Chapitre 3 : plus seuls

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L'après-midi s'était installée, et après sollicitation de sa mère, Clinith avait pu constater la force très impressionnante de Brunehilde. Il était assis dans un coin de la salle d'entraînement et, une fois changée, la semi-elfe le rejoignit.

"Vous êtes ici depuis longtemps ? Je ne vous avais pas vu." dit-elle, en souriant.

Clinith bégaya légèrement, mais lui répondit tout de même.

"euh... je... je ne sais plus..."

"D'accord. Vous ne voulez pas que l'on se balade tous les deux ? On pourrait apprendre à faire connaissance, vu que l'on va passer beaucoup de temps ensemble."

il acquiesça et souffla un simple "oui".

~~~

Il se baladait silencieusement au bord des remparts, quand Brunehilde engagea la conversation.

"Du coup, vous faites quoi de vos journées ? Je ne vous ai jamais vu en dehors de Mainadab."

Clinith ne se sentait pas très à l'aise, mais il ne voulait pas être rude.

"euh... en effet, je ne suis jamais sortie. Je dois avouer que je me suis habitué à l'ennui."

"Habitué à l'ennui ? Je n'ai jamais entendu ça !" Dit-elle en rigolant.

Cela fit étrangement sourire Clinith. En temps normal, il se serait vexé, mais là, la remarque de Brunehilde était bienveillante.

"Vous n'avez personne avec qui partager cet ennui ?"

"Non." Dit-il sèchement. Il regretta toute suite, mais la jeune femme ne sembla pas se vexer.

"Ne vous inquiétez pas, moi non plus je n'ai personne avec qui passer du temps."

"Comment ça ?"

"Eh bien, je n'ai qu'un ancien soldat de la garde qui m'aide à m'entraîner. Sinon je ne côtoie personne."

A ces mots, Clinith se sentait plus à l'aise car il était avec quelqu'un qui pouvait le comprendre.

"Et vos parents ?"

Elle souffla profondément et expliqua :

"Je ne l'ai pas dit ce matin car je ne voulais pas que vous me preniez en pitié. Mon père est décédé récemment et c'est lui qui m'a poussé à réaliser mon rêve d'entrée dans la garde Royale. Ma mère, elle, est à Grand-Peur et je ne l'ai pas vue depuis des années."

"Oh... toutes mes condoléances, je suis désolé. C'est pour ça que vous ne voulez pas y retourner ?"

"Oui... Elle a laissé mon père malade, plutôt que de le soutenir. Elle m'a dit qu'elle ne voulait pas avoir le cœur brisé de le voir mourir."

"Et mourir à son tour..."

"Exactement... Vous en connaissez un peu sur les elfes à ce que je vois."

"Oui, ils sont fascinants. Quand j'étais enfant je passais des journées à la bibliothèque à lire des livres et des contes sur eux." dit-il en rigolant légèrement.

Elle sourit avec lui et continua.

"Je vous avoue que je n'ai plus trop de fascination pour eux, après toutes ces années à leurs côtés."

"Oui, je peux comprendre."

Clinith voyait qu'elle se confiait beaucoup et qu'elle se sentait en confiance. Lui aussi se sentait à l'aise. Ils arrivèrent près d'un banc et s'assirent ensemble, une légère brise passant dans leurs cheveux. Brunehilde brisa le silence qui s'était installé depuis quelques minutes.

"Vous savez, ça fait longtemps que je n'ai pas parlé à quelqu'un de mon âge."

"Mais, vous avez vraiment une vingtaine d'années ? Je pensais que les semi-elfes étaient immortels."

"Eh bien, la race est trop peu connue pour que l'on sache réellement ce qui se passe. En fait, c'est comme si on choisissait inconsciemment notre race. Je grandis aussi vite que les Humains, mais je ne sais pas si je suis mortelle."

"Vous ne le savez pas ? Mais votre vision de la vie doit être vraiment étrange."

Elle rit légèrement, puis expliqua :

"En fait, je vis au jour le jour, car vouloir être soldat c'est être conscient que l'on doit s'exposer à la mort au quotidien, et donc je me sens en quelque sorte mortelle."

Et ils continuèrent à discuter pendant un temps.

                                                                                               ~~~

Clinith se sentait désormais proche d'elle, il ne pouvait la comprendre totalement, mais il la respectait énormément. Il se sentait bien à ses côtés, et même s'il la connaissait depuis peu, il avait vraiment envie de se confier à elle.

"D'habitude, je ne me confie jamais. Je me suis renfermé sur moi-même pendant des années. Mais maintenant que je sais que le jour de mon couronnement est loin et que j'ai... une... une amie, je me sens beaucoup mieux."

Brunehilde était très touché par les mots que Clinith venait de prononcer. Elle non plus ne s'était jamais confiée comme elle l'avait fait, mais elle se sentait à l'aise avec lui. Désormais, elle avait un ami.

"Je vous comprends, moi aussi je sens que j'ai un ami. Votre mère va donc réellement repousser le couronnement ?"

"Oui, elle me l'a affirmé ce midi. Je ne suis que soulagé. Je redoutais et redoute encore même s'il est loin, le jour de mon couronnement. Je ne me sens aucunement roi."

"Le devoir. Je ne peux que vous comprendre. C'est très différent, mais moi aussi j'ai dû suivre mon devoir : accompagné mon père vers la mort et continué à vivre comme avant malgré tout. Profitez de ce moment de répit qui vous est accordé."

"Oui c'est ce que je compte faire. J'espère que vous accepterez de me suivre pour découvrir les alentours. J'ai vraiment l'impression que je ne pourrais pas le faire sans vous."

Elle sourit et lui répondit : "Évidemment. Et peut-être qu'avec vous je pourrais soigner la peur qui m'habite quand je pense au simple fait d'entrée dans le royaume de Thranduil."

"Je l'espère aussi. Après tout, nous devons nous soutenir maintenant que nous ne sommes plus seuls."

Elle se tourna vers lui et le prit dans ses bras. Il était très étonné mais surtout pas habitué aux gestes d'affection, mais il la prit dans ses bras lui aussi.

Ils n'étaient plus seuls.

