria me tirer vers l'arrière pour me dégager de cette monstruosité, ce qu'elle est parvenue à faire, non sans difficultés. Il y avait un silence très pesant, je n'entendais rien d'autres que les battements de mon cœur et je fixais la fenêtre, m'attendant à voir cette chose apparaître à nouveau.

‒ Alex, faut qu'on parte d'ici.

Mes yeux se sont attardés sur Maria : elle avait les yeux rougis, comme si elle avait pleuré. Je ne savais plus vraiment ce qui était réel ou pas.

Puis mon portable que j'avais laissé tomber a vibré une fois de plus. Il était près du trou béant que l'arbre avait provoqué en poussant à l'intérieur de l'hôtel. Je me suis levé, pénétré d'un sentiment de malaise que je ne parvenais pas à chasser. Maria m'a fait signe de la tête de ne pas répondre, les larmes aux yeux, elle avait peur. Mais pourquoi ne voulait-elle pas que je réponde ? Je savais qu'il se passait quelque chose, mais je ne comprenais toujours pas, tout me semblait confus. Malgré les recommandations de Maria, j'ai pris le portable ; c'était Jennifer, mais au moment où j'ai voulu décrocher, mon sang s'est glacé et mon cœur a manqué un battement. Le trou dans le sol créé par l'arbre montrait l'étage du dessous, et ce que je vis était l'horreur absolue : ma sœur était là, juste en bas. Elle était empalée sur une branche qui lui sortait littéralement du ventre. La vibration de mon portable a retenti encore une fois. Le nom qui s'affichait m'a fait déglutir difficilement. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai décroché malgré tout.

‒ Allô, Alex ! Tu es où ? Je t'attends.

J'ai lâché mon téléphone, ahuri. C'est à cet instant précis qu'une terreur que je n'avais jamais ressentie de toute ma vie s'est emparée de moi. C'est enfin à ce moment que j'ai compris ce qui se passait. J'ai regardé Maria qui me suppliait depuis tout à l'heure de partir parce ce qu'elle avait vu le cadavre de ma sœur pendant que j'étais au téléphone avec je ne sais quoi. Je l'ai prise par le bras, afin de quitter pour toujours cet endroit maudit. Pendant notre traversée, des chuchotements se sont élevés ; ils nous disaient de rester, et la voix la plus forte était celle de Jennifer. Ce qui était aussi très effrayant, c'était de voir des choses à chaque fois du coin de l'œil mais jamais de face, comme pour nous faire douter de leur présence.

La police est venue, et nous avons appris par la suite que Jennifer était morte sur le coup : elle avait fait une chute et s'était empalée. Mais ce qui faisait le plus froid dans le dos, c'était que Jennifer était morte depuis la veille. J'ai repensé avec angoisse au texto que j'avais reçu ce matin-là. Mon histoire aurait pu se terminer ainsi, mais je n'étais pas arrivé au bout de mes peines. Cela fait maintenant quatre mois que Jennifer nous a quittée, mais chaque mois, le même jour et à la même heure, je reçois ce message :

« Salut Alex ! J'espère que tu vas bien, aujourd'hui je vais faire de l'Urbex. Tu connais l'hôtel abandonné de Saint-Hyppolite ? Rejoins-moi là-bas. »

Luck or DeathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant