A Rising Star

Chapitre 1

Armé de ma solitude, comme tous les soirs, je franchis la porte du bar en me demandant encore et encore la raison de ma venue. C'est devenu une habitude, mais je n'ai jamais vraiment compris l'origine. Un soir, je suis venu ici et depuis, c'est un rituel. Je m'assois au même tabouret, commande un verre de bourbon, et le sirote toute la soirée en pensant à ma journée.

On est bien loin du temps où je me trainais dans la boue avec tous mes copains. Je ne sais même pas où ils sont aujourd'hui. Le monde commence à se refaire et moi, j'ai réussi à tourner la page, profitant de mes vingt-cinq ans et de mon joli minois. C'est vrai que je sais y faire avec les filles, du moins, je sais comment faire pour qu'elles finissent dans mon lit et puis, il faut dire qu'elles ne demandent que ça pour l'instant. La guerre les a rendus accros au sexe et je suis là pour satisfaire leurs envies.

1950, la grande décennie, celle du renouveau ! Le pays se refait, c'est sûr et j'en profite. Qui ne le ferait pas à mon âge ? Je suis jeune, j'ai quelques cicatrices et histoires qui plaisent aux filles et puis, il parait que j'ai un sourire à faire damner les anges. Une beauté et un charme hérités directement de ma mère.

Je me regarde dans le miroir derrière le bar pour ajuster ma cravate et mon veston. Les derniers dollars que j'avais en poche ont filé tout droit dans ce costume. Il doit me faire accéder à ce rôle. Stella m'a toujours dit que l'allure importe beaucoup et que si tu entres dans une pièce en dégageant de la confiance, tu signeras le contrat. Elle avait raison, j'avais déjà réussi à décrocher deux trois rôles, mais rien de bien sérieux. Je ne suis pas destiné à rester sur la scène, je dois être devant la caméra. Ça, je l'ai toujours su mais après, il faut savoir se démarquer de la concurrence et donner le petit plus que tous les réalisateurs recherchent. Stella m'aide beaucoup là-dessus, elle a su déceler ce qui fera de moi un grand acteur.

Je pose lentement le verre à mes lèvres afin d'avaler la dernière gorgée de bourbon. Ça me pique à la gorge, je ne veux pas devenir comme ma mère et finir complètement saoul en pleine nuit, et pourtant, je suis assis tous les soirs à ce putain de bar. J'arrive encore à m'arrêter, mais j'ai toujours peur de craquer et d'en recommander un autre. C'est la pensée de ma grande soeur qui me fait tenir bon, elle est là et elle me dit de ne pas continuer, alors je balance un billet au serveur et je sors dans les rues froides de New York à la recherche d'une affiche ou d'une salle de théâtre ouverte pour essayer de dégoter un rôle, peut-être le grand rôle.

Parfois, je me dis que je ne ressemble à rien, que les passants me regardent comme un pauvre gars qui erre dans la rue. Ils ont peut-être raison, après tout, je dois me démener pour payer mon loyer et pour manger, c'est pas les quelques rôles que j'ai fait qui me permettent de tenir bon, je dois trouver le vrai pactole.

Puis, sans que je ne me sois rendu compte de sa présence, une jeune fille vient m'accoster en essayant de me frapper au visage.

"Ingrat ! Tu m'as trompé ! Marcy m'a tout dit. T'as pas pu t'en empêcher pas vrai ?"

L'alcool n'améliore pas ma compréhension de la situation, elle se tient à quelques centimètres de mon visage, et il m'est impossible de la reconnaitre. Lundi, mardi, mercredi ? Je n'en ai plus aucune idée.

"Désolé, chérie. Mais j'ai rendez-vous là, on en discute plus tard, d'accord ?", répondis-je d'un air hautain.

Sa réponse est brève, elle me gifle de toutes ses forces et part d'un pas décidé dans la rue voisine. Bordel ! Je place ma main sur ma joue pour essayer de calmer la chaleur qui irradie mon visage. Elle m'a pas raté celle-là ! Mais le temps que je me retourne pour lui crier dessus, elle était déjà trop loin.

Je continue à marcher et m'arrête devant une vitrine pour découvrir un visage complètement rouge. Voilà, ma soirée de recherche de rôle est foutue... Personne ne m'engagera avec cette tête. Il ne me reste plus qu'à rentrer dans ce vieux taudis et de remettre ça à demain. Mon costume n'aura pas beaucoup servi, au moins j'aurai eu cette allure dont m'a parlé Stella pendant quelques heures.