Chapitre premier : le poids du destin

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Clinith était seul dans ses appartements. Il s'était assis au bord d'une des nombreuses fenêtres de Mainadab. Pensif, il essayait tout de même de fuir le poids du destin, rappelé une nouvelle fois par la Reine, sa mère.

Devenir Roi. C'est ce qui l'attendait, mais surtout ce qu'il redoutait. Devoir diriger, décider... Avoir la vie des Athradens entre les mains... Un poids trop lourd pour ses jeunes épaules.

Il n'avait pas l'étoffe d'un Roi et ne la désirait pas. Il n'était pas proche de son peuple, fuyant toutes les fêtes annuelles, même celles en son honneur. Il n'avait pas d'amis, pas même ses domestiques : ses parents ne lui donnaient que trop peu d'amour pour qu'il puisse en offrir en retour.

Soudain, l'entrée de Turienne, une des domestiques, dans sa chambre le sorti de ses pensées.

« Que faites-vous ici ? Votre mère vous attend dans la grande salle pour le repas. » expliqua-t-elle.

Clinith ne répondit pas. Il ne voulait pas revoir sa mère, pas tout suite.

Turienne souffla et continua, « Je perd mon temps avec vous. Faites ce que vous voulez, j'en ai assez de courir après vous. » Et elle quitta les appartements.

Clinith n'aimait pas contrarier cette dame, mais il le faisait souvent. Il l'a connaissait depuis toujours, c'était confié à elle enfant, mais il s'était trop renfermé sur lui-même en grandissant, ne laissant personne le comprendre.

Au bout d'une heure, Turienne frappa à la porte. Ces coups (trou petits coups, un long coup ; deux petits coups ; un long coup et un petit coup) signifiait une urgence. Clinith se sécha ses larmes et s'habillât convenablement.

En arrivant, il vit que tous les conseillers étaient autour de la grande table et tous, silencieux, mais impatients, l'attendaient. Clinith, comprenant qu'il était en retard et pris d'une grande vague de panique et de peur devant tous ces regards qui l'épiaient, se précipita pour prendre place au côté de sa mère. Il sentit qu'elle voulait lui faire des reproches, comme elle le faisait souvent, mais elle se racla simplement la gorge et commença :

"Bon, maintenant que tout le monde est là, nous pouvons commencer ce conseil. Si je vous ai réunis c'est parce que j'ai reçu ce matin un message d'Elrond de Fondcombe. La matinée m'était nécessaire pour bien comprendre la demande et j'ai désormais besoin de vous. Nous traiterons par la même occasion d'autres sujets."

Elle posa un parchemin sur la table, et commença à le lire. Mais Clinith, toujours anxieux de la situation qu'il venait de vivre, ne retenue qu'une seule chose :

"je vous invite à envoyer le plus tôt possible des messagers à Fondcombe. Je vais réunir dans peu de temps un conseil qui sera déterminant pour l'avenir d'Athradiaur et de la terre du milieu."

Depuis quelque temps, des rumeurs circulaient à Athradiaur et partout en terre du milieu, on disait que le mal était revenu et se rependait. Clinith était tétanisé à l'idée de faire face à une menace, de n'importe quelle nature. Il ne pouvait déjà pas affronter le monde extérieur, n'ayant jamais dépassé les limites du jardin de Mainadab et n'ayant jamais circulé au sein même de sa cité. Alors affronter le mal ? Impossible.

La Reine expliqua finalement qu'elle allait envoyer Betton, le meilleur archer (1.) de la cité avec deux autres soldats de la garde. Elle expliqua ensuite qu'il fallait donc trois nouvelles recrues afin que le nombre de 2000 soldats soit respecté. Elle ajouta que la nouvelle meilleure archère, en attendant le retour de Betton, serait Huily.

Le conseil toucha à sa fin, puis la Reine s'approcha d'une conseillère et lui dit :

"Une dernière chose Gluifa. Pour demain j'aimerais que vous me présentiez un soldat qui pourrait assurer une protection rapprochée de Clinith. Fort et brave, mais surtout pas trop vieux."

Gluifa acquiesça et partit.

Clifiriell, consciente qu'elle devait des explications à son fils, l'amena à la suivre sur un canapé non-loin de la table. Ils s'assirent tous deux et elle prit la parole, habituée aux silences de Clinith :

"Mon fils. Il est désormais temps pour toi de sortir des murs de Mainadab, mais aussi des murs d'Athradiaur. Tu dois explorer le monde, comprendre les enjeux auxquels tu feras face quand tu seras à ma place."

Il ne put répondre. Il était conscient qu'il devait se responsabiliser, prendre sa vie en main, prendre conscience qu'il allait devoir endosser le rôle de sa mère. Mais partir à l'aventure ? Ça, il n'y avait jamais pensé.

"Écoutes, Tu as bientôt vingt années et tu sais que selon les traditions tu vas devoir commencer ton règne ce jour là. Mais, si tu acceptes d'explorer le monde pendant au moins un mois, je pourrais faire attendre ton destin... Jusqu'à tes trente ans ou même... jusqu'à ma mort."

Il réalisa soudain que sa mère lui posait un ultimatum :

Sortir de sa zone de confort et aller explorer un monde qu'il ne connaissait que trop peu, ou prendre le trône d'Athradiaur dans un mois et laisser le poids du destin s'abattre.

Sa décision fut vite prise dans son esprit, mais il eût du mal à l'exprimer tout haut.

Il préférait fuir. Fuir le poids du destin qui pesait depuis trop longtemps sur ses épaules. S'envoler et oublier ce qu'il avait vécu jusque là, prendre un nouveau départ. Vivre une vie différente. Il savait que cela n'allait pas être aussi joyeux qu'il espérait, mais il était soudain décidé à changer. Se libérant du poids du destin, il semblait pouvoir faire n'importe quoi.

Mais, il marmonna simplement : "je partirai."

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