LA ROSE ÉCARLATE by "fleur-de-lys"

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Je ne pourrais jamais oublier ce jour, près de 15 ans que j'échappais à cette douleur qui nous menait à la mort.
Je les revois être traînés jusqu'à la sortie avec ces trois mots qui résonnent encore à mes oreilles, et qui résonneront jusqu'à ma mort. Que ce soit mon voisin qui dit "louche" ou le boulanger qui tente d'empoisonner le village, les habitants s'étaient habitués à tout mais surtout pas à voir une gamine d'à peine cinq années capable de tuer tout ça parce qu'elle est seule, aurais-je dû sourire après avoir vu mon père partir en fumée dans l'hôpital, cette scène jamais je ne pourrais l'oublier...
Depuis ce jour je n'avais plus personne pour m'encadrer et les cinq mois que j'avais passée à l'école du centre avec les quelques sans-abris du coin ne m'avaient pas aidé. J'avais été livré à moi-même encore plus que je ne l'avais jamais été. Tout ça s'était fini le 22 avril, ces menottes beaucoup trop grandes pour mes poignets de gamine de cinq ans qui avait remplacés par des lacets, ce fourgon noir aux vitres grillagées et ces policiers qui me riaient au nez, ça, oui « ça » car il n'y a aucun autre mot pour le décrire, c'était le sort réservé aux incarcérés de première classe, mais pas, surtout pas à une jeune fille fragile de même pas dix ans.
À ce moment-là il aurait été impossible pour d'imaginer que quelques mois plus tard, les derniers mots qui aurait un semi-sens pour moi serait : "Après délibération -même pas cinq minutes- le jury de la cour d'assise de Londres condamne Ashley Carroll, cinq ans, sept mois et vingt-huit jours à quinze ans de prisons ferme sans possibilité de liberté conditionnelle. Chaque lundi, elle sera emmenée avec six autres de ces codétenus sur la place de la mairie où le shérif de son comté décidera qui sera exécutée la semaine suivante ou non."
Je ne sais pas si avant je réalisais le sens de la dernière phrase, mais ce jour-là je l'ai compris, j'avais passé près de quinze ans enfermée sans contact avec le monde extérieur, mais j'ai su à cet instant précis que s'en était fini pour moi.
"Pour la patrie, pour la patrie" répétaient-ils, ces trois mots qui nous accompagnaient partout et qui surplombait la place où aujourd'hui avait sonné l'heure de notre mort. Ces trois mots qui avaient été scandés à la seconde où ce coup porté à la pliure de mes genoux m'avait fait tomber sur ce parquet marron et lustré. À la seconde où mon corps s'affala sur ce sol qui me paraissait dur comme pierre et froid comme la glace, mon cœur manqua un battement. Au moment où mes jambes se plièrent sous la force de ce coup, un sentiment indescriptible entremêlé de soulagement, de peur, de remords et bien d'autres encore parcouraient mon corps et empêchaient mes larmes de couler à flots.

Jamais je n'aurais pensé être prise le matin où j'étais à la mairie. J'avais à peine remarqué ce regard d'indifférence que portaient les employés, ce regard qui quelques années plus tôt m'aurait mise hors de moi. J'attendais dans cette salle sombre pendant tout l'après-midi sous le regard dur des gardes qui nous surveillaient et entourés par les larmes des autres, j'avais subi cet interrogatoire mieux que jamais, j'avais répondu à chaque question, chaque interrogation qu'elle me posait.
J'avais enfilé cette robe sombre d'une noirceur infinie sans même le vouloir. C'était le dernier jour, je pouvais encore survivre, que pouvais-je faire ? N'est-ce pas ma faute ? Je sentais d'ici le soulagement de tout le village, c'était trop tard, il ne me restait même pas deux jours à vivre comme une citoyenne lambda, peut-être que j'aurais dû, j'allais bien être tuée pour un meurtre dont je ne connaissais pas même l'existence il y a 15 ans quand j'avais été désigné coupable, pourquoi ça, il n'y a qu'ici, que dans ce pays que l'on est capable d'accuser une gamine de cinq ans de meurtre, comme si je savais utiliser une arme, comme si j'avais une arme. Et voilà, c'était sûr, maintenant j'allais mourir.


J'étais tellement désespérée par la nouvelle que je n'avais plus rien suivie à la suite de la cérémonie et j'avais déversé mes larmes et mon sang sur ce sol sur lequel ma mort prochaine avait été proclamé, j'aurais aimé y rester, mais c'était impossible, il fallait que je me lève, je n'avais pas le choix, trois hommes étaient là rien que pour moi, pendant que deux me porter par les bras le troisième nous suivaient par derrière prêt à m'immobiliser au moindre geste. Entourée de ces deux gros bras je n'osais pas même respirer et je me contentais d'essayer de deviner là où ils allaient m'emmener. Je pensais aller dans une cellule isolée jusqu'à ma mort, mais jamais moi ou mes camarades avions pensé à quelque chose de plus horrible, jamais nous aurions pu penser que nous serions traités comme du bétail.

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⏰ Dernière mise à jour : Jul 07 ⏰

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