~~~

Une semaine plus tard, les deux amis s'étaient beaucoup confiés et rapprochés. Ils étaient désormais prêts à partir ensemble à l'aventure.

La Reine était heureuse de voir que son fils avait une amie, mais ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être elle serait la future Reine d'Athradiaur. (1.)

Le jour du départ était arrivé et malgré le climat tendu, Clifiriell préférait voir son fils partir seul avec Brunehilde. En effet, il valait mieux être discret et éviter de se faire remarquer.

Ils allaient prendre une petite porte qui se trouvait non loin de Mainadab, dans les jardins, et partir en direction de Grand-Peur. Un voyage d'une semaine les attendait avant d'arriver à l'orée de la forêt. Puis, c'était environ deux semaines et quelques jours de marche qu'ils allaient devoir faire avant d'arriver au royaume.

Brunehilde avait toujours en tête de camper dans la forêt pendant que Clinith visiterait le royaume. Ils ne savaient pas réellement comment ils allaient faire pour que celui-ci soit bien accueilli, mais ils préféraient aviser en temps voulu. Ils savaient très bien que si Clinith était menacé d'une quelconque manière, Brunehilde, qui connaissait bien ces elfes, interviendrait.

Le 8 Ivanneth (septembre) les deux amis montèrent sur leurs chevaux, Thala, le cheval du prince et Celeg, et prirent la route pour le royaume des elfes de la forêt noire.

C'est le cœur léger que Clinith fit ses aurevoirs à sa famille. Brunehilde les ayant déjà faits à son professeur, était plus que prête. Ils partirent alors, chargés de nourriture et d'affaires pour camper.

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